L es urgences hospitalières traversent une crise sans précédent. Une grande partie de leurs personnels sont en grève, beaucoup sont en burn out… Tous dénoncent des conditions d’exercice de plus en plus difficiles mettant en cause la qualité et la sécurité des soins.
La fréquentation des urgences aurait doublé en 20 ans. L’année dernière, on comptait plus de 20 millions de passages… Près de la moitié des consultants auraient pu être pris en charge en cabinet de ville ! Faute de réformes, la crise actuelle était inéluctable.
Les causes sont multiples. Tout d’abord un consumérisme médical croissant transformant le patient en consommateur de soins et le médecin en simple prestataire de services ! Des ressources médicales de premier recours en baisse ne permettant plus de répondre à toutes les demandes de soins non programmés estimées par la Drees en 2006 à 13 % de l’activité des généralistes !1 Les difficultés à obtenir rapidement des examens complémentaires en ambulatoire, sans oublier le tiers payant des actes réalisés aux urgences...
Le projet Ma Santé 2022 aurait fait le diagnostic sans pour autant apporter un véritable traitement. Une mission d’écoute des urgentistes et de propositions pour modifier le système a été confiée à Thomas Mesnier et Pierre Carli. Ses conclusions ne sont pas encore officiellement connues. Devant la fronde, le ministère a décidé d’agir. En juin dernier, 100 millions d’euros ont été débloqués pour permettre des compléments de rémunération. Ces derniers jours, 630 millions supplémentaires ont été alloués au secteur pour mettre en œuvre les 12 mesures d’un « pacte de rénovation des urgences » dans les 3 ans à venir.2
Parmi ces mesures, la plus importante est certainement la création d’un service d’accès aux soins (SAS) par un numéro unique, censé réguler les demandes non programmées. Le mettre sur pied d’ici l’été semble très ambitieux d’autant qu’il suscite déjà bien des rivalités ! Entre le 116-117, le 15 et le 18, qui pilotera ce nouveau dispositif ? Ce serait certainement une bonne occasion pour repositionner les soins primaires à l’entrée dans le système mais à la condition expresse de leur fournir les moyens d’assumer cette mission. La réorganisation de l’offre sanitaire avec notamment le déploiement des centres de soins des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) semble une piste prometteuse surtout si les ARS adoptent une politique volontariste à leur égard, en soutenant leur création. L’installation de maisons médicales de garde près des services d’urgence est une bonne idée (50 seront financées d’ici à la fin de l’année) mais elles ne concernent que les grosses agglomérations.
Parmi les autres mesures, il est proposé de doter progressivement les soins primaires des mêmes outils (kit d’examens biologiques simples et automatisés, accès rapide aux examens complémentaires, tiers payant…) que les urgences. Le déploiement de la télémédecine et la télérégulation, en particulier pour les résidents des EHPAD, permettrait aussi de diminuer les passages aux urgences et d’apporter un meilleur confort aux patients concernés.
Même si ce pacte est déjà décrié par certains, il mérite d’être conduit. Mais rien ne sera possible si persistent rivalités et corporatismes… Comment faire pour que tous les acteurs concernés retrouvent une pratique plus sereine, plus conforme à leurs compétences et justement rémunérée ?
1. Gouyon M. Les urgences en médecine générale. Série statistique n° 94. Drees. Avril 2006.

https://bit.ly/2AXmIlq

2. Ministère de la Santé et de la Solidarité. Pacte de refondation des urgences. Septembre 2019. https://bit.ly/2klhTgT