Les résultats du 4e Baromètre cancer, mené par l’Institut national du cancer (INCa), en partenariat avec Santé publique France, révèlent que de nombreux manques d’information – voire des désinformations –persistent dans la population sur les facteurs de risque/protection des cancers.
Cette enquête, réalisée tous les 5 ans en population générale, a pour but d’étudier les perceptions, les connaissances et les comportements de la population française vis-à-vis des cancers (facteurs de risque, dépistage, moyens de prévention…). Les données de cette 4e édition ont été recueillies en 2021 auprès d’environ 5 000 personnes âgées d’entre 15 et 85 ans.
L’INCa estime que près de 40 % des cancers en France pourraient être évités par le développement d’environnements et comportements favorables. Étant donné que ces derniers sont orientés par les croyances et les connaissances qu’ont les personnes sur le cancer, le Baromètre cancer est un outil important de pilotage des politiques de prévention. En particulier, il permet de concevoir des pratiques différenciées selon les populations, car il documente les inégalités en matière de santé.
D’importants facteurs de risque encore mal connus par la population
Alors qu’une majorité des Français (67,6 %) déclarent se sentir bien informés sur les facteurs de risque de cancer – et que des éléments comme le tabac, l’alimentation et l’alcool sont en effet spontanément cités par les répondants –, l’enquête révèle une sous-estimation de nombreux facteurs de risque avérés (et modifiables !) de cancer : manque d’activité physique, exposition au soleil sans protection, surpoids voire obésité sont spontanément cités par moins de 3 % des participants. Certains facteurs protecteurs sont, quant à eux, également méconnus, comme l’allaitement maternel contre le cancer du sein (plus de deux tiers des participants ne connaissaient pas cette information).
Un manque d’information est évoqué par les répondants : près de la moitié d’entre eux (45,9 %) considèrent être mal informés des risques associés au manque d’activité physique ; cette proportion est de 44,0 % pour les risques liés à l’alimentation, de 41,7 % pour ceux liés au surpoids et à l’obésité et de 50,4 % pour ceux liés aux cabines UV. Elle grimpe à 75,1 % pour les risques de cancers liés à certaines infections. En revanche, dans cette édition du Baromètre, les répondants sont plus nombreux que par le passé à se sentir bien informés sur des facteurs environnementaux de cancer, tels que les pesticides (+ 19,5 points sur la période 2010-2021), la pollution de l’air (+ 14 points depuis 2015) et les expositions professionnelles (+ 8 points depuis 2015).
Toutefois, des perceptions sur certains facteurs dont le lien avec le cancer n’est pas prouvé scientifiquement ont augmenté depuis le dernier Baromètre : par exemple, les facteurs psychologiques (liés au stress de la vie moderne, à des expériences traumatiques…) sont souvent cités par les répondants.
Enfin, sur les deux facteurs de risque majeurs que sont le tabac et l’alcool, des désinformations persistent, malgré la bonne connaissance globale de leur lien avec le cancer (entre 77 % et 93 % des participants déclarent avoir un bon niveau d’information du risque les concernant) : les fumeurs pensent que le risque de cancer lié au tabac existe à partir de 9,2 cigarettes/jour (21,2 % d’entre eux pensent qu’il n’existe qu’au-delà de 20 cigarettes/jour) et 13,4 ans de tabagisme ; 23,5 % des répondants pensent que boire un peu de vin diminue le risque de cancer. Globalement, constate l’INCa, ces résultats révèlent « une forme de mise à distance du risque individuel en fonction de son propre comportement ».
Des inégalités sociales de santé persistantes
Même si elles sont moins marquées en 2021, les différences socio-économiques observées dans le Baromètre de 2015 sont toujours présentes.
En matière de perception des risques, cela se manifeste par une sous-estimation plus importante de certains facteurs de risque chez les personnes les moins diplômées et/ou ayant les plus faibles revenus, notamment le tabac – ce qui fait écho aux inégalités sociales en matière de prévalence du tabagisme. Les personnes aux revenus les plus faibles sont aussi celles qui déclarent les seuils de dangerosité perçus les plus élevés.
En matière de dépistage, le gradient socio-économique est présent dans les trois programmes de dépistage organisé (cancer du sein, du col utérin, colorectal). Par exemple, les femmes appartenant à une catégorie économique modeste (revenus < 1 800 €/mois) adhèrent significativement moins au dépistage organisé du cancer du sein, et les femmes très précaires (revenus < 1 101 €/mois) participent moins à celui du cancer du col utérin et colorectal.
« L’adhésion des personnes les moins favorisées économiquement aux différents programmes de dépistages ne pourra être effective sans le développement de stratégies spécifiques en faveur de ces populations », souligne l’INCa.
Mieux impliquer les professionnels de santé dans les campagnes d’information
Cette édition du Baromètre montre qu’une grande partie de la population rencontre des difficultés à suivre les recommandations de prévention du cancer (56,1 % ont le sentiment qu’il y a tellement recommandations qu’il est difficile de savoir lesquelles suivre ; 39,8 % trouvent, quant à eux, que les informations sont si nombreuses qu’elles en deviennent répétitives).
Le volet de l’enquête portant sur les sources d’information révèle que les professionnels de santé et les campagnes officielles de prévention ne sont cités spontanément que par une minorité des participants en tant que source principale d’information (respectivement 20,2 % et 14,5 %), loin derrière la télévision (55,9 %), Internet et les réseaux sociaux (36,6 %) et la presse écrite (32,1 %). Or ce sont précisément les professionnels de santé qui jouissent de la plus grande confiance sur ce sujet, la majorité des répondants (83,8 %) les ayant cités comme la source la plus fiable. « Ces résultats nous invitent à repenser l’articulation entre cette source d’information, considérée comme fiable, et des canaux d’information de plus en plus utilisés comme Internet et les réseaux sociaux », concluent les auteurs du rapport.
Institut national du cancer et Santé publique France. Baromètre cancer 2021. janvier 2023.