Le virus respiratoire syncytial (VRS) est la cause la plus fréquente d’infection aiguë des voies respiratoires inférieures et d’hospitalisation chez les moins de 5 ans. En France, pendant la saison hivernale, on compte plus de 45 000 hospitalisations pour infection à VRS – deux tiers chez les moins de 1 an dont la moitié ont moins de 3 mois. Les stratégies prophylactiques reposent sur les gestes barrières et l’injection d’anticorps monoclonaux (palivizumab et aujourd’hui le nirsévimab), qui devraient cibler a fortiori les nourrissons les plus à risque de maladie grave. Or, les modèles de prédiction de risque qui existent à l’heure actuelle ont plusieurs limites : notamment, ils ont été développés par des études sur de petites cohortes, pour des populations spécifiques (prématurés) ou encore dans des contextes épidémiques précis empêchant la généralisation des résultats. De plus, si un certain nombre de facteurs de risque sont bien établis (prématurité, dysplasie bronchopulmonaire, cardiopathie congénitale sévère), peu d’études ont évalué des panels plus larges de facteurs ou l’effet conjoint de ces derniers.
Pour la première fois, une étude sur deux cohortes d’envergure nationale avec un suivi sur deux décennies a permis de développer un outil de calcul précis avec 16 facteurs prédictifs, qui permet d’estimer le risque pour un nourrisson de moins de 1 an d’être hospitalisé pendant une épidémie de VRS. Cet outil pratique est disponible en ligne : https ://rsv-risk.org/
Plus de 2 millions d’enfants suivis sur 20 ans
Cette étude rétrospective a inclus tous les enfants nés en Finlande entre juin 1997 et mai 2020, et en Suède entre juin 2006 et mai 2020 – soit plus de 2,72 millions de sujets au total –, ainsi que les données de leurs parents et fratries. Le long suivi a permis d’inclure des données émanant de plusieurs épidémies de bronchiolite – plus généralisables, donc.
Les chercheurs ont tout d’abord recueilli 15 facteurs de risque connus de forme grave de bronchiolite (sexe de l’enfant, âge de la mère, âge gestationnel à l’accouchement, poids à la naissance, âge de l’enfant au moment du pic épidémique, entre autres) afin de les prendre en compte pour ajuster les résultats. Ils ont ensuite identifié près de 1 500 autres prédicteurs possibles pour étudier leur association avec l’hospitalisation pour bronchiolite au cours de la première année de vie des nourrissons. Certains facteurs ont ainsi pu être nouvellement identifiés, tels que des malformations de l’œsophage, des cardiopathies congénitales moins sévères et la présence d’asthme chez un membre de la famille.
Des modèles statistiques ont alors permis de constituer un score de prédiction du risque comprenant les 16 facteurs les plus facilement identifiables en pratique clinique et généralisables à d’autres pays. Dans ce modèle, les enfants situés dans le décile le plus haut avaient un risque 4 fois supérieur aux autres d’être admis à l’hôpital. Validé, avec une bonne performance, sur les deux cohortes nationales, ce modèle simplifié a également montré une performance similaire au modèle plus vaste incluant les 1 500 facteurs, développé grâce à l’intelligence artificielle (« machine learning »).
D’après les auteurs, cet outil peut être employé tant par les cliniciens que par les autorités de santé pour une éventuelle priorisation des nouvelles immunoprophylaxies.
Vartiainen P, Jukarainen S, Rhedin SA, et al. Risk factors for severe respiratory syncytial virus infection during the first year of life: development and validation of a clinical prediction model. Lancet Digit Health 2023;5(11):E821-30.