Bien que la grande majorité des cancers colorectaux surviennent après 50 ans, leur incidence chez les moins de 50 ans croît depuis les années 1990. Cette tranche d’âge n’étant pas concernée par le dépistage organisé, il est important de connaître les principaux signes d’alerte qui doivent faire évoquer ce diagnostic. Une revue systématique colligeant les données de plus de 25 millions de personnes apporte des éclairages.

Aujourd’hui, seuls 5 % des cancers colorectaux (CCR) sont diagnostiqués avant 50 ans, mais ce cancer fait partie de ceux dont l’incidence avant l’âge de 50 ans a considérablement augmenté au cours des trente dernières années au niveau mondial. Une vaste étude publiée en 2023 dans le BMJ , qui a montré une hausse de 80 % de l’incidence des cancers chez les moins de 50 ans entre 1990 et 2019, rapportait que le CCR était parmi les plus concernés par cette tendance. Il était le second dont l’incidence était la plus élevée en 2019 dans cette tranche d’âge (5,7/100 000 personnes), après le cancer du sein.

Or cette population n’est pas concernée actuellement par le dépistage organisé, qui est proposé entre 50 et 74 ans aux personnes sans facteurs de risque. Pour éviter des retards de diagnostic – et leur retentissement négatif sur le pronostic –, il est donc important de mieux connaître les signes d’alerte associés à la survenue d’un CCR avant 50 ans. C’était le but d’une équipe américaine de chercheurs qui vient de publier une vaste revue systématique avec méta-analyse dans le JAMA .

Elle a inclus 81 études avec près de 25 millions de patients de moins de 50 ans au total. La plupart ont été conduites en Asie et au Moyen-Orient (26), en Amérique du Nord (23) et en Europe (19), et la grande majorité (67) était considérée comme ayant un faible risque de biais.

Rectorragie, douleurs abdominales, anémie

Les auteurs ont calculé les prévalences des principaux symptômes présents chez les personnes ayant un diagnostic de CCR, en réalisant une analyse groupée des prévalences renseignées dans 78 études. Ils ont ensuite calculé plus précisément le risque associé à certains de ces symptômes de développer un CCR dans les mois suivant leur survenue, à partir de 5 études. En raison de l’hétérogénéité des études, les résultats de la méta-analyse ont été ajustés pour des facteurs tels que l’âge de la population étudiée, le pourcentage de participants masculins, le pays où a été mené l’étude, son année de publication et sa qualité.

Dix-sept symptômes présents chez les personnes de moins de 50 ans ayant un diagnostic de CCR ont été recensés. Les trois les plus fréquents étaient :

  • la rectorragie : prévalence de 45 % (IC95 % : 40 % à 50 %) ;
  • les douleurs abdominales : prévalence de 40 % (IC95 % : 35 % à 45 %) ;
  • et les modifications du transit intestinal (constipation ou diarrhée ou une alternance des deux) : prévalence de 27 % (IC95 % : 22 % à 33 %).

Les analyses stratifiées sur l’âge (< 50 ans ou < 40 ans) montraient la même prépondérance de ces trois types de symptômes quel que soit l’âge.

Suivaient des signes comme la perte de poids (17 %), la perte d’appétit (15 %) ou l’anémie (11 %).

La rectorragie était associée à une probabilité d’avoir un CCR multipliée par 5 à 54 selon les études. Les auteurs recommandent donc que les patients de moins de 50 ans ayant ce symptôme puissent bénéficier d’un bilan diagnostique complet, comprenant notamment une coloscopie.

L’anémie, quant à elle, était associée à une probabilité 2 à 11 fois plus élevée d’avoir un CCR ; les douleurs abdominales, à une probabilité 1,3 à 6 plus élevée, selon les études. Puisque la douleur abdominale est un signe très peu spécifique, les auteurs admettent qu’il serait irréaliste et inefficace de rechercher un CCR en présence d’une douleur abdominale isolée, mais ils préconisent d’envisager une coloscopie lorsqu’elle n’est pas résolue dans les 1 à 2 mois suivants et n’est pas expliquée par une autre raison – et d’autant plus si elle est associée à des modifications du transit.

Enfin, un intervalle de 4 à 6 mois entre l’apparition des symptômes et le diagnostic de CCR était le plus souvent rapporté (intervalle moyen entre 1,8 à 13,7 mois selon les 23 études l’ayant renseigné, et médian entre 2 et 8,7 mois selon 16 études).

Pour en savoir plus
Demb J, Kolb JM, Dounel J, et al. Red Flag Signs and Symptoms for Patients With Early-Onset Colorectal Cancer.  JAMA Netw Open 24 mai 2024.

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