Le syndrome du canal carpien est la neuropathie d’enclavement la plus fréquente. Quelle prise en charge aujourd’hui ? Quand opérer ? Quoi de neuf dans les approches chirurgicales ? Le point avec le Dr Isabelle David, chirurgien de la main et du membre supérieur, Saint-Martin-d’Hères.

Syndrome du canal carpien : comment le diagnostiquer ?

Dû à la compression du nerf médian dans un tunnel ostéofibreux inextensible, le syndrome du canal carpien a une incidence de l’ordre de 5 % de la population générale. C’est la neuropathie la plus commune des membres supérieurs, affectant principalement les travailleurs manuels. Néanmoins, elle touche volontiers les femmes, en période périménopausique (ratio 4:1). Elle se manifeste typiquement par des paresthésies dans le territoire du nerf médian, en regard des 3 premiers doigts et de la face interne de l’annulaire (décrites comme des fourmillements, picotements, engourdissements, décharges électriques, etc.), fréquemment associées à des douleurs irradiant à l’avant-bras, au coude ou à l’épaule. Les symptômes sont majorés lors des mouvements de flexion ou d’extension, avec une recrudescence nocturne liée à la flexion incontrôlée du poignet et au cycle nycthéméral du cortisol. Ils sont classiquement soulagés en secouant les mains. Le diagnostic est en partie clinique. L’électromyogramme reste le « gold standard » pour confirmer le diagnostic mais surtout pour en apprécier la sévérité ; il a aussi un intérêt médico-légal en préopératoire.

Quand opérer ?

En l’absence de gravité électromyographique, la prise en charge de première intention repose sur une orthèse nocturne et l’infiltration de corticoïdes. On y associe une adaptation des activités, pour diminuer les facteurs favorisants, au niveau du poste de travail (si maladie professionnelle) mais également des loisirs (sport, bricolage).

En cas d’échec du traitement médical bien conduit ou en 1re intention dans les formes sévères (troubles objectifs de la sensibilité, faiblesse ou amyotrophie des muscles thénariens), une intervention de libération canalaire est proposée.

Quoi de neuf dans la prise en charge chirurgicale ?

Deux techniques sont utilisées couramment.

Celle classique, dite à ciel ouvert (incision dans la paume de la main), est la plus ancienne, mais elle a été améliorée par l’approche « mini-open » permettant de diminuer la longueur de la cicatrice. Le principal reproche est la gêne cicatricielle au talon de la main pouvant durer les 3 premiers mois post-opératoires, retardant ainsi la reprise de l’activité.

La technique sous endoscopie, qui existe depuis les années 1990, a l’avantage de décaler la cicatrice au poignet mais n’a pas la même sécurité ni le même champ de vision que la chirurgie classique : le chirurgien insère une caméra dans le canal carpien à partir d’une incision de 1 à 2 centimètres effectuée à la base du poignet.

Depuis quelques années, la qualité d’image des appareils d’échographie s’est tellement améliorée qu’elle a permis l’émergence d’une troisième et nouvelle technique par guidage échographique ou échochirurgie. Ses principaux atouts ? Elle cumule l’avantage des deux techniques précédentes : une excellente visualisation du contenu du canal carpien et une minime incision de 3-4 mm au poignet sans nécessité de points de suture. Elle permet une récupération accélérée sans rééducation dès la première semaine post-opératoire (versus 2 à 3 mois pour les autres techniques). La reprise de l’activité professionnelle se fait très rapidement, en 2 semaines en moyenne.

Cette technique a plusieurs avantages :

  • elle peut être pratiquée chez tous les patients quels que soient l’âge, la sévérité de l’atteinte ou la taille de la main (ce n’est pas le cas avec l’endoscopie) ;
  • l’absence de garrot s’avère très utile chez les patientes avec cancer du sein et curage partiel ou complet axillaire, ou en présence d’une fistule artérioveineuse chez les dialysés (non possible avec les 2 autres techniques) ;
  • on peut réaliser l’opération au cabinet et donc en dehors d’une clinique ou d’un hôpital, au titre de l’échographie interventionnelle (comme le pratiquent les radiologues pour des gestes infiltratifs) ;
  • il est possible de réaliser de manière simultanée l’intervention bilatérale chez des patients motivés en raison de la rapidité de la récupération post-opératoire.

Malgré ses avantages, cette technique peine à se répandre en France, essentiellement pour deux raisons : d’une part, la maîtrise de l’échographie demande une année de formation pour le chirurgien, ce qui freine son adoption parmi les spécialistes de la main ; d’autre part, le volet financier n’est pas négligeable : l’achat d’un échographe n’est pas pris en charge par les cliniques ou les établissements publics.

Pour en savoir plus
David I. Sonography-Guided Carpal Tunnel Release.  Hand Clin 2022;38(1):75-82.
Fowler JR, Chung KC, Miller LE. Multicenter pragmatic study of carpal tunnel release with ultrasound guidance.  Expert Rev Med Devices 2022;19(3):273-80.
Postma JD, Kemler MA. The effect of carpal tunnel release on health-related quality of life of 2 346 patients over a 5-year period.  J Hand Surg Eur Vol 2022;47(4):347-52.

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