Parmi les 7 types de neurotoxine connus (de A à G ; encadré 1), 4 (A, B, E et plus rarement F) affectent l’homme. Récemment, 3 nouveaux types ont été identifiés d’après l’analyse de génomes bactériens (H, I et J) et d’autres sont en cours de caractéri-sation,mais leur implication clinique reste à définir.1, 2
S’il s’agit toujours de toxines paralysantes, les différents types et sous-types (caractérisés par des variations en séquen-ce protéique) induisent des atteintes plus ou moins sévères ou de durée variable.
Mode de contamination
Les autres modes de transmission (par blessure, respiratoire, iatrogène) sont exceptionnels.
En cause, des aliments conservés permettant une croissance de C. botulinum avec production de toxine, mais aussi n’ayant pas subi de traitement thermique prolongé et non acide (pH > 4,5) tels que les conserves de préparation familiale, les salaisons (viande, poisson), les denrées sous vide et réfrigérées.
Quels signes ?
De façon caractéristique, les paralysies de type descendant débutent au niveau oculaire (troubles de l’accommodation, diplopie, ptosis), puis apparaissent une parésie pharyngée (dysphagie, dysphonie, sécheresse de la bouche), une parésie/paralysie des membres supérieurs puis inférieurs et une faiblesse musculaire, associées à une constipation. Les atteintes sévères se manifestent par une insuffisance respiratoire liée à la paralysie du diaphragme et des autres muscles respiratoires. Elle peut être mortelle en l’absence de traitement. Des formes frustres (avec uniquement des troubles visuels transitoires), sont possibles.
Données épidémiologiques
Une hospitalisation, le plus souvent en unité de soins intensifs, est nécessaire dans 75 % des cas. Les décès sont exceptionnels (5 dans la période 1991-2000, 1 en 2010, 2 en 2013-2016). L’incidence est probablement sous-estimée en raison des formes non diag- nostiquées ou frustres (troubles visuels passagers).
La toxine de type B est en cause le plus souvent en France. Les principales sources sont les charcuteries, en particulier le jambon cru et salé, de préparation familiale ou artisanale (40 à 70 % des foyers dont l’origine a été déterminée). Certains cas sont d’importation (chorizo du Portugal). Les départements du centre de la France (Vienne, Indre, Allier, Saône-et-Loire, Loire, Puy-de-Dôme, Creuse) seraient les plus concernés, probablement en relation avec une forte consommation de ces aliments. à noter qu’en Allemagne du Sud et en Alsace, où la production de charcuterie est traditionnelle, le botulisme est très rare, grâce à l’amélioration des mesures sanitaires et des procédés de fabrication.
Depuis 2005, les cas de botulisme de type A (les plus sévères) sont en recrudescence, représentant près de la moitié des contaminations dans la période 2010-2012. Ils sont liés à la consommation de conser-ves de légumes maison (haricots verts, asperges, aubergines…) dont certaines étaient importées (Maroc), mais aussi de produits artisanaux ou de la grande distribution (enchilada, tapenade d’olives et tomates séchées, pâtes fraîches). Les conserves maison sont de moins en moins en cause, au profit de produits commerciaux n’ayant pas subi de traitement thermique prolongé et à conserver réfrigérés. Le non-respect de la chaîne du froid et/ou de la date limite de consommation étaient parfois impliqués. Un foyer particulier à C. baratii F7 s’est déclaré dans un restaurant en 2015 (sauce bolognaise à base de viande hachée industrielle).4
Le botulisme infantile est très rare en France (15 cas identifiés de 2004 à 2016). Cependant, étant donné sa gravité chez les moins de 1 an, il doit être évoqué devant tout tableau sévère d’apathie/léthargie associé à une constipation avec évolution apyrétique (encadré 2). Une contamination d’origine environnementale (sol, poussière) est le plus souvent suspectée. L’ingestion de quelques spores de C. botulinum (< 40) est suffisante pour déclencher une colonisation intestinale chez un nouveau-né. Dans un foyer, C. botulinum a été retrouvé dans les poussières d’un chantier à proximité du domicile de l’enfant.4 Le miel est le seul aliment reconnu à l’origine de cette forme mais aucun cas n’a été rapporté en France.
Prise en charge
1. Types de toxine botulique
A : à l’origine des formes les plus sévères
B : manifestations plus modérées ; c’est le type le plus fréquent en France, souvent associé à la consommation de jambon cru, salé et séché (préparation familiale ou artisanale)
E : lié à la consommation de poissons salés,séchés ou fermentés ; plus rarement autres aliments ; peu de cas en France
F : rares cas de botulisme humain
C et D : surtout chez l’animal (bovins, oiseaux d’eau sauvages et d’élevage)
G : aucun botulisme rapporté dans les conditions naturelles
2. Signes cliniques
Botulisme alimentaire
paralysie pharyngée (dysphagie, dysphonie, sécheresse de la bouche)
constipation
parésie/paralysie des membres, faiblesse
insuffisance respiratoire dans les formes sévères
Botulisme infantile (colonisation intestinale par C. botulinum chez les moins de 1 an, le plus souvent d’origine environnementale)
constipation
évolution apyrétique
insuffisance respiratoire dans les formes sévères
Un peu d’histoire…
Les premières descriptions du botulisme datent de la fin du XVIIIe siècle (sud de l’Allemagne) associées à la consommation de saucisse et boudin (du latin botulus). Puis, les conserves de végétaux (haricots) et les poissons salés et séchés ont été incriminés. Le premier cas en France fut rapporté en 1875.
De 1875 à 1936 : affection rare (24 cas dont 3 décès) à cause d’un sous-diagnostic et d’une consommation peu habituelle d’aliments en conserve. En revanche, la période de la Seconde Guerre mondiale connut plus de 1 000 cas (dont 15 décès) liés à la pénurie alimentaire et à des conditions sanitaires précaires. Cause principale : le jambon ; dans 7 % des cas, les conserves de viande autres que du porc ou de légumes.
De 1956 à 1980 : environ 40 cas et 1-5 décès par an liés à la toxine de type B essentiellement ; dans trois quarts des cas : consommation de jambon cru ou autres charcuteries artisanales (données non exhaustives).
Depuis 1986, c’est une maladie à déclaration obligatoire. Les données sont recensées par Santé publique France.3
2. Peck MW, Smith TJ, Anniballi F, et al. Historical perspectives and guidelines for botulinum neurotoxin subtype nomenclature. Toxins (Basel) 2017; 9:38.
3. Popoff M, Carlier JP, Poulain B. Botulisme. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Maladies infectieuses, 2009:1-17 [8-038-H-50].
4. Mazuet C, Jourdan-Da Silva N, Legeay C. Le botulisme humain en France, 2013-2016. BEH 2018;3:46-54.