Connaître la régulation par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), par la Haute Autorité de santé, et par le ministère chargé de la Santé.
Connaître l’évaluation en vue du remboursement d’un médicament et la signification des indices de bénéfice clinique et d’intérêt thérapeutique relatif (service médical rendu [SMR], amélioration du service médical rendu [ASMR]).
Connaître l’élaboration du rapport bénéfices/risques des médicaments et la source des informations médicales et socio-économiques concernant la maladie et son traitement.
Expliquer les modalités d’élaboration des recommandations professionnelles, ainsi que leur niveau de preuve (v. item 3).
Connaître le rôle des professionnels impliqués dans l’exécution d’une prescription, et leurs responsabilités légales et économiques.
Distinguer les différents cadres juridiques de prescription.
Expliquer la prescription d’un médicament générique ou d’un biosimilaire.
Connaître les aspects médico-économiques de la prise en charge médicamenteuse et notamment de la prescription des médicaments innovants et des biothérapies.
Développement personnel continu sur le médicament : apprécier la source et la fiabilité des informations.
Différents cadres réglementaires et juridiques de la prescription
Autorisation de mise sur le marché (enregistrement du médicament)
La naissance du médicament se situe au moment précis de l’obtention de son autorisation de mise sur le marché (AMM).
C’est le rôle de l’European Medicines Agency (EMA, située à Amsterdam) pour l’Union européenne de veiller, avant l’octroi de l’AMM par la Commission européenne, à ce que toute substance candidate au statut de médicament ait satisfait à l’ensemble des obligations scientifiques et réglementaires en vigueur, en accord avec les directives européennes ; elle doit ainsi s’assurer de la qualité pharmaceutique, de l’efficacité et de la sécurité d’emploi du produit. L’EMA se prononce, en définitive, sur ce que l’on appelle la balance bénéfices/risques du produit, qui est le rapport des avantages qu’il procure par rapport aux inconvénients qu’il est susceptible d’induire en matière d’effets indésirables. Ce rapport, lorsqu’il est jugé favorable, est le véritable passeport pour l’AMM. Il est apprécié par l’étude d’un dossier dont les composantes technique et analytique, toxicologique, pharmacologique et clinique représentent les étapes successives et obligatoires du développement de la molécule qui lui auront été imposées pour protéger les patients, futurs bénéficiaires. Bien entendu, l’évaluation de la balance bénéfices/risques doit aussi tenir compte de la gravité de la maladie que l’on se propose de traiter : une forte probabilité de guérir une maladie comme un cancer autorise l’emploi de produits susceptibles de donner des effets indésirables sévères, alors que le traitement d’une affection bénigne ne le permet certainement pas. L’AMM initiale est octroyée pour une durée de cinq ans, renouvelable.
Encore faut-il préciser que si un candidat médicament obtient l’AMM, ce ne peut être que dans le champ restreint où il a précisément démontré ses performances, à savoir : telle maladie ou telle forme particulière de maladie, pour tels types précis de malades, aux posologies qui ont été testées dans les essais cliniques et que l’on sait bien tolérées, pendant une durée déterminée et en tenant compte des éventuelles précautions ou restrictions d’emploi et contre-indications. L’autorité d’enregistrement veille aussi à la rédaction du résumé des caractéristiques du produit (RCP, encore appelé « annexe 1 ») destiné aux prescripteurs, et à celle de la notice que l’on trouve dans le conditionnement et qui est destinée au public. En France, c’est l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) qui octroie les AMM nationales, non applicables en dehors du territoire français. Elle a par ailleurs pour mission d’encadrer les essais cliniques, la mise sur le marché des produits de santé mais aussi leur accès précoce s’il y a lieu. Elle joue enfin un rôle majeur en matière de pharmacovigilance.
La prescription
La prescription par un professionnel de santé consiste à prescrire, sur une ordonnance, des médicaments, des examens radiologiques ou biologiques, des traitements physiques, des cures thermales ou des règles hygiéno-diététiques. En signant une ordonnance, le prescripteur engage sa responsabilité morale, professionnelle et juridique. Trois codes (santé publique, Sécurité sociale et déontologie) régissent cet acte complexe. Il est à noter que, « dans les limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions, qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. Il doit […] limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins » (code de déontologie). De plus, le médecin a, vis-à-vis de son patient, une obligation de moyens. Il doit le traiter en conformité avec les données acquises de la science.
Deux types de médicaments
L’ordonnance est indispensable à la prise en charge par les organismes sociaux. On distingue, de ce point de vue, deux types de médicaments : ceux de prescription et ceux d’automédication.
Les médicaments de prescription sont soumis à l’intervention d’un professionnel de santé comme prescripteur et à la rédaction d’une ordonnance. Ils ne peuvent pas faire l’objet de publicité auprès du public.
À l’opposé, les médicaments d’automédication, conçus pour une utilisation directe par le patient sans intervention médicale, concernent des principes actifs éprouvés dont l’innocuité est établie et destinés à traiter des affections ou symptômes bénins d’évolution spontanément favorable. Leur conditionnement est le plus souvent adapté à des traitements de courte durée (de 3 à 5 jours), et la notice de ce conditionnement, qui contient les informations appropriées, participe à l’éducation sanitaire des patients. Il y est conseillé de faire appel au médecin en cas de persistance des symptômes au-delà de trois à cinq jours. Ces médicaments, non remboursables, peuvent faire l’objet de publicité auprès du public.
Qui rédige l'ordonnance de médicaments ?
Ce peut être :
- un médecin, dont la liberté de prescription, théoriquement totale, est en fait tempérée par le respect de l’AMM, la maîtrise médicalisée des dépenses de santé et l’existence de médicaments soumis à prescription restreinte. Par ailleurs, des restrictions existent du fait du statut de certains praticiens qui se sont orientés vers l’exercice d’une médecine non prescriptive : médecine de prévention, du travail, de protection maternelle et infantile (PMI), de santé publique... Ces praticiens ne peuvent prescrire que de manière exceptionnelle, en cas d’urgence ou, comme les médecins retraités, au seul profit de leur entourage ;
- un chirurgien-dentiste, dont la prescription doit correspondre à la prise en charge d’une pathologie bucco-dentaire ;
- une sage-femme, un infirmier, un pédicure-podologue dont la prescription est encadrée par une liste de médicaments limitative et révisable ;
- un directeur de laboratoire d’analyses médicales, qui dispose d’une prescription limitée aux produits indispensables à la réalisation d’un examen donné.
À noter que, pour éviter toute interruption de traitement, les infirmiers sont autorisés à renouveler une prescription de pilule contraceptive et les pharmaciens à dispenser ce type de médicament pour une durée supplémentaire de six mois.
Que doit comporter une ordonnance ?
L’ordonnance doit indiquer lisiblement :
- le nom, la qualité et, le cas échéant, la qualification ou le titre du prescripteur, son identifiant, son adresse, sa signature et la date à laquelle l’ordonnance a été rédigée ;
- le nom, le prénom, parfois le sexe et l’âge du malade ; dans le cas d’un enfant, non seulement l’âge mais aussi le poids ;
- la dénomination du médicament (par sa dénomination commune [DC], et éventuellement sous son nom de marque), sa posologie, son mode d’emploi, la durée du traitement ou le nombre d’unités de conditionnement le cas échéant, le nombre de renouvellements de la prescription. L’ordonnance est rédigée en double exemplaire (duplicata). Le nombre de renouvellements par période d’un mois ou, pour les médicaments contraceptifs, par périodes maximales de six mois dans la limite d’un an de traitement, est indiqué si la durée du traitement est supérieure à un mois.
« Le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller à leur compréhension par le patient et son entourage et s’efforcer d’en obtenir la bonne exécution. » La rédaction de l’ordonnance impose au prescripteur d’être lisible (noms des médicaments en capitales d’imprimerie et numérotation à partir de 1 des différentes « lignes » de prescriptions), d’expliciter et de commenter chacune de ses prescriptions, notamment les moments des prises. Par ailleurs, cette rédaction ne peut intervenir qu’une fois réalisée la totalité de l’interrogatoire et de l’examen du patient, non seulement à but diagnostique mais aussi à la recherche de toutes les informations à prendre en compte pour la prescription la plus sécuritaire possible. La durée de validité d’une ordonnance est, sauf cas particuliers, de trois mois.
Prescription et délivrance des médicaments inscrits sur les listes des substances vénéneuses
L’inscription d’un médicament sur l’une des listes des substances vénéneuses rend sa prescription obligatoire et conditionne les modalités de sa dispensation. Il s’agit de médicaments susceptibles de présenter un danger pour la santé car contenant des substances dont l’activité ou les effets indésirables nécessitent une surveillance médicale. Les médicaments non inscrits sur une liste peuvent être délivrés sans ordonnance.
Les médicaments inscrits sur la liste I renferment les substances actives présentant les risques les plus élevés. Sur le conditionnement figurent deux mentions : « respecter la dose prescrite » et « ne peut être obtenu que sur ordonnance médicale ». L’espace blanc figurant sous la dénomination de la spécialité est entouré d’un filet rouge. Pour la dispensation par le pharmacien, seules les ordonnances datant de moins de trois mois sont valables. Tout renouvellement est interdit sauf mention contraire expresse du prescripteur (« à renouveler x fois »).
Les médicaments inscrits sur la liste II sont considérés comme moins dangereux. L’espace blanc placé sous la dénomination de la spécialité est entouré d’un filet vert. Les conditions de délivrance sont moins restrictives : sauf mention contraire du prescripteur (« à ne pas renouveler »), le malade peut obtenir une nouvelle délivrance, à sa propre demande.
Les médicaments inscrits sur la liste des stupéfiants sont prescrits sur des ordonnances dites « sécurisées ». On ne peut les prescrire pour une durée de traitement supérieure à vingt-huit jours. Pour certains, cette durée peut être réduite à quatorze jours ou même à sept. Les produits ne peuvent être délivrés dans leur totalité que si l’ordonnance est présentée au pharmacien dans les vingt-quatre heures suivant la date de rédaction. Présentée au-delà de ce délai, elle ne peut être exécutée que pour la durée de la prescription restant à couvrir.
Les médicaments inscrits sur la liste des psychotropes conservent l’appartenance à leur liste d’origine (I, II ou stupéfiants, selon les cas), mais la durée maximale de chaque prescription est limitée à quatre semaines pour les substances à propriétés hypnotiques et dont l’indication de l’AMM est le traitement de l’insomnie et à douze semaines pour les médicaments qui contiennent des substances à propriétés anxiolytiques.
Cas particuliers
Prescriptions réalisées dans le cadre des affections de longue durée (ALD)
Des ordonnanciers dits « bizones » sont à utiliser pour la prise en charge des malades atteints d’une ALD reconnue comme exonérante (prise en charge par l’Assurance maladie à 100 %). La partie haute de cette ordonnance concerne exclusivement les prescriptions relatives au traitement de l’affection, la zone inférieure est dédiée aux prescriptions sans relation avec l’affection reconnue (maladie associée, affection intercurrente) et qui ne sont donc pas prises en charge à 100 %.
Médicaments d’exception
Ce sont des médicaments dont le coût représente un enjeu économique important et dont les indications thérapeutiques doivent être scrupuleusement respectées. Ils ne peuvent être pris en charge que si leur prescription est rédigée sur une ordonnance de médicaments d’exception qui atteste l’adéquation de la prescription aux indications thérapeutiques, aux posologies et aux durées du traitement retenues dans la fiche d’information thérapeutique fournie au prescripteur.
Médicaments soumis à prescription restreinte
Médicaments réservés à l’usage hospitalier et, éventuellement, à un type spécifique de prescripteur : ils sont obligatoirement prescrits et délivrés à l’hôpital du fait de leurs caractéristiques pharmacologiques, de leur degré d’innovation, de leur utilisation exclusive en milieu hospitalier ou de motifs de santé publique. Ils ne peuvent être prescrits que par des médecins hospitaliers et ne peuvent être dispensés que par des pharmaciens hospitaliers. Dans certains cas, ils sont délivrés par le pharmacien hospitalier à des patients qui quittent l’hôpital et poursuivent leur traitement à domicile. C’est la « rétrocession ».
Médicaments de prescription initiale hospitalière, laquelle peut s’imposer par la nécessité d’effectuer, dans des établissements disposant de moyens adaptés, le diagnostic des maladies pour le traitement desquelles le médicament est habituellement utilisé. La délivrance en officine est subordonnée, même en cas de renouvellement, à la présentation de l’ordonnance initiale hospitalière.
Médicaments à prescription réservée à certains spécialistes ou à prescription initiale réservée à certains spécialistes : dans ce cas, l’ordonnance peut être renouvelée par tout médecin sous réserve de comporter les mêmes mentions que l’ordonnance initiale et d'être présentée avec cette dernière à la pharmacie.
Médicaments nécessitant une surveillance particulière : leur prescription est subordonnée à une surveillance périodique dont la nature (contrôles sanguins, examens complémentaires, consultations) et la périodicité ont été définies dans l’AMM du fait de la gravité de leurs effets indésirables.
Procédures d’autorisation d’accès précoce à certains médicaments avant obtention de leur AMM
Ces procédures, exceptionnelles, ont trait à des produits considérés comme indispensables à certains patients en cas de maladie grave et en l’absence d’alternative thérapeutique. Elles sont de deux types :
- les « autorisations d’accès précoce » délivrés par la Haute Autorité de santé (HAS) pour des produits en attente de leur AMM ;
- les « autorisations d’accès compassionnel » délivrés par l’ANSM pour des produits dont l’AMM n’est pas envisagée, mais qui sont susceptibles de permettre de faire face à des situations d’impasse thérapeutique pour certains patients.
Ces deux procédures ont remplacé, à partir de 2021, les autorisations temporaires d’utilisation (ATU) et les recommandations temporaires d’utilisation (RTU).
Prescriptions « hors AMM »
Il s’agit de la prescription d’un médicament dans une indication ne correspondant pas strictement au libellé officiel de son AMM tel que figurant dans le RCP, y compris pour la voie d’administration, les modalités d’administration, la posologie et la durée du traitement. Elle doit rester l’exception. Lorsqu’un praticien prescrit « hors AMM », c’est sous sa responsabilité. En effet, dans la mesure où, seule l’indication officielle du produit correspond à une balance bénéfices/risques validée comme favorable, prescrire « hors AMM » fait courir un risque au patient. C’est aussi, pour le prescripteur lui-même, prendre le risque d’avoir à répondre de sa prescription devant l’autorité judiciaire, en cas de survenue d’un accident thérapeutique. Prescrire « hors AMM » ne se conçoit donc, au regard des données acquises de la science, que si l’état du patient le justifie et en cas d’absence d’alternative thérapeutique disponible. On distingue donc des prescriptions « hors AMM » justifiées (rares, sauf dans le cas de l’enfant, qui n’est que très rarement représenté dans les essais cliniques) et des prescriptions « hors AMM » injustifiables. Une prescription « hors AMM » doit toujours être motivée ; par ailleurs, elle impose une information du patient sur les risques encourus comme sur les bénéfices espérés. Elle nécessite, de surcroît, l’inscription sur l’ordonnance des mentions « Hors AMM » et « NR » (non remboursable).
Aspects médico-économiques de la prise en charge médicamenteuse
Dans le système français de protection sociale, l’Assurance maladie assure la couverture des frais pharmaceutiques. Toutefois, seules les spécialités ayant fait l’objet d’une prescription et figurant sur la liste des spécialités remboursables sont prises en charge par l’Assurance maladie. L’instance consultative chargée de se prononcer sur le bien-fondé ou non de l’inscription des médicaments (et sur leur maintien dans le cadre de réévaluations périodiques) sur la liste des médicaments remboursables et de proposer le taux de leur remboursement est la commission de la Transparence (CT) de la Haute Autorité de santé (HAS). Cette instance se prononce aussi sur l’agrément des médicaments aux collectivités. Mais c’est le ministre chargé de la Santé et/ou de la Sécurité sociale qui décide, en définitive, de l’inscription ou non des médicaments sur la liste.
La prise en charge collective des médicaments par les organismes sociaux ne permet pas la liberté des prix : la fixation du prix du médicament résulte d’une négociation entre l’industriel (fabricant ou exploitant) et un comité interministériel, le Comité économique des produits de santé (CEPS).
Remboursement du médicament : service médical rendu (SMR)
Il revient à la CT, une fois l’AMM octroyée à un nouveau médicament, de procéder à l’évaluation de son service médical rendu (SMR) afin de proposer un taux de prise en charge par l’Assurance maladie. Pour évaluer ce SMR, les critères prédominants pris en compte sont la gravité de la maladie à traiter, l’importance des performances du nouveau produit en matière d’efficacité et de tolérance, sa place dans la stratégie thérapeutique et l’existence ou non d’alternative thérapeutique.
On distingue quatre niveaux de SMR :
- majeur ou important, auquel correspond un taux de remboursement de 65 % ;
- modéré, auquel correspond un taux de remboursement de 30 % ;
- faible, auquel correspond un taux de remboursement de 15 % ;
- insuffisant, qui implique un avis défavorable au remboursement.
Taux de remboursement
Le taux commun est de 65 %. Le taux de 15 % est celui des médicaments d’efficacité très modeste ou destinés à traiter des affections dépourvues de gravité.
Les caisses d’Assurance maladie ne remboursent donc pas l’intégralité des achats de médicaments. La différence entre la dépense due à l’achat du médicament et le montant pris en charge par l’Assurance maladie constitue le ticket modérateur (35 % en cas de médicament remboursé à 65 %), qui est donc à la charge du patient, à moins que ce dernier n’ait volontairement souscrit une assurance complémentaire.
Si les taux de prise en charge dépendent généralement du niveau de SMR obtenu, ils peuvent parfois ne dépendre que de la nature de la maladie cause de la prescription ou du fait d’un motif de santé publique :
- les affections de longue durée (une trentaine) dont les médicaments spécifiques (mais eux seuls) sont pris en charge à 100 % ;
- les contraceptifs remboursables par l’assurance maladie sont pris en charge à 100 % sans avance de frais pour les femmes de moins de 26 ans ;
- le vaccin antigrippal entièrement pris en charge pour les personnes âgées de plus de 65 ans et les populations à risque.
Le remboursement ne concerne pas toujours la totalité des indications reconnues par l’AMM. La CT peut, en effet, ne proposer au remboursement que certaines des indications d’un médicament et non leur ensemble (périmètre de remboursement restreint). On rappelle, à ce propos, que le praticien qui prescrit dans une indication hors remboursement doit porter sur l’ordonnance la mention NR (non remboursable).
Amélioration du service médical rendu (ASMR) et prix du médicament
Il revient aussi à la CT, en attribuant au nouveau médicament un niveau d’amélioration du service médical rendu (ASMR), de le situer (hiérarchiser) parmi les autres moyens thérapeutiques disponibles. L’ASMR évalue en effet le progrès thérapeutique éventuellement apporté par le nouveau médicament. Elle est appréciée en termes de meilleure efficacité ou de meilleure tolérance, en fonction non seulement des comparaisons directes qui ont pu être réalisées lors des essais cliniques mais aussi, parfois, en fonction de comparaisons indirectes issues d’une synthèse de la littérature sur les performances de ce nouveau médicament par rapport à celles des produits déjà disponibles. L’ASMR est un élément important pour la négociation du prix du médicament entre le CEPS et la firme pharmaceutique.
Il existe cinq niveaux d’ASMR :
- niveau I, majeure (progrès thérapeutique majeur) ;
- niveau II, importante ;
- niveau III, modérée ;
- niveau IV, mineure ;
- niveau V, absence d’ASMR ; le nouveau médicament n’apporte alors aucun progrès, comme c’est le cas du générique, par exemple.
Bon usage du médicament
L’optimisation de la balance bénéfices/risques des médicaments, la minimisation du risque thérapeutique pour le patient et une meilleure allocation des ressources disponibles reposent sur le respect, par le prescripteur et le patient, des règles de bon usage. Le bon usage du médicament correspond à son usage optimal et validé, fondé sur les preuves scientifiques disponibles. Il se définit réglementairement comme l’observance scrupuleuse des référentiels que sont, en particulier, le résumé des caractéristiques du produit et, en tout premier lieu, le strict libellé de l’AMM, la notice du conditionnement destinée au malade, les avis de la commission de la Transparence et leurs produits dérivés : fiches de transparence et fiches de bon usage. À noter que l’apposition sur la plupart des boîtes de médicaments d’un pictogramme concernant la femme enceinte (pictogramme d’interdiction du médicament en cas de grossesse pour risque avéré ou pictogramme de mise en garde « danger » pour risque possible) devrait aussi être contributif au bon usage.
Niveau de preuve et force des recommandations
Une application majeure de la notion de niveau de preuve au raisonnement et à la décision en médecine est la force (le grade) des recommandations de bonne pratique (RBP) qui, au même titre que les libellés de l’AMM, font partie de ce que l’on appelle les référentiels, c’est-à-dire les guides pour une prescription optimale compte tenu des données acquises de la science. Le souci de rationaliser et d’optimiser les prescriptions, de réduire les écarts entre les données de la science et la pratique médicale et, plus prosaïquement, d’aider le prescripteur dans son exercice quotidien a conduit un certain nombre de groupes d’experts, de centres hospitaliers, de sociétés savantes, d’agences nationales et internationales et d’Autorités de santé à produire des RBP dans d’assez nombreux domaines.
Une recommandation est établie à la suite d’un processus systématisé (indépendant et impartial) de prise en compte de toute la littérature médicale disponible et d’éventuels référentiels déjà existants sur le sujet, de leur analyse critique, en tenant compte de l’évolution du contexte scientifique et médical, et de l’évaluation des niveaux de preuve.
La force d’une recommandation et sa légitimité sont donc directement dépendantes du niveau de preuve attribué par des comités d’experts reconnus et sollicités pour la produire. Chaque recommandation est pondérée par le niveau de preuve des résultats des études qui ont permis de l’établir. On peut ainsi distinguer des recommandations de grade A, B ou C :
- une recommandation de grade A est fondée sur une preuve scientifique établie à partir d’études de haut niveau de preuve ;
- une recommandation de grade B est fondée sur une présomption scientifique fournie par des études de niveau intermédiaire ;
- une recommandation de grade C est établie sur un faible niveau de preuve scientifique.
Lorsque la littérature ne fournit pas formellement de réponse fiable à la question que l’on se pose ou si elle mentionne des résultats incomplets ou contradictoires, il est acceptable de prendre en considération les propositions issues de conférences de consensus ou faisant l’objet d’un accord professionnel obtenu par une méthode formalisée.
En résumé, toute assertion, en particulier d’ordre thérapeutique, formulée à destination du praticien devrait mentionner sans ambiguïté le niveau de preuve des études ayant permis de la formuler.
Prescription d’un générique
Les dénominations du médicament sont au nombre de trois :
- son nom chimique, qui décrit la structure moléculaire ;
- sa dénomination commune (internationale) [DC], qui est un nom simplifié admis par l’Organisation mondiale de la santé et accepté par tous ;
- le nom de fantaisie (dénomination spéciale), constituant son nom de marque et dont seul le propriétaire a le droit de se servir.
Par opposition à la préparation magistrale élaborée à l’officine à la demande d’un prescripteur pour un patient particulier, on appelle « spécialité » un médicament préparé à l’avance en milieu industriel, présenté dans un conditionnement particulier identique pour toutes les unités de vente et caractérisé par une dénomination qui peut être un nom de marque ou la dénomination commune.
Un brevet est une protection qui confère à l’inventeur un monopole légal pour une période donnée. Dans le domaine du médicament, le dépôt de brevet se situe bien avant l’octroi de l’AMM et la commercialisation. En pratique, les génériques ne sont habituellement mis sur le marché que dix ans après la première AMM d’un nouveau principe actif.
Qu’est-ce qu’un générique ?
Un médicament générique est une copie d’un médicament original dont la production et la commercialisation sont rendues possibles une fois écoulée la période légale de protection du médicament original. Un médicament original, appelé aussi princeps, peut avoir plusieurs génériques. Les génériques sont le plus souvent exploités par des firmes autres que les firmes titulaires des originaux. Le générique a une définition officielle : on entend par spécialité générique d’une spécialité de référence celle qui a la même composition qualitative et quantitative en principes actifs, la même forme pharmaceutique, et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence est démontrée par des études appropriées de biodisponibilité. Les différentes formes galéniques orales à libération immédiate sont considérées comme une même forme pharmaceutique. De même, les différents sels, esters, éthers, isomères, mélanges d’isomères, complexes ou dérivés d’un principe actif sont considérés comme ayant la même composition qualitative en principe actif, sauf s’ils présentent des propriétés sensiblement différentes au regard de la sécurité ou de l’efficacité.
La dénomination des génériques est soit la dénomination commune suivie du nom du laboratoire, soit un nom de fantaisie suivi du suffixe « Gé ».
Un médicament générique offre, par définition, les mêmes garanties de qualité pharmaceutique, d’efficacité et de sécurité d’emploi que le princeps. C’est l’ANSM qui est chargée de s’en assurer, en accordant le label « générique », en octroyant l’AMM et en procédant aux contrôles réguliers, en particulier de fabrication. Aussi, les génériques devraient-ils légitimement bénéficier d’une confiance sans réserve de la part des prescripteurs et des patients.
Depuis 2020, afin de tenir compte d’un certain nombre de cas particuliers, trois types de situations médicalement justifiées permettent de contourner une prescription générique possiblement délétère et de faire l’objet de la prescription d’un princeps avec la mention « non substituable » sur l’ordonnance :
- médicament à marge thérapeutique étroite, dont une liste a été établie (thyroxine, antiépileptiques...) ;
- chez l’enfant de moins de 6 ans si aucun générique n’a de forme adaptée ;
- chez les patients ayant une contre-indication formelle et démontrée à un excipient à effet notoire, lorsque le princeps ne comporte pas cet excipient.
Hormis ces situations, le patient qui refuse le générique ne bénéficie pas du tiers payant et ne sera remboursé par l’Assurance maladie qu’à concurrence du prix du générique le plus cher.
Génériques et économie de santé
Les médecins sont tenus d’observer, dans leurs prescriptions, la plus stricte économie compatible avec la qualité, la sécurité et l’efficacité des soins. Un générique n’apportant, par définition, aucun progrès par rapport au princeps, ne peut être commercialisé qu’à un prix inférieur. En effet, la mise à disposition des génériques ne nécessitant pas les investissements de recherche et de développement des princeps, cette réduction de prix (de l’ordre d’au moins 50 %) paraît pertinente et légitime. Ainsi, le recours aux génériques devrait représenter une source appréciable d’économies pour l’Assurance maladie.
Incitations à l’utilisation des génériques
Outre l’incitation citoyenne à prescrire le moins cher pour des performances thérapeutiques équivalentes, deux éléments du droit de la santé visent à conforter la position du générique et à en faciliter l’utilisation.
L’une est la reconnaissance du droit de substitution au pharmacien d’officine, l’autre est un système d’incitations pour le praticien à prescrire en dénomination commune. Le droit de substitution permet au pharmacien, chaque fois qu’à un princeps prescrit correspond au moins un générique, de substituer ce générique au produit prescrit par le praticien, à condition que ce dernier n’ait pas fait figurer sur l’ordonnance, à la ligne de prescription correspondante, la mention « non substituable ».
L’un des éléments du contrat passé entre les syndicats médicaux et les caisses d’Assurance maladie dans le cadre de la convention qui les lie est un engagement des professionnels concernés à prescrire des médicaments génériques dans un pourcentage substantiel de cas. L’autorisation de prescrire en dénomination commune et non plus uniquement sous forme de noms de spécialités devrait produire, de surcroît, un certain affranchissement des prescripteurs par rapport aux firmes pharmaceutiques et favoriser une clarification thérapeutique, face à la pléthore inutile et parfois dangereuse de noms de produits différents correspondant pourtant à des principes actifs identiques.
Prescription d’un biosimilaire
Dans le domaine des médicaments biologiques, il faut rappeler que les biosimilaires ne sont pas des génériques. S’ils ont bien la même composition qualitative et quantitative en substance active et la même forme pharmaceutique que leurs princeps, ils en diffèrent cependant par la variabilité de la matière première et les procédés de fabrication. C’est pourquoi leurs AMM requièrent davantage d’exigences que celles imposées aux génériques. Car, en plus d’avoir à démontrer leur équivalence biologique à celle du princeps, ils doivent aussi faire la démonstration de leur équivalence thérapeutique par des essais cliniques.
Le but du droit de substitution entre médicaments biologiquement similaires est double : induire des économies significatives pour l’Assurance maladie et assurer la continuation des biothérapies en cas de tensions critiques d’approvisionnement. Les économies résultant de l’emploi des biosimilaires à la place des princeps n’ont certainement pas atteint l’ampleur de celles imputables aux génériques. En effet, d’une part, la décote de prix (30 %), moins importante que celle imposée aux génériques, s’explique aisément par le fait que le coût de fabrication de ces deux types de médicaments, les uns chimiques et les autres biologiques, n’est pas du même ordre ; d’autre part, le nombre de patients concernés par les biosimilaires reste limité au regard des effectifs très importants de patients pouvant être traités par génériques, comme par exemple en cas d’hypertension artérielle ou de diabète de type 2. Mais le gisement d’économies potentielles est considérable.
En l’état actuel de la réglementation, la substitution d’un médicament biologique par son biosimilaire ne se conçoit sans réserve que dans le cadre d’une primoprescription, c’est-à-dire lors de l’instauration du traitement. Elle commence, en 2022, à être ouverte aux pharmaciens, mais pour un nombre de produits très limité. Quant à l’interchangeabilité en cours de traitement, elle est encore l’objet de discussions et d’aménagements progressifs.
POINTS FORTS À RETENIR
Le médecin a, vis-à-vis de son patient, une obligation de moyens.
L’ordonnance, élément capital de l’acte médical, est un document médico-légal et social important. En signant une ordonnance, le prescripteur engage sa responsabilité morale, professionnelle et juridique.
Le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller à leur compréhension par le patient et son entourage et s’efforcer d’en obtenir la bonne exécution.
L’inscription d’un médicament sur l’une des listes des substances vénéneuses rend sa prescription obligatoire et conditionne les modalités de sa dispensation.
Il existe des médicaments dont la prescription et la délivrance sont restreintes.
Lorsqu’un praticien prescrit un médicament « hors AMM », c’est sous sa seule responsabilité.
L’Assurance maladie assure la couverture des frais pharmaceutiques pour les seules spécialités ayant fait l’objet d’une prescription et figurant sur la liste des spécialités remboursables.
Remboursement et inscription sur la liste sont subordonnés à l’une des deux conditions suivantes : ou le nouveau médicament apporte un progrès thérapeutique, ou il induit une économie dans le coût du traitement.
L’amélioration du service médical rendu (ASMR), ou progrès thérapeutique, est un élément important dont tient compte le Comité économique des produits de santé (CEPS) dans sa négociation avec l’exploitant du médicament pour la fixation de son prix.
Le bon usage du médicament, usage optimal et validé, se définit réglementairement comme l’observation scrupuleuse des référentiels par le praticien et l’usager du système de soins.
Un médicament générique est une copie d’un médicament original dont la production et la commercialisation sont rendues possibles une fois écoulée la période légale de protection du médicament original, c’est-à-dire une fois son brevet tombé dans le domaine public. Son prix fait l’objet d’un abattement de l’ordre d’au moins 50 %.
Le droit de substitution pour le pharmacien et l’incitation des prescripteurs à prescrire en dénomination commune (DC) favorisent la prescription de génériques et contribuent à la maîtrise médicalisée des dépenses de santé.
Cadre réglementaire de la prescription thérapeutique et recommandations pour le bon usage
À l’occasion d’un cas clinique, il peut être demandé à l’étudiant de préciser le cadre réglementaire de sa prescription, de rédiger l’ordonnance en toute conformité, en répondant aux exigences de la Caisse nationale d’assurance maladie ; de rédiger l’ordonnance d’un médicament inscrit sur la liste des psychotropes, d’un médicament d’exception, dans le cadre d’une affection longue durée (ALD), etc. Il peut également lui être demandé s’il connaît les bénéfices et les risques liés à ce médicament, qui est responsable lors d’une prescription hors AMM…
Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) www.ansm.sante.fr
Haute Autorité de santé (HAS) www.has-sante.fr
European Medicines Agency (EMA) www.ema.eu
Code de la Sécurité sociale 2022, Paris, Dalloz.
Code de la santé publique 2021, Paris, Dalloz.
Commentaires du code de déontologie médicale. Conseil national de l’Ordre des médecins www.conseil-national.medecin.fr
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