Les généralistes sont à l’origine de plus de 80 % des prescriptions d’antidépresseurs. Indications, contre-indications, modalités, surveillance… Les règles d’or de la juste prescription dans cette fiche. 

Il existe cinq classes d’antidépresseurs (tableau 1) : les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA), les antidépresseurs tricycliques ou imipraminiques, les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) et les antidépresseurs « atypiques » ou « autres antidépresseurs ». L’hypothèse du mécanisme d’action des différentes classes est celle d’une interaction avec les différents systèmes monoaminergiques impliqués dans la physiopathologie de la dépression, mais aussi des troubles anxieux (principalement sérotonine, noradrénaline et dopamine). Les mécanismes synaptiques diffèrent selon les classes (notamment inhibition de la recapture synaptique des monoamines, inhibition des systèmes enzymatiques de dégradation…).

Quand prescrire un antidépresseur ?

Les antidépresseurs sont principalement indiqués dans deux troubles : les troubles de l’humeur et les troubles anxieux.

En cas de trouble de l’humeur, ils sont utilisés en tant que traitement d’initiation et de consolidation pour les épisodes dépressifs caractérisés et en tant que traitement de maintenance dans le cas d’un trouble dépressif récurrent, afin de prévenir les récidives.

Certaines classes sont indiquées en cas de trouble anxieux généralisé, de trouble panique, de trouble phobique (tableau 2) ; de trouble obsessionnel compulsif (TOC) [tableau 3] ; de trouble de stress post-traumatique.

Autres indications : certains troubles du sommeil (énurésie, narcolepsie), douleurs neuropathiques (tricycliques, IRSNA), céphalées rebelles et migraines (imipraminiques, IMAO).

Contre-indications et interactions médicamenteuses

Les principales contre-indications de chaque classe d’antidépresseurs sont résumées dans le tableau 1.

Aucun autre antidépresseur ne doit être associé aux IMAO (CI absolue du fait du risque important de syndrome sérotoninergique).

L’hypersensibilité connue à une molécule contre-indique automatiquement celle-ci.

La grossesse est une contre-indication relative : certaines molécules sont utilisables en fonction du rapport bénéfice-risque, avec, en première intention, les ISRS, les IRSNA et les antidépresseurs « atypiques ».

Ces trois classes ont globalement peu de contre-indications hormis celles citées ci-dessus. Leur posologie doit être adaptée en cas d’insuffisance rénale et hépatique. Certains ISRS (citalopram et escitalopram) doivent être utilisés avec précaution en cas d’anomalies de l’électrocardiogramme favorisant les torsades de pointes du fait du risque dose-dépendant d’allongement de l’espace QT. L’agomélatine est contre-indiquée de façon absolue en cas d’insuffisance hépatique.

Les tricycliques et les IMAO possèdent davantage de CI, notamment sur le plan cardiovasculaire (tableau 1). Le régime alimentaire doit être adapté sous IMAO (tableau 1).

Comment prescrire ?

Choix de la molécule

En raison de leur meilleur profil de tolérance, les ISRS sont indiqués en 1re et 2e intentions dans la dépression et les troubles anxieux. La prescription d’un tricyclique ou d’un IMAO ne se fait qu’en 3e ou 4e intention. Le choix de la molécule est fonction de l’AMM, de l’indication (épisode dépressif ou trouble anxieux) et des préférences du patient.

Bilan préthérapeutique

Il recherche des CI en fonction de la molécule et comprend systématiquement un examen clinique (interrogatoire et examen physique).

Pour les ISRS et les IRSNA, aucun bilan paraclinique n’est nécessaire, hormis un ECG pour le citalopram et l’escitalopram en cas d’anomalies préexistantes ou de facteurs de risque de torsades de pointes.

Pour les imipraminiques et IMAO, le bilan paraclinique comprend : ECG, bilan rénal et hépatique et EEG en cas d’antécédents d’épilepsie ; bilan ophtalmologique si risque de glaucome à angle fermé.

Pour l’agomélatine, le bilan hépatique est obligatoire.

Éducation et information du patient

Le patient doit être informé des bénéfices attendus et de ses potentiels effets indésirables ainsi que de la durée prévue du traitement. 

Le délai d’action est précisé ainsi que la nécessité de la prise quotidienne. Le patient doit être prévenu du risque d’effets indésirables en cas d’arrêt brutal du traitement.

Initiation et maintien

L’initiation s’effectue en monothérapie, avec augmentation des doses jusqu’à une posologie efficace. 

Dans le cas des troubles anxieux, le traitement doit être débuté à plus faible dose que durant un épisode dépressif caractérisé. Les TOC nécessitent, à terme, des posologies plus importantes que pour la dépression. 

Chez le sujet âgé, la posologie initiale doit être plus faible (diminution de moitié par rapport à un adulte) et l’augmentation plus progressive.

Le traitement de maintien conserve la molécule et la posologie ayant permis la rémission. La monothérapie est toujours privilégiée.

Durée 

Au moins 6 à 8 mois après l’obtention de la rémission complète de l’épisode dépressif. Pour les patients souffrant d’un trouble dépressif récurrent ou d’un trouble anxieux, la durée est plus longue (au moins deux ans pour un trouble dépressif récurrent).

Arrêt du traitement

Il doit s’effectuer progressivement, par paliers successifs sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois, afin d’évaluer le maintien de la stabilité clinique et d’éviter un syndrome d’interruption. Les principales manifestations d’un arrêt brutal associent anxiété, irritabilité, troubles du sommeil, vertiges et troubles de l’équilibre.

Après plusieurs épisodes dépressifs caractérisés, le risque principal est celui de la récidive, qui augmente avec le nombre d’épisodes antérieurs.

Quelle surveillance ?

Efficacité

Le délai d’action d’un antidépresseur est compris entre 2 et 4 semaines, toutes classes confondues. Il n’est donc pas possible de conclure à l’inefficacité d’un traitement avant ce délai. À l’inverse, une réponse trop rapide doit faire évoquer un virage maniaque (donc un potentiel trouble bipolaire) et faire l’objet d’une surveillance étroite.

Tolérance

La surveillance de la tolérance comporte deux points principaux : la survenue d’un virage maniaque et le risque suicidaire, en plus de la recherche des potentiels effets indésirables (EI) liés à l’action pharmacologique. 

Attention : l’aggravation des idées suicidaires et une majoration de l’anxiété sont possibles dès l’initiation du traitement, surtout chez les moins de 24 ans. 

Les principaux EI sont souvent précoces, bénins et transitoires (troubles digestifs, tremblements...). Les troubles sexuels sont plus tardifs et peuvent persister dans le temps. Le poids doit être surveillé. Chez les personnes âgées, attention aux troubles de l’équilibre et au risque d’hyponatrémie.

Enfin, il faut connaître un effet indésirable rare mais grave : le syndrome sérotoninergique (tableau 4).

D’après
Garnier M, Llorca PM, Patoz MC. Item 74. Prescription et surveillance des psychotropes. Rev Prat 202474(1):89-99.
Corfdir C, Pelissolo A. Bon usage des traitements médicamenteux dans les troubles anxieux. Rev Prat 2019;69(9):981-84.
Prieto N, Nohales L, Favard T,  et al. Prise en charge des troubles psychotraumatiques. Rev Prat 2018;68(1):97-9.

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