La lithiase urinaire, appelée aussi maladie de la pierre, désigne la formation de calculs dans les reins ou les voies urinaires. Connue depuis l’Antiquité, la lithiase urinaire a évolué au cours des siècles, avec des modifications étiologiques et épidémiologiques. Parallèlement, les traitements chirurgicaux des calculs urinaires ont connu de nombreux progrès depuis l’intervention historique de la lithotomie aux traitements mini-invasifs actuels.1 L’incidence de la lithiase urinaire est en augmentation constante dans les pays industrialisés, et sa prévalence en France, dans la population générale, est estimée à 10 %.2
Cliniquement, les calculs urinaires se traduisent par la survenue d’une colique néphrétique, notamment en cas de calcul urétéral obstructif. La colique néphrétique représente 1 à 2 % des motifs de consultation et près de 170 000 passages annuels aux urgences.3
Les différentes situations qu’il est possible de rencontrer sont ici décrites, ainsi que leur prise en charge : certaines peuvent être traitées médicalement ; d’autres, plus graves, justifient une prise en charge interventionnelle.
Manifestation clinique : la colique néphrétique
La colique néphrétique est un syndrome clinique douloureux lombo-abdominal aigu lié à la mise en tension brutale de la voie urinaire supérieure (uretère et cavités rénales) en amont d’un obstacle, quelle qu’en soit la cause. Si cette définition ne préjuge donc pas de la cause, la présence d’un calcul obstructif en est responsable dans 90 % des cas.
La douleur lombaire est unilatérale, brutale et intense, avec une irradiation antérieure et oblique vers la fosse iliaque et vers les organes génitaux externes ; elle irradie parfois vers l’angle costovertébral. Des signes urinaires (pollakiurie, brûlures mictionnelles, mictions impérieuses, hématurie) peuvent être associés, ainsi que des signes digestifs (nausées, vomissements) et une agitation ou une anxiété. La douleur peut se limiter aux zones d’irradiation, en particulier à la phase initiale. Les calculs urétéraux sont presque systématiquement symptomatiques : crise de colique néphrétique, qui reste cependant non compliquée le plus souvent ; en effet, elle est dite compliquée dans seulement 5 % des cas (encadré).
En dehors de ces situations spécifiques pour lesquelles un avis urologique en urgence est nécessaire, la prise en charge d’une colique néphrétique simple est ambulatoire avec, par exemple, la réalisation d’un examen d’imagerie dans les douze à quarante-huit heures après la consultation – bien que ce délai soit remis en cause par la grande accessibilité du scanner abdominopelvien non injecté sur le territoire français.4 Le scanner abdominopelvien non injecté est devenu l’examen de choix pour le diagnostic et l’évaluation d’un calcul urinaire ;5 à l’exception des patients ayant un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 30 kg/m2, cet examen peut être de faible irradiation, dit « low dose ».5, 6 Des séquences injectées sont recommandées uniquement en cas de doute diagnostique sur le scanner non injecté initial.
Quel est le traitement médical ?
D’abord soulager le patient
La prise en charge initiale d’une colique néphrétique simple prime sur celle du calcul en cause. Elle repose principalement sur la prescription initiale d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), en l’absence de contre-indication (grossesse, fièvre, co-prescription médicamenteuse, insuffisance rénale).
Pour rappel, en France, seuls le kétoprofène et, malgré un faible niveau de preuve, le phloroglucinol disposent d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) spécifique pour le traitement de la colique néphrétique. Les autres antalgiques sont utilisables au titre de l’indication « douleurs d’intensité modérée à forte ».
Les AINS sont très efficaces et supérieurs aux opioïdes dans le traitement de la colique néphrétique (niveau de preuve [NP] : 1).* En cas de douleur réfractaire, il est possible de prescrire des opioïdes en seconde intention.4
Thérapie médicale expulsive encore hors AMM
Outre la prise en charge de la colique néphrétique, celle du calcul urétéral peut s’articuler autour de la thérapie médicale expulsive : plusieurs études ont mis en évidence son efficacité, avec un bénéfice significatif de l’alphabloquant tamsulosine (NP : 1) sur le taux d’expulsion spontanée des calculs.7-9
La thérapie médicale expulsive est efficace chez tout patient ayant un calcul urétéral unique de taille comprise entre 5 et 10 mm, particulièrement dans l’uretère distal. Elle est bien tolérée et a peu d’effets indésirables (NP : 1), sans retentissement sur un éventuel traitement interventionnel (NP : 4).
À ce jour, aucune molécule n’a obtenu l’AMM en France dans cette indication. Le prescripteur doit donc mentionner « hors AMM » sur l’ordonnance.
Il n’existe pas d’autres traitements validés pour la thérapie médicale expulsive.
Le diamètre du calcul conditionne son éventuelle expulsion spontanée
Après une colique néphrétique, il est conseillé de prévoir une consultation de contrôle à deux semaines avec la réalisation d’un examen d’imagerie, afin d’évaluer la progression du calcul en direction de la vessie.
En effet, au cours de son histoire naturelle, un calcul urétéral peut être expulsé spontanément lors de la miction (75 % des calculs de moins de 10 mm). Son diamètre est le facteur prédictif le plus important :10 généralement, plus un calcul est petit et situé bas (uretère distal, pelvien), plus son taux d’expulsion spontanée est élevé (moins de 4 mm : 98 % ; plus de 6,5 mm : 29 %). L’utilisation de mesures tridimensionnelles serait également performante mais n’est actuellement pas faisable en pratique quotidienne.11
Ainsi, un calcul asymptomatique de plus de 7 mm situé dans l’uretère lombaire a peu de chance d’être expulsé spontanément. Et s’il est toujours présent lors de la consultation de contrôle (à J15-J28), il relève d’une prise en charge chirurgicale.
De même, la thérapie médicale expulsive et la surveillance n’ont pas de place plus de quatre semaines après la colique néphrétique. Un calcul n’ayant pas progressé au sein de la voie excrétrice supérieure après quatre semaines n’a en effet presque aucune chance d’être expulsé spontanément.10
Traitement chirurgical : priorité au drainage des urines !
Les situations d’urgence (encadré) nécessitent un drainage des urines situées en amont du calcul. Trois cas méritent d’être évoqués :
- la pyélonéphrite aiguë obstructive, qui est définie par l’infection urinaire en amont du calcul urétéral ; il s’agit d’une urgence médicochirurgicale nécessitant une antibiothérapie à large spectre par voie intraveineuse et un drainage urinaire en urgence. Le calcul ne doit pas être traité dans ce contexte ;
- l’anurie obstructive ;
- la colique néphrétique hyperalgique (absence de contrôle médical de la douleur).
Actuellement, il n’est pas possible de recommander avec un fort niveau de preuve la réalisation d’une lithotritie extracorporelle (LEC) ou d’une urétéroscopie (URS) pour traiter en urgence un calcul urétéral douloureux et non compliqué d’infection. En cas de douleur contrôlée et d’examen cytobactériologique des urines (ECBU) négatif, une LEC peut être éventuellement proposée si elle est accessible. Le traitement du calcul est donc le plus souvent différé et se fait à distance du drainage des urines.
Drainage des urines : deux méthodes possibles
Le drainage peut être réalisé de deux manières : pose d’une sonde en « double J » ou néphrostomie percutanée (fig. 1).
La pose d’une sonde JJ se fait par voie endoscopique rétrograde, sous anesthésie générale le plus souvent. L’uretère est cathétérisé par un guide passant à côté du calcul et remontant dans les cavités rénales. La sonde JJ est positionnée ensuite via ce guide sous contrôle fluoroscopique. La limite technique de cette intervention est l’absence de visualisation de l’abouchement de l’uretère dans la vessie (méat urétérovésical).
La pose de néphrostomie percutanée est une intervention réalisée sous anesthésie locale ou générale. Elle consiste en la ponction des cavités rénales guidée par échographie, voire par scanner, et la mise en place du drain, fixé ensuite sur la peau. Ses contre-indications sont dominées par le risque hémorragique (traitement anticoagulant ou par certains antiagrégants plaquettaires, troubles de l’hémostase).
Techniques chirurgicales mini-invasives pour l’ablation du calcul
Hors situations d’urgence et en cas de non-expulsion spontanée, un traitement différé est indiqué. Les recommandations 2022 du comité lithiase de l’Association française d’urologie proposent un algorithme décisionnel (fig. 2).4 Les deux interventions possibles sont l’urétéroscopie et la lithotritie extracorporelle (fig. 3).
Lithotritie extracorporelle
Cette méthode consiste en une fragmentation du calcul par des ondes de choc issues d’un générateur extracorporel. Les ondes de choc sont dirigées sur le calcul grâce à un repérage radiologique et/ou échographique. L’intervention se fait en ambulatoire sous sédation et analgésie. Les fragments produits doivent être suffisamment fins pour pouvoir s’éliminer sans difficulté par les voies naturelles ; dans le cas contraire, ils risquent d’être responsables d’une colique néphrétique.
Les contre-indications à cette technique sont la grossesse, la prise d’anticoagulants ou d’antiagrégants, les troubles de l’hémostase, les calcifications et anévrismes aortiques et rénaux, l’infection ou la colonisation urinaire non traitée.
Urétéroscopie et laser
L’urétéroscopie consiste – sous anesthésie générale, à l’aide d’instruments optiques rigides ou flexibles – à pénétrer dans l’uretère par voie rétrograde et à fragmenter le calcul par divers procédés comme le laser. Les fragments sont ensuite retirés avec un panier pour être analysés.
Les contre-indications à l’urétéroscopie sont l’infection ou la colonisation urinaire non traitée.
Quel choix pour quelle situation ?
Pour des calculs urétéraux de plus de 10 mm, l’urétéroscopie est plus efficace que la lithotritie. En revanche, pour des calculs de moins de 10 mm, les deux techniques obtiennent des résultats similaires.4
Les calculs urétéraux complexes et/ou très volumineux peuvent relever d’une prise en charge par voie percutanée ou cœlioscopique/robotisée, bien que ces indications soient de plus en plus rares avec le développement des techniques mini-invasives (lithotritie extracorporelle et urétéroscopie).
Finalement, les patients opérés sont ceux dont les calculs ne s’évacuent pas spontanément ou sont compliqués.
Que dire à vos patients ?
La lithiase est une maladie fréquente et non compliquée dans 95 % des cas.
Chez un patient ayant un calcul urétéral, la présence d’une fièvre, d’une douleur non contrôlée et l’anurie doivent amener à consulter en urgence.
Un calcul urétéral compliqué nécessite un drainage urinaire en urgence avant le traitement spécifique.
En cas de pose de sonde JJ, des douleurs abdominales ou lombaires, des brûlures mictionnelles ou des envies pressantes d’uriner peuvent être ressenties.
Le calcul qui peut être expulsé spontanément doit être recueilli pour analyse morpho-constitutionnelle : il est conseillé d’uriner à travers un filtre ou dans une bouteille dans les jours suivant la colique néphrétique. Obtenir la composition du calcul aide à comprendre son origine.
Colique néphrétique compliquée
Liée au terrain
Grossesse
Insuffisance rénale chronique
Rein transplanté
Rein unique
Uropathie connue
Patient séropositif pour le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) traité par antiprotéases
Avec signes de gravité
Fièvre
Oligoanurie, insuffisance rénale
Douleur résistante au traitement médical bien conduit (hyperalgique)
2. Scales CD, Smith AC, Hanley JM, et al. Prevalence of kidney stones in the United States. Eur Urol 2012;62(1):160-5.
3. P Derrouch. Les urgences en urologie, certaines trop mal connues (en ligne). Association française d’urologie, 2021. Disponible sur http://bit.ly/3ZL87Uf
4. Association française d’urologie. Recommandations de bonne pratique pour la prise en charge des calculs et de la lithiase urinaires : diagnostic, traitement, suivi et prévention secondaire – Argumentaire (en ligne). Novembre 2022. Disponible sur http://bit.ly/3HcKKuv
5. Brisbane W, Bailey MR, Sorensen MD. An overview of kidney stone imaging techniques. Nat Rev Urol 2016;13(11):654-62.
6. Türk C, Petřík A, Sarica K, et al. EAU Guidelines on Interventional Treatment for Urolithiasis. Eur Urol 2016;69(3):475-82.
7. Daga S, Wagaskar VG, Tanwar H, et al. Efficacy of Medical Expulsive Therapy in Renal Calculi Less than or Equal to 5 Millimetres in Size. Urol J 2016;13(6):2893-8.
8. Wang RC, Smith-Bindman R, Whitaker E, et al. Effect of Tamsulosin on Stone Passage for Ureteral Stones: A Systematic Review and Meta-analysis. Ann Emerg Med 2017;69(3):353-61.e3.
9. Sridharan K, Sivaramakrishnan G. Medical expulsive therapy in urolithiasis: a mixed treatment comparison network meta-analysis of randomized controlled clinical trials. Expert Opin Pharmacother 2017;18(14):1421-31.
10. Jendeberg J, Geijer H, Alshamari M, et al. Size matters: The width and location of a ureteral stone accurately predict the chance of spontaneous passage. Eur Radiol 2017;27(11):4775-85.
11. Jendeberg J, Geijer H, Alshamari M, et al. Prediction of spontaneous ureteral stone passage: Automated 3D-measurements perform equal to radiologists, and linear measurements equal to volumetric. Eur Radiol 2018;28(6):2474-83.
12. Association française d’urologie. Fiches infos patients disponibles sur http://bit.ly/3WjE82J