Infection virale mettant à mal le système hospitalier pédiatrique chaque hiver, la bronchiolite ne bénéficie pas d’une stratégie prophylactique, à part le palivizumab, traitement hospitalier réservé aux nourrissons à très haut risque. Des approches accessibles à tous les nouveau-nés sont en cours d’étude, et un nouvel anticorps conférant une « immunité passive » vient d’obtenir une AMM européenne.
Le virus respiratoire syncytial (VRS) est la cause la plus fréquente d’infection aiguë des voies respiratoires inférieures et d’hospitalisation chez les moins de 5 ans. En France, pendant la saison hivernale, on compte plus de 45 000 hospitalisations pour infection à VRS – deux tiers chez les moins de 1 an dont la moitié ont moins de 3 mois –, obligeant les hôpitaux à organiser des plans blancs pour y faire face.
À l’heure actuelle, on ne dispose d’aucune stratégie de prophylaxie globale en dehors des mesures barrières qui sont efficaces (la période des confinements liés à la pandémie l’a prouvé) mais pas évidentes à appliquer avec les nourrissons. Seule exception : les bébés à très haut risque (prématurés, enfants ayant une pathologie pulmonaire grave comme la dysplasie bronchopulmonaire ou une cardiopathie congénitale…), pour lesquels un traitement par palivizumab est indiqué. Cet anticorps monoclonal, capable de conférer une immunité passive, a toutefois des limites qui empêchent sa généralisation à tous les nourrissons : d’une part, il nécessite des injections répétées, en raison de sa demi-vie courte ; d’autre part, son efficacité n’est pas optimale (58 % en moyenne).
De nouvelles approches
De stratégies visant l’ensemble de la population pédiatrique sont donc en développement.
Première piste : celle du vaccin maternel. Une étude récente a montré que le vaccin bivalent de Pfizer – à base des protéines RSV-F des souches A et B du VRS –, lorsqu’il est administré aux mères pendant la grossesse, induit l’apparition d’anticorps neutralisant le VRS chez les nouveau-nés.
Autre stratégie : des anticorps monoclonaux plus performants à destination des nourrissons. Parmi les différents traitements en cours d’étude, le plus avancé est le nirsevimab.
Son avantage : une seule dose intramusculaire à la naissance suffit pour assurer la protection des bébés pendant plusieurs mois, avec l’effet de déplacer l’infection à un âge plus avancé et donc à moindre risque d’hospitalisation. En 2020, les résultats d’un essai de phase II ont été encourageants : une dose unique intramusculaire chez des prématurés en bonne santé de 29 à 35 semaines de gestation (nés peu avant ou pendant la saison du VRS) conférait une protection de 70 % et 80 % respectivement contre les infections des voies respiratoires inférieures par le VRS et les hospitalisations, par rapport au placebo.
Afin de confirmer ces résultats, une équipe internationale de chercheurs financée par AstraZeneca et Sanofi – les producteurs du nirsevimab – a mené un essai de phase III randomisé, multicentrique et en double aveugle contre placebo : 1 490 enfants ont été aléatoirement assignés soit dans le groupe traité par nirsevimab (N = 994) soit dans le groupe placebo (N = 496), puis ont reçu une injection intramusculaire avant l’hiver. Le critère de jugement principal était l’incidence d’une bronchiolite causée par le VRS confirmée par PCR et faisant l’objet d’un suivi médical, dans les 150 jours suivant l’injection. Dévoilés dans NEJM, les résultats sont positifs : seuls 12 enfants du groupe nirsevimab ont eu une bronchiolite nécessitant un suivi médical (1,2 % du groupe traité), contre 25 enfants du groupe placebo : soit une efficacité de 74,5 % pour le nirsevimab (IC95 % = [49,6 % ; 87,1 %]). Le taux d’effets indésirables (principalement éruptions cutanées, fièvre, réactions au site d’injection) était similaire : 6,8 % des enfants traités versus 7,3 % du groupe contrôle. Seul bémol ? L’absence d’un bras comparateur « palivizumab », dont l’efficacité clinique est estimée, dans une autre étude, à 58 % en moyenne, avec un IC95 % = [43 % ; 69 %].
En termes de tolérance, le profil de sécurité des deux molécules serait toutefois comparable selon une analyse publiée sous forme de lettre dans le NEJM, incluant des nouveau-nés à très haut risque.
Compte tenu de ces résultats, le nirsevimab a reçu une AMM dans l’Union européenne pour la prévention des maladies des voies respiratoires inférieures causées par le VRS chez les nouveau-nés et les nourrissons dès la naissance pendant leur première saison de VRS.
Mallordy F. Bronchiolite : vacciner les femmes enceintes ?Rev Prat (en ligne) 28 juin 2022.
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