La borréliose de Lyme est la principale zoonose vectorielle en France. Elle est due à la bactérie Borrelia burgdorferi sensu lato, transmise lors d’une piqûre de tique infectée du genre Ixodes. Son diagnostic repose sur un trépied diagnostique, parfois incomplet. La prévention consiste en la protection contre les piqûres de tiques, et leur extraction rapide en cas de piqûre. Le traitement repose principalement sur la doxycycline.
La borréliose de Lyme (BL) est la principale zoonose vectorielle en France.
Due à une bactérie spirochète du genre Borrelia burgdorferi sensu lato, elle est transmise par une tique dure Ixodes ricinus (fig. 1), et les principaux réservoirs sont les petits rongeurs et les cervidés. L’homme est un hôte accidentel se contaminant lors d’une exposition aux piqûres de tiques dans les milieux boisés, végétalisés et humides (forêts, prairies, jardins).1
Il est essentiel d’en connaître les critères diagnostiques afin d’assurer une prise en charge efficace. Le diagnostic de BL repose sur un trépied, parfois incomplet : une exposition aux piqûres de tiques, une clinique compatible et une sérologie positive en deux temps, selon le stade de la maladie.
Son traitement consiste en une antibiothérapie par doxycycline ou ceftriaxone, pendant 14 à 28 jours, selon le stade et les atteintes cliniques. Si des symptômes aspécifiques peuvent persister plusieurs semaines après le traitement, les séquelles sont rares et l’évolution à moyen terme favorable.
Les principales difficultés sont diag­nostiques. La présence fréquente de signes fonctionnels associés rend en effet le tableau clinique complexe et doit faire évoquer de nombreux diag­nostics différentiels, ce d’autant que certains patients n’ont pas remarqué de piqûre de tique. L’absence de tests diagnostiques directs performants impose également une interprétation éclairée des résultats sérologiques. Cinq centres de référence des maladies vectorielles à tiques ont ainsi été créés en 2019 pour aider à la prise en charge des patients présentant des situations complexes dans le cadre d’une suspicion de BL.

Augmentation du nombre de cas avec des disparités régionales

La BL est la plus fréquente des maladies vectorielles à tiques (MVT) dans l’hémisphère Nord, notamment en France et en Europe.2
Son incidence oscille entre 41 et 104 cas pour 100 000 habitants en France, soit entre 25 000 et 68 530 cas par an. On constate une augmentation constante depuis 20113 probablement du fait d’une meilleure sensibilisation des médecins à son diagnostic et du réchauffement climatique augmentant la période annuelle d’exposition aux tiques. Il existe des disparités régionales avec des taux d’incidence plus élevés dans l’Est et le Centre du territoire métropolitain (fig. 2). Depuis janvier 2009, une surveillance continue a été mise en place par Santé publique France et repose sur le réseau Sentinelles (Inserm-Sorbonne Université), le CNR Borrelia et l’analyse des données du Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI).

Le diagnostic repose en premier lieu sur la clinique

Certaines présentations cliniques sont évocatrices de BL, en contexte d’exposition aux piqûres de tiques, et doivent être reconnues. Au contraire, d’autres symptômes sont aspécifiques ou rarement rapportés dans la BL : il convient alors de rechercher en premier lieu d’autres diagnostics. Le médecin doit établir une hypothèse clinique diagnostique solide avant d’envisager une confirmation biologique. Cette stratégie doit être clairement expliquée au patient, afin d’éviter l’errance médicale.

Certains tableaux cliniques sont clairement évocateurs

Évolution en trois phases

On distingue trois phases évolutives d’une BL :
- la phase localisée précoce, ou érythème migrant (EM), dans les 30 jours suivant la piqûre de tique ;
- la phase disséminée précoce, dans les six premiers mois, avec comme signes principaux les arthrites, le lymphocytome cutané bénin et les méningo-radiculites dont la paralysie faciale ;
- puis la phase disséminée tardive au-delà de six mois, avec l’acrodermatite chronique atrophiante (ACA), les arthrites et l’encéphalomyélite chronique progressive (fig. 3 et 4).
 

Atteintes cutanées

Erythème migrant inconstant
L’EM est pathognomonique de la BL, mais il est inconstant (de 30 à 77 % des cas) (fig. 5). Il survient dans les 3 à 30 jours, au site de la piqûre de tique initiale, qui est au centre d’une macule érythémateuse, annulaire d’évolution centrifuge mesurant jusqu’à 30 cm de diamètre, indolore, unique, et disparaissant spontanément en 6 semaines en l’absence de traitement. Rebman et al. décrivent un prurit dans 50 % des cas, une sensibilité cutanée dans 30 %, ou des vésicules dans 9 %.4 Parfois, les EM sont multiples, à distance du point de piqûre, correspondant à une dissémination hématogène (phase disséminée précoce).
Un érythème apparaissant immédiatement après une piqûre de tique, sans intervalle libre de quelques jours, correspond à une inflammation locale post-piqûre et non à un EM, et ne nécessite donc pas d’antibiothérapie.
Lymphocytome cutané localisé
Le lymphocytome cutané est une lésion nodulaire, rosée à violacée, souvent douloureuse, localisée aux lobes d’oreille, à l’aréole mammaire, ou au scrotum, éventuellement associée à un ganglion satellite (fig. 6).
Acrodermatite chronique atrophiante d’apparition tardive
L’acrodermatite chronique atrophiante (ACA) est la manifestation dermatologique tardive des BL (fig. 7), de diagnostic difficile (délai diagnostique médian de 12 mois).5
Elle évolue en deux phases :
- la phase œdémateuse, réversible, évoluant par poussées sur plusieurs mois, sous forme d’un érythème rouge à violacé, à la face d’extension des membres, souvent inférieurs (70 % des cas), et unilatéral (60 %) ;
- la phase atrophiante, irréversible, où la peau est amincie, en aspect de papier à cigarette, associée à des troubles sensitifs et des douleurs neuropathiques dans 20 % des cas.
 

Atteintes neurologiques

Les neuroborrélioses (NBL) sont fréquentes en Europe, et concernent la moitié des formes de patients hospitalisés en France.
La méningoradiculite est la plus commune, dont la paralysie faciale. Elle survient environ quatre à six semaines après la piqûre (de 1 à 12 mois), dans le dermatome piqué, sous forme de radiculalgie avec douleurs neuropathiques insomniantes, non déficitaire et sans syndrome rachidien.
Chez l’enfant, la paralysie faciale est très classique, parfois bilatérale à bascule. Les autres paires crâniennes peuvent aussi être atteintes.6
Seulement 5 % des NBL sont tardives : il s’agit alors de l’encéphalomyélite chronique progressive regroupant des signes de myélite et d’encéphalite, et la polyneuropathie axonale sensitive, asymétrique, associée à l’ACA.
Le diagnostic de polyneuropathie doit faire réaliser un bilan exhaustif avant de conclure à une BL, surtout en cas de manifestations antérieures à la piqûre ou en l’absence d’ACA.
 

Atteintes articulaires

L’arthrite de Lyme est une mono­arthrite souvent récidivante (90 %), touchant le genou dans 98 % des cas.
Une oligoarthrite asymétrique intermittente est classique chez l’enfant. Contrairement à d’autres arthrites infectieuses, l’arthrite de Lyme est non destructrice et le syndrome inflammatoire associé est toujours modéré (CRP inférieure à 60 mg/L).7 Cette forme clinique est plus rare en Europe qu’aux États-Unis.
 

Rares atteintes cardiaques ou ophtalmiques

Les atteintes cardiaques (troubles de conduction aigus, sans cardiopathie sous-jacente en zone d’endémie) ou ophtalmologiques (uvéite) sont beaucoup plus rares.

Des signes aspécifiques, d’analyse plus complexe

Des signes communs et aspécifiques, tels que des céphalées, des polyarthromyalgies ou une asthénie, sont fréquemment décrits, à tous les stades de la BL, et peuvent persister quelques mois après une antibiothérapie adaptée. Néanmoins, ils ne permettent pas à eux seuls de retenir le diagnostic de BL sans autres manifestations évocatrices décrites ci-dessus : des diagnostics différentiels sont alors à rechercher.
En cas de difficultés diagnostiques, un avis peut être sollicité auprès du centre de référence ou de compétence des maladies vectorielles à tiques le plus proche.

Diagnostics différentiels à évoquer

Plusieurs études ont montré que, parmi les consultations pour sus­picion de BL, seules 10 à 15 % sont réellement des BL.8 Les diagnostics différentiels ou associés sont donc à considérer surtout en l’absence de manifestations cliniques typiques et/ou en cas de sérologie négative. Les principaux diagnostics différentiels sont les maladies rhumatologiques inflammatoires (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthropathie, SAPHO, etc.), les maladies auto-immunes (syndrome de Gougerot-Sjögren, lupus disséminé, sclérodermie etc.), les maladies neurodégénératives (sclérose latérale amyotrophi­que, sclérose en plaques, maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson, etc.), le syndrome d’apnées obstructives du sommeil, les syndromes post-infectieux (syndrome post-Covid, syndrome post-virus d’Epstein-Barr, douleurs post-zostériennes, etc.) et les autres syndromes fonctionnels (fibromyalgie, syndrome du côlon irritable, fatigue chronique, etc.).

Diagnostic paraclinique : surtout la sérologie !

Les différents tests diagnostiques utilisés pour caractériser la borréliose de Lyme européenne face aux signes cliniques ont des performances variées (tableau 1).

Un sérodiagnostic en deux temps

Les recommandations nationales et internationales préconisent un sérodiagnostic de BL en deux temps :
- une technique immuno-enzymatique sensible (ELISA), et
- en cas de positivité ou de doute, la confirmation par immuno-empreinte (western-blot) dont la spécificité est meilleure que celle de l’ELISA (responsable de faux positifs).9, 10
Les tests ELISA actuels comportent au moins les antigènes des trois principales espèces européennes pathogènes pour l’homme (Borrelia afzelii, B. garinii, et B. burgdorferi sensu stricto).
Le diagnostic de l’EM est uniquement clinique, car la séroconversion IgG se fait en six semaines environ (risque de faux négatif avant 6 semaines).11
La sérologie gagne en sensibilité au cours du temps, pour atteindre plus de 90 % à partir de 6 à 8 semaines d’évolution.11
La présence isolée d’IgM au-delà de 6 semaines doit être considérée comme un faux positif, les IgM croisant avec d’autres pathologies (autres infections, maladies auto-immunes, etc.).
Un western-blot est considéré comme positif en IgG si plus de trois bandes sont détectées, dont VlsE (variable protein-like sequence expressed).
Dans les formes tardives, la séropositivité en ELISA est proche de 100 % et le taux d’IgG détecté est élevé.11 Une sérologie de Lyme négative au stade tardif (évolution des symptômes supérieure à 6 mois) doit faire remettre en cause l’hypothèse de BL.
Concernant les formes neurologi­ques, la recherche d’anticorps anti-­Borrelia dans le sang et le liquide cérébrospinal (LCS) est simultanément réalisée : la synthèse intrathécale d’IgG spécifiques anti B. burgdorferi s.l. confirme le diagnostic de NBL.10Après un traitement efficace, des taux élevés d’anticorps peuvent perdurer plusieurs années après la guérison : ils ne doivent pas conduire à reprendre le traitement. Les anticorps spécifiques ne protègent pas contre une nouvelle infection à B. burgdorferi s.l., car il existe plusieurs souches. Dans le cas d’une possible réinfection, une sérologie positive ne permet pas de différencier une infection active d’une cicatrice sérologique. Un contrôle de la sérologie à 4 semaines peut alors permettre d’objectiver une ascension du titre des IgG. Sinon, seules la clinique, la notion d’exposition, et la biologie moléculaire selon la localisation permettent d’orienter le diag­nostic.
En cas de sérologie positive en l’absence de signe clinique, il s’agit d’une cicatrice sérologique ou d’une séroconversion asymptomatique, ne devant pas conduire à une antibiothérapie.

Diagnostic par PCR de sensibilité variable

La recherche d’ADN de B. burgdorferi s.l peut être proposée sur les liquides articulaires et les biopsies cutanées, uniquement. La sensibilité de la PCR varie selon le stade de la maladie, et sa localisation (tableau 1). 9 L’utilité de la PCR de B. burgdorferi s.l. dans les urines et le sang n’est pas démontrée.

Culture spécifique mais peu sensible

La culture permet un diagnostic direct avec une spécificité de 100 % mais une sensibilité très variable, compte tenu du faible nombre de bactéries présentes aux sites de prélèvements.9 Sa réalisation étant longue (de 2 à 8 semaines) et difficile, elle n’est pratiquée que dans le cadre de la recherche.

Peu de place pour les autres tests biologiques

Le dosage du CXCL13 dans le LCS pour le diagnostic des NBL a montré une bonne sensibilité. Sa standardisation est en cours afin de permettre une utilisation en pratique courante.
De nombreux autres tests (inter­féron-gamma dit ELISPOT, tests de transformation lymphocytaire, phage-tests, microscopie à fond noir etc.) ont été évalués sans montrer de performances suffisantes pour améliorer le diagnostic des BL.12
Le syndrome inflammatoire biologique dans les BL est toujours modéré (CRP normale ou peu élevée).

L’imagerie élimine les diagnostics différentiels

Aucune lésion radiologique n’est spécifique des BL. L’imagerie est utile pour la recherche de diagnostics différentiels.

Traitement : pas plus de quatre semaines d’antibiothérapie

Le traitement de la BL s’appuie avant tout sur l’éradication de la bactérie causale, qui permet dans la majorité des cas de faire régresser les symptômes en lien avec les phénomènes inflammatoires induits. Il est primordial de proposer une antibiothérapie uniquement quand on dispose de réels arguments pour le diagnostic de BL. B. burgdorferi est très sensible aux antibiotiques utilisés (cyclines et bêtalactamines), et des essais cliniques ont démontré leur efficacité lorsqu’ils sont adaptés au stade évolutif et aux localisations.

Molécule et durée de l’antibiothérapie variables selon les formes

Dans les formes précoces, le traitement repose sur deux semaines d’antibiothérapie orale, alors que dans les formes tardives, le traitement est prolongé à 3, voire 4 semaines (tableau 2).9
Compte tenu de la continuité des formes localisées et disséminées précoces, et de l’efficacité de la doxycycline sur toutes les localisations de la maladie, cette molécule est privilégiée en première intention en l’absence de contre-indication. Elle présente par ailleurs l’intérêt d’être active sur d’autres maladies à tiques. Pour les NBL, la doxycycline per os est aussi efficace que la ceftriaxone13 dont les effets indésirables, en lien avec son administration parentérale et son large spectre, doivent faire peser la balance bénéfice-risque avant toute utilisation. Seule l’atteinte du système nerveux central fait discuter l’utilisation de la ceftriaxone en intraveineuse, ou le doublement de posologie de la doxycycline afin d’obtenir une concentration suffisante dans les tissus lésés, en tenant compte de la barrière hémato-encéphalique. De plus, en cas de poids supérieur à 70 kg, les doses doivent être adaptées en mg/kg afin d’éviter un sous-dosage potentiel.
Au-delà de 4 semaines de traitement, il n’y a pas d’argument pour continuer l’antibiothérapie quel que soit le résultat clinique, sauf dans les formes articulaires. Comme de rares échecs microbiologiques ont été identifiés (persistance de Borrelia dans le tissu synovial après une antibiothérapie adaptée), une seconde cure est recommandée en l’absence de guérison, avec l’antibiotique non utilisé précédemment (ceftriaxone ou doxycycline selon le schéma initial).7 Après cette seconde cure, les études suggèrent une éradication de la bactérie, se traduisant par une évolution clinique parfois longue mais favorable.

Tenir compte de la dimension psychologique

En cas de persistance des poussées, des anti-inflammatoires non stéroïdiens peuvent être prescrits.
Aucune autre thérapeutique n’a fait la preuve de son efficacité. L’efficacité des corticoïdes est discutée dans les paralysies faciales de Lyme et dans les arthrites.14 La bonne compréhension par les patients de l’efficacité attendue du traitement et du temps de récupération parfois long est un facteur de bon pronostic.
Il est utile d’associer des prises en charge spécifiques de la douleur ou de réadaptation physique.
La dimension psychologique (contexte de douleurs, de difficultés diagnostiques, etc.) ne doit pas être négligée, et doit être explicitée avec attention au patient, ce d’autant que l’anxiété ou le stress induit interviennent souvent comme facteur d’entretien de symptômes persistants, sans en être la cause.

Après traitement, l’évolution est généralement favorable

Le critère d’efficacité du traitement consiste en la régression totale ou partielle des symptômes, dont les douleurs au premier plan. Les grandes cohortes de patients suivis après la prise en charge d’une BL montrent un pronostic à long terme globalement favorable. L’évolution est d’autant plus favorable que l’antibiothérapie adaptée est instaurée précocement, et que le diagnostic est posé avec certitude. Il est important d’établir un climat de confiance avec le patient en lui expliquant qu’un traitement antibiotique adapté et bien suivi est habituellement associé à un pronostic favorable à moyen terme. Si le traitement n’a pas permis d’amélioration clinique, il faut envisager un diagnostic différentiel ou associé.
Cependant, dans les formes traitées tardivement, les lésions tissulaires provoquées par la bactérie peuvent être à l’origine de manifestations cliniques persistantes, souvent douloureuses. On parle de manifestations post-BL séquellaires dont les mécanismes physiopathologiques ne sont pas totalement élucidés. Ces situations restent minoritaires, mais peuvent occasionner des handicaps (neuropathie, déficits moteurs persistants). L’intérêt des antibiothérapies prolongées pour des patients ayant des symptômes subjectifs après une BL traitée a été évalué dans plusieurs essais randomisés contre placebo sans montrer d’efficacité, que ce soit sur la qualité de vie, les douleurs ou la fatigue.15, 16
La prise en charge globale de ces symptômes persistants, avec une équipe pluridisciplinaire, est un facteur de bon pronostic. Les centres de compétence et des centres de référence des maladies vectorielles à tiques sont disponibles pour ces patients. Il en existe cinq en France (liste sur https://crmvt.fr/)

Plusieurs niveaux de prévention

Information du grand public

Les mesures de protection individuelle pour éviter les piqûres de tiques sont le pilier de la prévention. Les rappeler aux patients est essentiel, en utilisant les différents supports disponibles : plaquette, poster, vidéo d’information disponibles sur Santé publique France...

Prévention primaire individuelle

Elle est soit mécanique, soit chimique.
La prévention primaire mécanique s’appuie sur le port de vêtements couvrants (pantalons, manches longues, et chapeaux pour les enfants) et clairs, pour repérer les tiques plus facilement.17
Les méthodes chimiques sont des acaricides ou des répulsifs cutanés, perturbant le système olfactif des tiques de façon à les tenir éloignées (tableau 3). Ces produits viennent en complément de la prévention mécanique, mais peuvent induire des effets indésirables et d’intolérance.18

Prévention secondaire : inspection, extraction et surveillance

La probabilité de transmission d’une maladie à la suite d’une piqûre de tique est proportionnelle à la durée d’attachement, notable après 24 heures .19 Néanmoins, cette probabilité reste faible (moins de 5 % de risque de développer une borréliose de Lyme après une piqûre de tique). Pour ne pas méconnaître une piqûre de tique qui est indolore, une inspection corporelle rigoureuse est nécessaire après une exposition à risque. Elle est à répéter le lendemain, car la tique engorgée est alors plus visible.
L’extraction est mécanique et se fait grâce à un tire-tique, avec un mouvement de rotation. L’utilisation de substances chimiques est à proscrire car elle favorise la régurgitation et la transmission de pathogènes. Une désinfection locale est réalisée après l’extraction.
Une surveillance du point de piqûre pendant quatre semaines est nécessaire, à la recherche de l’apparition d’un EM. Pendant cette période, la survenue d’autres symptômes, locaux ou systémiques, doit conduire à une consultation médicale, dans l’hypothèse d’autres maladies transmises par les tiques.
En cas de doute diagnostique, le patient peut être adressé en centre de compétence.

Pas de place pour l’antibioprophylaxie !

Le risque de développer une BL est faible (inférieur à 5 %), même dans des zones hyperendémiques ou lors d’un attachement prolongé.19 L’antibioprophylaxie post-piqûre de tique n’est donc pas recommandée en France quelle que soit la durée d’attachement, le nombre de piqûres ou les comorbidités.
Par ailleurs, aucun vaccin n’est actuellement disponible mais des études sont en cours.

L’exposition aux piqûres de tiques est un élément capital pour le diagnostic de borréliose de Lyme

Les situations cliniques devant faire rechercher systématiquement une maladie de Lyme sont un érythème migrant, une radiculalgie hyperalgique, et une paralysie faciale. D’autres situations font évoquer cette maladie, au même niveau de probabilité a priori que d’autres diagnostics. La démarche est alors classique : interrogatoire, examen physique, examens complémentaires si besoin. L’exposition aux piqûres de tiques est un élément capital dans la réflexion.
La sérologie de Lyme a de bonnes performances diagnostiques (en dehors de l’EM où elle n’est pas indiquée), à condition d’en respecter les indications et de savoir l’interpréter.
La borréliose de Lyme est traitée par antibiothérapie, pendant deux à quatre semaines selon le stade clinique et le type d’atteinte. La prise en charge de symptômes persistants est primordiale car ils sont souvent à l’origine d’une errance thérapeutique. En cas de difficultés dans la prise en charge diagnostique ou thérapeutique, les centres de compétence et de référence des maladies vectorielles à tiques ont des missions de recours et doivent être sollicités afin de faciliter la prise en charge des patients suspects de borréliose de Lyme.
Remerciements : Les auteurs remercient le Pr Benoît Jaulhac, directeur du Centre national de référence (CNR) des Borrelia à Strasbourg.
Encadre

Idées reçues : vrai ou faux ?

Les tiques tombent des arbres

FAUX, les tiques vivent à moins d’un mètre du sol, dans un milieu tempéré et humide.

 

Les tiques mangent une fois par an

VRAI, une tique fait un repas sanguin par an. Donc une tique repue ne repiquera pas tout de suite.

 

Si l’on se fait piquer par une tique, le risque de développer une maladie est important

FAUX, le risque est inférieur à 5 %. C’est pour cela qu’une antibioprophylaxie est inutile, ce d’autant que le risque de développer quand même une borréliose de Lyme après une antibioprophylaxie n’est pas nul non plus. Inspecter régulièrement l’apparition d’un érythème migrant et consulter au moindre signe clinique sont donc des réflexes importants afin de traiter le plus précocement possible et obtenir ainsi une guérison plus rapide.

 

La borréliose de Lyme est une maladie à déclaration obligatoire.

FAUX, cette maladie ne répond pas aux critères de la déclaration obligatoire car c’est une maladie fréquente, sans contamination interhumaine, avec une définition trop ou pas assez stricte, et sans menace de santé publique imminente et grave.

 

La borréliose de Lyme se transmet de la mère à l’enfant

FAUX, s’il existe une transmission avérée des anticorps anti-Borrelia de la mère à l’enfant, il n’existe pas à ce jour de cas décrits de borréliose de Lyme néonatale. Néanmoins, il existe un unique cas de mort fœtale in utero Borrelia aurait été retrouvée en post-mortem dans les tissus fœtaux. Aucun risque malformatif n’a été mis en évidence à ce jour. En revanche, une femme enceinte atteinte de borréliose de Lyme sera plus à risque de fausses couches spontanées, justifiant donc un traitement antibiotique sans attendre.

 

La borréliose de Lyme est une maladie sexuellement transmissible

FAUX, à ce jour, la transmission sexuelle n’est pas démontrée. Il est difficile de mener des études pour étudier cette transmission car un couple vit dans les mêmes conditions, avec le même risque d’exposition le plus souvent.

 

On ne guérit jamais complètement de la borréliose de Lyme.

FAUX, après une antibiothérapie avec la bonne molécule, à la bonne dose et la bonne durée, l’évolution d’une borréliose de Lyme est favorable, même si la guérison complète peut prendre plusieurs mois, voire années concernant les neuroborrélioses. Une borréliose qui n’évolue pas favorablement doit faire rechercher un diagnostic différentiel associé. En cas de doute concernant le diagnostic ou sur l’éradication de Borrelia, le patient doit être adressé à un centre de référence des maladies vectorielles à tiques.

 

Borrelia peut s’enkyster et devenir insensible aux antibiotiques

FAUX, Borrelia, comme toutes les bactéries ne peut pas s’enkyster (forme présente chez certains parasites uniquement). Ce qui est pris pour des kystes sont en fait des formes déficientes, arrondies. Ces formes arrondies n’ont été produites qu’in vitro dans des conditions extrêmes de pH ou d’osmolarité qui sont incompatibles avec la vie humaine. Ces formes n’ont jamais été mises en évidence chez l’homme ou chez des animaux infectés naturellement.

 

Borrelia en phase de croissance stationnaire est moins sensible aux antibiotiques.

VRAI, cela a été démontré. C’est en partie pour cela que les doses antibiotiques recommandées sont élevées. Le respect des posologies est primordial car elles permettent de détruire Borrelia dans ces conditions. L’adaptation des posologies au poids du patient permet d’éviter un éventuel sous-dosage.

 

Les symptômes persistants post-Lyme prouvés et traités selon les recommandations sont dus à la persistance de Borrelia

FAUX, à ce jour, aucune étude n’a démontré la persistance de Borrelia sous une forme vivante et capable de se multiplier dans les tissus après une antibiothérapie telle que préconisée dans les recommandations. La physiopathologie de ces symptômes persistants souvent invalidants pour les patients et dont la prise en charge précoce est fondamentale est encore mal connue. Les principales hypothèses sont : la dysrégulation des réponses inflammatoires, des processus auto-immuns, le rôle du microbiote intestinal, une neuro-inflammation cérébrale chronique et une sensibilité accrue du système nerveux central, et des mécanismes psychologiques.

Références
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Résumé

Le traitement de la BL repose principalement sur la doxycycline, pendant 14 à 28 jours selon le stade clinique et le type d’atteinte. Il n’y a pas d’intérêt démontré à prolonger l’antibiothérapie, même en cas de persistance de symptômes. Néanmoins la prise en charge de ceux-ci (réadaptation physique, thérapies brèves, etc.) est fondamentale car ils sont souvent à l’origine d’une errance médicale. Une écoute attentive du patient est essentielle. Le pronostic des BL à moyen terme est favorable, ce d’autant que leur prise en charge est précoce.