Aujourd’hui, le dépistage organisé du cancer colorectal cible les personnes à risque moyen, âgées de 50 à 74 ans. Au-delà de 75 ans, les patients ne sont plus éligibles, mais peuvent continuer à faire l’objet d’un dépistage individuel, par coloscopie. L’intérêt de cette stratégie est discutable, selon une étude parue dans le JAMA

Au-delà de 74 ans, les patients ne sont plus éligibles au dépistage organisé reposant sur le test immunologique (Fecal Immunochemical Test ou FIT). Certains patients conservent cependant un état général satisfaisant, et pourraient bénéficier du dépistage.

Si le médecin traitant peut encore prescrire d’autres tests qualitatifs de recherche de sang dans les selles, ceux-ci ont, selon les autorités de santé, une performance inférieure au FIT, et ne sont pas recommandés. En attendant un possible élargissement du remboursement du FIT aux 75 ans et plus, ces patients sont adressés en consultation d’hépato-gastroentérologie, pour discuter de la poursuite du dépistage par coloscopie. Toutefois, les effets indésirables de cet examen ne sont pas négligeables dans cette population fragile.

Afin d’évaluer la pertinence de la coloscopie chez les plus de 75 ans, des chercheurs de la clinique de Cleveland (États-Unis) ont mené une étude de cohorte rétrospective monocentrique.

Un taux élevé de complications

Dans cette analyse, les auteurs ont inclus 7 067 patients de plus de 75 ans ayant subi une coloscopie à la clinique de Cleveland entre 2009 et 2022 (âge médian de 78 ans, 56 % de femmes). Le critère de jugement principal était la proportion de patients dépistés ayant une espérance de vie limitée (< 10 ans, estimée selon un modèle démographique), tandis que les critères secondaires comprenaient les cancers détectés ainsi que les effets indésirables 10 jours après la procédure.

Publiés dans le JAMA Internal Medicine, les résultats indiquent que la proportion de coloscopies réalisées chez des patients asymptomatiques ayant une espérance de vie < 10 ans était de 30 % pour les patients âgés de 76 à 80 ans ; cette proportion grimpait à plus de 60 % à 81 - 85 ans, pour atteindre 100 % chez les plus de 85 ans.

La proportion de tumeurs détectée augmentait significativement avec l’âge, passant de 5,4 % chez les 76 - 80 ans à 9,5 % chez les plus de 85 ans. Toutefois, seuls 0,2 % des patients analysés avaient un cancer invasif, soit 15 patients dont 5 ont été traités.

En parallèle, au total, le taux d’événements indésirables (saignements gastro-intestinaux, arythmies, perforations…) causés par la coloscopie et requérant une hospitalisation dans les 10 jours s’élevait à 13,58 pour 1 000 et augmentait avec l’âge, atteignant environ 4 % de patients de plus de 85 ans. En particulier, les événements graves (hospitalisation de plus de 10 jours, soins intensifs) passaient de 2,42 chez les 76 - 80 ans à 11 (pour 1 000) chez les plus de 85 ans. Les patients avec une espérance de vie < 10 ans avaient un taux double de complications par rapport à ceux avec une espérance de vie plus longue.

Pour les auteurs, ces résultats indiquent que les cancers cliniquement significatifs découverts par coloscopie sont extrêmement rares chez les plus de 75 ans, tandis que les coloscopies sont réalisées en grande partie sur des sujets à l’espérance de vie limitée et avec des risques accrus de complications.

Pour en savoir plus
El Halabi J, Burke CA, Hariri E, et al. Frequency of Use and Outcomes of Colonoscopy in Individuals Older Than 75 Years.  JAMA Intern Med 2023;183(6):513-9.
Grancher A, Khiari A, Di Fiore F. Dépistage du cancer colorectal : quelles modalités en 2023 ?   Rev Prat Med Gen 2023;37(1078);269-71.

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