Les bactéries multirésistantes (BMR) sont capables de s’opposer à l’action de certaines molécules antibiotiques, réduisant ainsi les possibilités thérapeutiques lorsqu’elles sont responsables d’une infection. Ce premier ensemble de bactéries comprend les entérobactéries sécrétrices de bêtalactamases à spectre étendu (E-BLSE) et les Staphylococcus aureus résistants à la méticilline (SARM). 

Il convient de distinguer les BMR des bactéries hautement résistantes émergentes (BHRe), qui regroupent, d’une part, les entérobactéries productrices de carbapénémases (EPC) et, d’autre part, les entérocoques (Enterococcus faecium) résistants à la vancomycine (ERV), également appelés entérocoques résistants aux glycopeptides (ERG). Ces bactéries sont traditionnellement présentes dans le tube digestif, notamment les entérobactéries comme Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae ou Enterobacter cloacae. Les BHRe ont un niveau de résistance élevé aux antibiotiques, ce qui pose des défis thérapeutiques en cas d’infection, car les options disponibles sont généralement limitées.

Que ce soit pour les BMR ou les BHRe, il est essentiel de distinguer la colonisation et l’infection chez un individu : la colonisation correspond à la présence de la bactérie sur un échantillon microbiologique sans manifestation clinique apparente ; l’infection se caractérise par l’existence de signes cliniques associés à une confirmation microbiologique de la présence de la bactérie en question.

Un sujet est considéré comme porteur d’une BMR ou d’une BHRe si un prélèvement microbiologique, généralement un écouvillon rectal ou cutané, atteste de sa présence. Un sujet est, en revanche, considéré comme contact si, lors d’un séjour en établissement de santé, il a partagé une même unité de lieu et de temps avec un sujet porteur.

Quelques chiffres 

Concernant les BHRe, la surveillance menée par le Centre national de référence de la résistance aux antibiotiques a observé, entre 2010 et 2020, une augmentation constante du nombre d’entérobactéries productrices de carbapénémases au sein des établissements de santé.1 Par ailleurs, la surveillance des résistances bactériennes aux antibiotiques dans les secteurs de soins de ville ainsi que dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) est coordonnée, au niveau national, par Santé publique France, dans le cadre de la mission Primo.2 Les données publiées en avril 2023 par cette mission, ainsi que, à titre comparatif, les données concernant les établissements de santé, issues de la mission Spares,3 sont consignées dans le tableau.

Quelles indications pour le dépistage ?

Avant la réalisation du dépistage, il est primordial que le patient soit informé de ses modalités et de l’intérêt d’un tel prélèvement. Celui-ci consiste en la réalisation d’un écouvillonnage rectal. 

Dans le secteur de soins de ville, et notamment chez les patients rentrés à domicile après une hospitalisation, il n’est pas recommandé d’effectuer de dépistage à la recherche d’un portage digestif d’une BHRe.4 Celui-ci concerne uniquement les patients hospitalisés déjà identifiés comme porteurs d’une BHRe, les patients contacts d’un patient porteur, les patients ayant été hospitalisés, ayant séjourné ou étant résidents à l’étranger.

Quelle attitude avec un patient colonisé en sortie d’hospitalisation ?

En cas de découverte du portage d’une BHRe au cours d’une hospitalisation, le patient et son médecin traitant doivent en être informés. Ainsi, la notification du statut de patient porteur ou contact d’une BHRe doit systématiquement figurer sur le courrier de liaison et le compte rendu d’hospitalisation.4

Une fois de retour dans le secteur des soins de ville ou dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, la promotion de l’hygiène des mains est essentielle afin de lutter contre la transmission croisée manuportée. À cet égard, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) rappelle les moments opportuns pour la pratique de l’hygiène des mains : avant tout contact avec le patient, avant la réalisation de gestes aseptiques, après toute exposition potentielle à un liquide biologique, après tout contact avec le patient et après tout contact avec l’environnement du patient.5,6

Et pour un patient vivant en Ehpad ?

Comme en secteur de soins de ville, il est indispensable d’appliquer une hygiène des mains rigoureuse, tout en respectant les autres composantes des précautions standard.7 Celles-ci englobent l’utilisation d’équipements de protection individuelle lorsque cela est nécessaire, le port de gants et d’un tablier à usage unique lors de la réalisation de soins entraînant des risques de contamination par des liquides ou des matières biologiques, la préférence pour l’utilisation de matériel dédié à un seul patient, l’optimisation de la gestion des excreta et des déchets, ainsi que la réalisation d’un nettoyage consciencieux de l’environnement du patient.

Par ailleurs, l’idéal est d’héberger le résident porteur d’une BHRe dans une chambre disposant de sanitaires individuels afin de réduire le risque de transmission croisée. Le bionettoyage de l’environnement doit y être réalisé quotidiennement avec un détergeant-désinfectant dont l’activité bactéricide correspond aux normes NF EN 1040 (activité bactéricide contre Staphylococcus aureus et Pseudomonas aeruginosa) et NF EN 13727 (activité bactéricide contre Staphylococcus aureus, Pseudomonas aeruginosa, Enterococcus hirae et Escherichia coli).

Il n’est pas recommandé de dépister les résidents connus porteurs de BHRe – sauf en cas de transfert en secteur d’hospitalisation – ni de dépister les résidents contacts en cas de présence d’un résident porteur de BHRe.

Références
1. Jousset AB, Emeraud C, Bonnin RA, et al. Carac­téristiques et évolution des souches d’entérobactéries productrices de carbapénémases (EPC) isolées en France, 2012-2020. Bull Epidemiol Hebd 2021;(18-19):351-8.
2. Santé publique France. Mission Primo. Surveillance de la résistance bactérienne aux antibiotiques en soins de ville et en établissements pour personnes âgées dépendantes. Résultats 2021. Avril 2023.
3. Santé publique France. Mission Spares. Surveillance de la consommation d’antibiotiques et des résistances bactériennes en établissement de santé. Résultats 2021. Avril 2023.
4. Haut Conseil de la santé publique. Actualisation des recommandations relatives à la maîtrise de la diffusion des bactéries hautement résistantes aux antibiotiques émergentes (BHRe). Décembre 2019.
5. Organisation mondiale de la santé. Guide pour la mise en œuvre de la stratégie multimodale d’amélioration de l’hygiène des mains. Février 2009.
6. Chou DTS, Achan P, Ramachandran M. The World Health Organization “5 moments of hand hygiene”: the scientific foundation. J Bone Joint Surg Br 2012;94(4):441-5. 
7. Société française d’hygiène hospitalière. Précautions standard. Établissements de santé, établissements médico-sociaux, soins de ville. Juin 2017.

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