Malgré les progrès de la prévention, l’incidence globale des AVC ne cesse d’augmenter, notamment en raison du vieillissement de la population. En France, chaque année, près de 140 000 personnes en sont victimes. On estime qu’une personne sur six aura un AVC dans sa vie. La répartition des sous-types évolue au fil des années, avec de nos jours plus d’hémorragies cérébrales du sujet âgé associées aux anticoagulants oraux et d’accidents ischémiques cardio-emboliques, et moins d’accidents ischémiques liés à l’athérosclérose.
Par ailleurs, l’incidence des infarctus cérébraux a plus que doublé chez les sujets jeunes (< 55 ans) en 25 ans selon le Registre dijonnais des AVC. Les taux d’hospitalisation pour infarctus cérébral ou AVC ont augmenté de 14 % entre 2002 et 2014 en France chez les moins de 65 ans. Cette tendance, également notée au niveau mondial, reflète un défaut de prévention chez les plus jeunes : prévalence accrue du diabète et de l’obésité, tabagisme, en particulier chez les femmes, augmentation de la consommation de cannabis, facteur causal d’infarctus cérébral. Une moins bonne prise en charge de l’hypertension artérielle (HTA) pourrait également contribuer à la hausse des AVC.
Même si l’AVC est désormais reconnu comme une urgence vitale et fonctionnelle, il est en pratique encore insuffisamment pris en charge « en urgence » pour de nombreuses raisons, en particulier la méconnaissance des symptômes par les patients, leur entourage et même par le corps médical.
La principale difficulté tient à la diversité des symptômes inauguraux. Il s’agit de manifestations extrêmement variées, car elles dépendent de la localisation de l’infarctus ou de l’hémorragie.
Un déficit focal, brutal et d’emblée maximal, est un AVC jusqu’à preuve du contraire. L’AVC se manifeste par des signes ou symptômes neurologiques focaux car chaque partie du cerveau est spécialisée dans certaines fonctions (mouvement, sensibilité, langage, vision). L’occlusion d’une artère cérébrale dans le cas de l’AVC ischémique, ou la rupture d’un vaisseau cérébral lors d’un AVC hémorragique surviennent de manière soudaine, sans prodromes : le déficit apparaît donc en quelques secondes ou minutes. Ensuite, les symptômes se stabilisent ou, parfois, s’améliorent avec le temps.
La régression des signes au bout de quelques minutes ne doit en aucun cas rassurer : les déficits neurologiques soudains régressant rapidement restent des urgences du fait du risque de récidive et de séquelles. En cas d’accident ischémique transitoire (AIT), le risque d’infarctus cérébral est élevé, et l’urgence est de le prévenir.
Quels sont les signes évocateurs d’AVC ?
Font suspecter un AVC :
– une faiblesse d’un ou plusieurs membres ou de la face, le plus souvent d’un côté du corps ;
– un engourdissement ou une perte de sensibilité d’un ou de plusieurs membres, ou de la face ;
– une perte de la vision d’un œil ou de la moitié du champ visuel de chaque œil (hémianopsie) ou vue double (diplopie) ;
– une gêne pour articuler les mots, des difficultés à comprendre, à trouver ou prononcer les mots, à la lecture ;
– des troubles de l’équilibre ou de la coordination des membres (ataxie) ;
– une négligence visuospatiale, habituellement du côté gauche et associée à une hémiplégie et une hémianopsie gauche.
Peuvent s’y associer : des céphalées, intenses et inhabituelles, en lien avec la cause de l’AVC (dissection artérielle, vascularite, thrombose veineuse cérébrale) ou une complication (augmentation de la pression intracrânienne) ; une crise épileptique ; des vomissements (si AVC du tronc cérébral et augmentation de la pression intracrânienne) ; un hoquet (AVC du bulbe) ; des troubles de la vigilance transitoires (AVC bithalamique).
Pièges diagnostiques
Certains AVC ont un tableau clinique initial peu évocateur, caractérisé par une évolution temporelle inhabituelle des symptômes, par exemple progressive, ou des symptômes positifs tels que des mouvements involontaires ou des convulsions, contrastant avec des signes négatifs tels que l’hémiplégie ou l’aphasie.
Ces symptômes, dits caméléons, ont une incidence variant de 2 à 26 %. Il s’agit de :
– vertiges, surtout s’ils sont associés à des symptômes neurologiques supplémentaires ;
– troubles du mouvement : hémichorée, hémidystonie ou hémiballisme d’apparition brutale ou mouvements toniques rythmiques, par exemple du tronc cérébral (secousses ressemblant à des crises d’épilepsie, parfois accompagnées de contractions musculaires toniques prolongées) ;
– monoplégie : moins de 5 % des AVC sont révélés par une monoparésie isolée, qui peut être diagnostiquée à tort comme la paralysie d’un nerf périphérique. Ces AVC touchent dans la plupart des cas le membre supérieur (lésion sur le territoire de l’artère cérébrale moyenne), mais parfois les jambes ou le visage (atteintes du territoire de l’artère cérébrale antérieure).
Ces tableaux cliniques inhabituels sont associés à un risque d’aggravation accru et à un taux plus élevé d’invalidité et de mortalité à 12 mois.
En revanche, il y a aussi des symptômes évocateurs qui ne doivent pas faire suspecter un AVC lorsqu’ils apparaissent de manière isolée, sans qu’ils soient associés à un déficit focal : fatigue, sensation de faiblesse généralisée, incontinence, syncopes, acouphènes, drop attacks, sensation d’étourdissement ou d’évanouissement.
Identifier rapidement les signes initiaux d’AVC et donner l’alerte (en appelant le 15) permettent d’adresser le patient vers la filière AVC le plus vite possible et d’améliorer son pronostic.
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien
D’après :
Casolla B, Quand penser précocement à un accident vasculaire cérébral et que faire ? Rev Prat 2020;70:610-3.
Dans le dossier Accident vasculaire cérébral, les 24 premières heures, sous la direction du Pr Didier Leys.