objectifs
Expliquer les particularités épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques des principaux cancers de l'enfant.
Particularités épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques
Service d’oncologie pédiatrique, Hôpital d’enfants, CHRU de Nancy, 54500 Vandœuvre-lès-Nancy, France

Particularités épidémiologiques

Incidence
Les cancers de l’enfant sont rares mais représentent, en France, la première cause de mortalité par maladie après l’âge de 1 an. Leur incidence est d’environ 1 700 nouveaux cas chez les enfants âgés de moins de 15 ans et de 700 cas chez les adolescents âgés de 15 à 18 ans, soit moins de 1 % de l’ensemble des cancers.
En France, environ 1 enfant sur 500 est atteint de cancer avant l’âge de 15 ans, avec une prédominance masculine (sex-ratio : 1,2).

Types de cancers

Les types histologiques et/ou la fréquence des cancers sont très distincts de ceux de l’adulte. Les leucémies et les tumeurs cérébrales, respectivement 1re et 2e cause de cancer de l’enfant, représentent 30 % et 23 % des cas ; les carcinomes sont exceptionnels chez les enfants.
Les leucémies associées aux lymphomes représentent environ 40 % des cancers de l’enfant et environ 60 % sont des tumeurs solides (tableau 1). Les tumeurs solides les plus fréquentes sont les tumeurs cérébrales.

Âge

En période néonatale, les tumeurs sont rarement malignes. Prés de la moitié des cancers de l’enfant surviennent avant l’âge de 5 ans. Il s’agit plus spécifiquement à cet âge de tumeurs embryonnaires (« blastomes ») et de divers types de tumeurs cérébrales dont les médulloblastomes. Après l’âge de 10 ans, les leucémies sont nettement moins fréquentes, les tumeurs embryon­naires deviennent exceptionnelles, alors que les tumeurs osseuses (ostéosarcome, sarcome d’Ewing) et des tissus mous (rhabdomyosarcome), et les lymphomes (lymphome de Hodgkin) deviennent prépondérants.

Étiopathogénie

Plus de 95 % des cancers de l’enfant sont sporadiques. Les facteurs environnementaux sont rarement impliqués, hormis les irradiations à fortes doses et les carcinogènes viraux, notamment le virus d’Epstein-Barr (EBV) à l’origine de certaines formes de lymphomes de Burkitt et de carcinomes indifférenciés du naso­pharynx.
Le dépistage des cancers n’existe pas en raison de leur rareté ; cependant, une très faible proportion d’entre eux surviennent dans le cas de syndromes de prédisposition génétique et nécessitent un suivi spécifique de dépistage :
formes héréditaires du rétinoblastome (toutes les formes bi­latérales et 10 % des formes unilatérales). Ces patients ont également un risque plus élevé que la population générale de faire un deuxième cancer (anomalie constitutionnelle du gène RB1 situé en 13q14) ;
syndrome de Li-Fraumeni (mutation constitutionnelle responsable d’une anomalie de la protéine p53 et d’un défaut d’apoptose) exposant à un risque accru de tumeurs des tissus mous, des os, de lymphomes, de tumeurs cérébrales, ou de cortico- surrénalome ;
syndrome de Beckwith-Wiedemann (mutation constitutionnelle en 11p15) exposant à un risque accru de néphroblastome et d’hépatoblastome ;
trisomie 21 associée à un risque très élevé de leucémie ;
neurofibromatoses de types 1 et 2 s’accompagnant principalement de tumeurs du système nerveux bénignes ou malignes.
D’autres syndromes génétiques de prédisposition existent, encore plus rares, mais sont à rechercher dans le cadre de consultations d’oncogénétique.

Particularités diagnostiques

Signes d’appel
Ils sont banals mais doivent être reconnus précocement afin de raccourcir au minimum le délai du diagnostic et ainsi améliorer le pronostic vital, et limiter le risque de séquelles. En dehors des cancers comportant un envahissement de la moelle osseuse, les symptômes sont souvent d’apparition et d’évolution rapide alors que l’enfant conserve un bon état général. Ils sont souvent aspécifiques (tableau 2), et il est très important d’écouter les doléances des parents.
On distingue les signes directement ou indirectement en rapport avec la découverte du cancer.

Signes directement en rapport avec la découverte du cancer

Ce sont :
masse abdominale, souvent de découverte fortuite qui peut être localisée en intra- ou rétropéritonéale (neuroblastome, néphroblastome, lymphome de Burkitt, principalement) ;
tuméfaction en regard d’un os ou des tissus mous au niveau des membres ou des parois du tronc en cas de tumeurs osseuses ou des parties molles (sarcomes des parties molles, ostéosarcome, sarcome d’Ewing) ;
masses ganglionnaires persistantes avec des adénopathies « froides » sans inflammation, ni douleur, ni foyer infectieux loco-régional (leucémies, lymphomes principalement) ;
masse péri- ou intra-orificielle (bouche, narines, conduit auditif, vagin, anus) ou saignement orificiel (rhabdomyosarcome principalement) ;
augmentation du volume scrotal (rhabdomyosarcome, tumeur germinale maligne) ;
reflet blanc pupillaire (« leucocorie ») ou strabisme imposant la réalisation d’un fond d’œil (rétinoblastome).
Signes révélateurs de façon indirecte 

Signes révélateurs de façon indirecte

hypertension intracrânienne du fait de la tumeur elle-même et/ou de son association à une hydrocéphalie par gêne à la circulation du liquide céphalo-rachidien. Ces signes peuvent être atypiques ou insidieux (troubles visuels, troubles du comportement, augmentation trop importante du périmètre crânien). Une imagerie cérébrale doit être effectuée en cas de doute ;
signes neurologiques déficitaires dont la nature dépend du siège des lésions intracrâniennes et/ou médullaires ; les convulsions sont rarement révélatrices de tumeurs cérébrales chez l’enfant.
dyspnée par compression des voies respiratoires par une tumeur médiastinale (lymphome non hodgkinien principalement) ;
obstructions respiratoires hautes ou troubles de la déglutition dus à une tumeur ORL (rhabdomyosarcome, lymphome).
Hématurie : tumeur rénale.
Fracture osseuse pathologique : tumeur primitive osseuse ou, plus rarement, métastases.
Signes ophtalmologiques : protrusion oculaire par une métastase (neuroblastome) ou une tumeur primitive orbitaire (rhabdomyosarcome, gliome du nerf optique).
Douleurs :
osseuses localisées persistantes devant faire réaliser des radiographies standard étendues des zones douloureuses et une scintigraphie osseuse au technétium (ostéosarcome, sarcome d’Ewing) ;
osseuses diffuses devant faire rechercher une atteinte de la moelle osseuse (leucémies, neuroblastome métastatique).
Autres symptômes : ce sont, par exemple, les anomalies d’émission d’urines ou de selles devant faire rechercher une tumeur abdomino-pelvienne par l’examen clinique comprenant un toucher rectal puis une échographie abdomino-pelvienne (tumeur germinale maligne, neuroblastome, rhabdomyosarcome), ou une compression médullaire (tumeur médullaire, tumeur vertébrale, neuroblastome en sablier).
Le tableau 3 présente les moyens d’approche diagnostique et de confirmation des principaux cancers de l’enfant et de l’adolescent.
Les signes évocateurs d’un cancer chez l’enfant sont banals, mais leur persistance et/ou leur aggravation et/ou des douleurs nocturnes doivent faire réaliser, voire répéter, des examens complémentaires.

Diagnostic positif

Les symptômes faisant évoquer un cancer imposent un examen clinique attentif de l’ensemble du corps chez un enfant entièrement déshabillé ; des examens complémentaires permettent d’orienter le diagnostic.
Rarement, le diagnostic peut être uniquement clinique. C’est le cas du rétinoblastome dont l’aspect au fond d’œil sous anesthésie générale est caractéristique. La découverte de calcifications en échographie et au scanner permet de le conforter.
Le diagnostic peut être posé sur une convergence d’arguments cliniques et radiologiques. C’est souvent le cas du néphroblastome dont le traitement par chimiothérapie préopératoire peut être initié sans confirmation histologique si l’âge au diagnostic se situe entre 6 mois et 5 ans, si le tableau clinique et radiologique (masse intra­rénale) est typique, et alors que les taux des catécholamines urinaires sont normaux.
Le diagnostic peut être posé sur une convergence d’arguments cliniques et biologiques. Dans la plupart des leucémies de l’enfant, le diagnostic est établi par l’analyse de l’hémogramme et du myélogramme. Le diagnostic peut être également posé sur la convergence d’arguments cliniques, radiologiques et de marqueurs biologiques, par exemple :
neuroblastome : élévation des taux des catécholamines urinaires (beaucoup plus fréquent chez l’enfant que le phéochromocytome), et scintigraphiques spécifiques (scintigraphie à la métaiodo­benzylguanidine [MIBG]) ;
tumeurs germinales malignes sécrétantes : a-fœto-protéine et ß-hCG (respectivement tumeur du sac vitellin, choriocarcinome ou les deux marqueurs dans les tumeurs mixtes) ;
hépatoblastome : a-fœto-protéine.
Dans tous les autres cas, le diagnostic doit être posé sur la convergence d’arguments cliniques, radiologiques et cytohistologiques, soit par analyse de la tumeur primitive, soit par celle des métastases, le plus souvent alors au niveau de la moelle osseuse et/ou des adénopathies.
Dès la suspicion de tumeur maligne, les modalités et la chronologie des explorations (conservation en congélation d’un fragment tumoral, analyse en biologie moléculaire) ainsi que l’indication des abords de ponction et/ou de biopsie tumorale doivent impérativement être entreprises en milieu spécialisé afin d’éviter des retards au diagnostic, des erreurs d’interprétation ou des mesures qui pourraient être préjudiciables à la prise en charge diagnostique et/ou thérapeutique (tumeur adressée en anatomo- pathologie dans du formol plutôt qu’à l’état frais, empêchant les analyses en biologie moléculaire).

Prise en charge des situations d’urgence

Les situations d’urgence sont rares mais peuvent survenir à tout moment de la prise en charge, dès le diagnostic, à l’initiation et tout au long du traitement, liées à la maladie, à ses conséquences (respiratoires, cardiaques, hématologiques, métaboliques, neuro­logiques, digestives) et à ses traitements.
Certaines urgences peuvent mettre en jeu le pronostic vital et doivent être prises en charge avant même la démarche diagnostique : choc allergique, insuffisance rénale sévère, défaillance respiratoire et/ou cardiaque, sepsis, hémorragies, thromboses étendues, état de mal convulsif.
D’autres peuvent mettre en jeu le pronostic fonctionnel, comme par exemple les complications neurologiques (hypertension intra­crâniennes, crise convulsive, paraplégie).

Urgences hématologiques

Ce sont :
hyperleucocytose maligne (leucocytes > 100 G/L) : signes cliniques en rapport avec une leucostase pulmonaire ou neurologique (thrombose ou hémorragies), ou des troubles métaboliques du syndrome de lyse (v. infra) ;
coagulation intravasculaire disséminée (augmentation TCA et TQ, fibrinopénie, thrombopénie) liée à une hémopathie (leucémie promyélocytaire en particulier), un syndrome de lyse tumorale en cas d’hémopathie ;
neutropénie fébrile (fièvre > 38 °C x 2 à 1 heure d’intervalle ou > 38,2 °C) + polynucléaires neutrophiles < 0,5 G/L, avec le risque de choc septique.

Urgences métaboliques

Ce sont :
syndrome de lyse tumorale (acidose métabolique, hyperuricémie, hyperkaliémie, hypocalcémie) principalement observé en cas de lymphome B, et de leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) hyperleucocytaire parfois dès le diagnostic ou à l’institution du traitement ;
insuffisance rénale aiguë, secondaire au syndrome de lyse ou à une toxicité de la chimiothérapie ;
hypercalcémie (lyse osseuse ou syndrome paranéoplasique).

Urgences respiratoires

Il s'agit surtout de la dyspnée rapidement asphyxiante en rapport avec un lymphome thoracique compressif ou avec une tumeur ORL.

Urgences digestives

Ce sont :
occlusion intestinale par compression digestive ou rarement invagination intestinale aiguë dues à un lymphome de Burkitt ;
pancréatite aiguë secondaire à l’utilisation de L-asparaginase et/ou de corticoïdes.

Urgences neurologiques

Ce sont :
hypertension intracrânienne secondaire à une tumeur cérébrale ;
compression médullaire secondaire à un neuroblastome en sablier infiltrant les trous de conjugaison ;
état de mal convulsif secondaire à une tumeur cérébrale (rarement) ou à une toxicité de la chimiothérapie (ifosfamide, métho­trexate, vincristine).

Annonce du diagnostic

Elle correspond à une étape majeure dans la prise en charge de l’enfant et de sa famille et conditionne la confiance à établir entre les soignants, l’enfant et ses parents pour obtenir une « alliance thérapeutique ».
Cette annonce doit être réalisée dans les conditions prévues dans le cadre du Plan cancer. Elle doit être progressive et répétée à chaque fois que le degré d’urgence le permet, et adaptée à l’âge de l’enfant.
Le dispositif d’annonce comporte :
un temps médical : annonce du diagnostic et du programme personnalisé de soin, en évoquant la possibilité de demander un deuxième avis ;
un temps de présentation du service et des possibilités d’aides sociales, psychologiques et de soins de support ;
un temps d’information du médecin traitant qui participera au suivi durant la phase de traitement et au-delà.

Particularités thérapeutiques

Leur prise en charge nécessite l’implication d’une équipe hautement spécialisée en hémato-oncologie pédiatrique, chirurgie infantile et, le cas échéant, en radiothérapie pédiatrique (tumeurs solides). Les décisions thérapeutiques de fond relèvent d’une expertise pluridisciplinaire et sont prises dans le cadre de réunions pluridisciplinaires pédiatriques interrégionales. Les centres de réfé­rence élaborent un programme personnalisé de soins adaptés à chaque situation, qui doit être remis à tous les parents/enfant. Le traitement correspond souvent à un protocole d’essai thérapeutique dont la lettre d’information doit être expliquée aux parents/enfant durant la consultation d’annonce et le consentement éclairé recueilli après avoir laissé la possibilité de poser toutes les questions et avoir vérifié la bonne compréhension.
Le défi thérapeutique en oncologie pédiatrique est double : guérir et sans séquelle. L’âge médian étant de 6 ans, l’espérance de vie en cas de guérison est de l’ordre de 70 ans. Il est donc primordial de choisir les traitements qui limiteront au minimum les risques de séquelles. L’enfant étant un organisme en croissance, le choix d’une stratégie thérapeutique (radiothérapie ou non, p. ex.) peut varier, pour un même cancer, en fonction de l’âge.

Rôle des facteurs pronostiques

Parallèlement à la démarche diagnostique, il est particulièrement important d’analyser des marqueurs de pronostic afin de prendre les décisions thérapeutiques adaptées à l’agressivité et à l’extension de la maladie : il est possible d’alléger le traitement lorsque le pronostic est très bon et, au contraire, de l’intensifier lorsqu’il est très péjoratif. Ces marqueurs peuvent être d’ordre :
biologique (paramètres antigéniques ou génétiques tumoraux). Par exemple, l’amplification du gène N-MYC est de très mauvais pronostic dans le neuroblastome et fait changer la stratégie thérapeutique pour les formes localisées ;
radiologique : bilan d’extension loco-régional et à distance. Par exemple, en utilisant la scintigraphie à la MIBG spécifique des localisations tumorales du neuroblastome.

Adaptation des traitements

Les traitements pour lutter contre le cancer sont les mêmes que ceux utilisés chez les patients adultes mais avec des contraintes propres au jeune âge des enfants. Schématiquement, la chirurgie peut être délabrante, la radiothérapie et la chimiothérapie peuvent être à l’origine de séquelles fonctionnelles et/ou esthétiques. À titre d’exemple, les différents traitements administrés selon l’histologie en cas de tumeur cérébrale sont résumés dans le tableau 3.

Chimiothérapie

Elle est utilisée dans plus de 80 % des cas.
Son rôle est souvent majeur, y compris avant la chirurgie (chimiothérapie néo-adjuvante), afin de diminuer le risque oncologique et la morbidité des traitements locaux.
La posologie est adaptée à l’âge et le plus souvent réduite chez le nourrisson. Les doses sont proportionnellement plus élevées que chez l’adulte, notamment dans le cadre de chimiothérapies à hautes doses suivies d’autotransfusion de cellules souches hématopoïétiques, parfois administrées à plusieurs reprises.
Pour certaines formes de leucémies aiguës (rarement dès le traitement initial, surtout lors d’une rechute), une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques permet également d’améliorer le pronostic.
Le suivi précoce et attentif des effets secondaires, en particulier hématologiques (aplasie médullaire) et digestifs (nausées, vomis­sements, déshydratation, dénutrition), est primordial. Leur prise en charge nécessite assez souvent une antibiothérapie paren­térale en cas de neutropénie fébrile, des transfusions en culots globulaires et en plaquettes et/ou une assistance nutritionnelle entérale ou parentérale.

Chirurgie

Elle doit être réalisée par des chirurgiens pédiatres exercés à la pratique de l’oncologie pédiatrique.
Elle est parfois impossible à réaliser (certaines tumeurs cérébrales de la ligne médiane, sarcomes d’Ewing envahissant une grande partie du bassin…) mais elle est le plus souvent indispensable à la guérison des tumeurs solides.
Elle est le plus souvent réalisée après une chimiothérapie de cyto­réduction qui permet de réaliser une exérèse moins délabrante.

Radiothérapie

Elle est réalisée dans environ 40 % des cas.
Plus que pour tout autre traitement, sa décision tient compte du risque oncologique et de séquelles tardives (troubles fonctionnels de l’organe irradié, trouble de la croissance, risque de second cancer), d’autant plus fréquentes que l’enfant est jeune au moment de l’irradiation.
Elle doit être effectuée en milieu hautement spécialisé en utilisant la technique la plus appropriée selon la localisation tumorale (protonthérapie pour les certaines tumeurs cérébrales, p. ex.).

Biothérapies

Les thérapies moléculaires ciblées sont encore à l’étude dans la plupart des cancers de l’enfant hormis pour les leucémies avec chromosome Philadelphie et/ou fusion bcr-abl pour lesquelles un traitement par antityrosines kinases a fait ses preuves, et quelques exceptionnels autres cancers (tumeurs stromales gastro-intestinales [GIST]).

Suivi des enfants après la fin du traitement

Récidives 
Elles sont le plus souvent observées dans les 3 ans suivant le diagnostic et sont d’autant plus graves qu’elles surviennent précocement. Le suivi (clinique, imagerie, marqueurs tumoraux…) est donc rapproché (tous les 3 à 4 mois) dans les 2 à 3 premières années, puis espacé en fonction du profil évolutif de chaque type de cancer.

Séquelles

Elles sont systématiquement recherchées sur plusieurs années pour certaines d’entre elles.
Cette recherche est fonction de la localisation de la tumeur initiale (tumeurs cérébrales, par exemple) et des traitements administrés.

Pour les chimiothérapies

Il faut retenir :
dérivés du platine (cisplatine, carboplatine) : risque de surdité, d’insuffisance rénale et/ou de tubulopathie ;
anthracyclines (doxorubicine, épirubicine, daunorubicine) : risque d’insuffisance cardiaque, parfois très tardive, risque de leucémies secondaires ;
alkylants : cyclophosphamide, busulfan : risque de stérilité ; ifosfamide : risque d’insuffisance rénale et/ou de tubulopathie ;
étoposide : risque de second cancer (leucémie) ;
bléomycine : risque de fibrose pulmonaire.

Pour la radiothérapie

Les toxicités sont dépendantes des sites irradiés :
gonades : insuffisance gonadique endocrine ou exocrine ;
encéphale : risque de troubles mnésiques et de la concentration, hypopituitarisme ;
os : troubles de la croissance avec déformation osseuse ;
orbite : risque de cataracte et de rétinite ;
pelvis : risque d’hypogonadisme, de cystite ou de rectite radique ;
médiastin : risque d’insuffisance cardiaque ou de cancer des glandes mammaires.

Seconds cancers

Les patients les plus à risque de développer un second cancer sont ceux atteints de rétinoblastome génétique ou d’un lymphome de Hodgkin. Les sarcomes osseux ou des tissus mous et les cancers de la thyroïde sont alors les tumeurs les plus fréquentes, favorisées par la radiothérapie surtout chez les sujets prédisposés (porteurs du gène Rb muté, p. ex.). Les cancers de la thyroïde sont à rechercher chez les patients ayant reçu une radiothérapie cervicale, parfois dans le cadre d’une irradiation cranio-spinale. Chez une jeune femme ayant reçu dans l’enfance une irradiation médiastinale (lymphome de Hodgkin, p. ex.), la recherche clinique d’un nodule mammaire doit être systématique. Les leucémies secondaires, surtout myéloïdes, sont favorisées par les chimiothérapies comprenant des anthracyclines et surtout du VP16.

Insertion scolaire et professionnelle

Le suivi doit permettre de conseiller les familles et les enfants/adolescents dans leur parcours scolaire puis professionnel qui, autant que faire se peut, en fonction des séquelles présentes ou attendues, doit être le plus proche de la normale. Des études récentes montrent que la réussite scolaire et l’insertion professionnelle sont identiques, voire meilleures chez les adultes traités pour un cancer dans l’enfance, si l’on excepte les tumeurs cérébrales.

Prise en charge psychologique

Certaines difficultés psychologiques rencontrées en cours de traitement persistent parfois à distance. Le suivi psychologique au long cours permet aux jeunes adultes d’exprimer leurs craintes vis-à-vis du risque de rechute, ainsi que les difficultés du vécu de certains handicaps en rapport soit avec la pathologie, soit secon­daires aux traitements administrés : gêne motrice, anomalies senso­rielles ou esthétiques, troubles de la concentration et de la mémoire, stérilité, par exemple.

Conclusion

La prise en charge diagnostique et thérapeutique des cancers de l’enfant est souvent différente de celle des cancers de l’adulte en raison d’histologies différentes et surtout de l’âge qui va conditionner le choix des traitements. Globalement, leur pronostic est bien meilleur que celui des cancers de l’adulte, puisque le taux de survie à 10 ans est de 75 %, mais la fréquence de séquelles reste un important problème.

Encadre
Points forts
Cancer de l'enfant :Particularités épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques

POINTS FORTS À RETENIR

Les cancers de l’enfant sont rares mais représentent, en France, la première cause de mortalité par maladie après l’âge de 1 an.

Leur incidence est d’environ 2 400 nouveaux cas chez les enfants et adolescents, soit moins de 1 % de l’ensemble des cancers. L’âge médian est de 6 ans.

La première cause est représentée par les leucémies.

Leur évolution est le plus souvent très rapide, et leur diagnostic est une urgence à réaliser en milieu spécialisé.

Le traitement utilise le plus souvent la chimiothérapie, la radiothérapie dans environ la moitié des cas et la chirurgie dans presque tous les cas pour les tumeurs solides.

Le taux de survie à 10 ans est de 75 % et le risque de séquelles est très important à prendre en compte dans le choix des traitements, ainsi que celui, beaucoup plus rare, de cancer secondaire.

Encadre

Traitement des cancers de l’enfant : 10 points clés

1 L’utilisation néoadjuvante de la chimiothérapie est la règle pour presque tous les cancers de l’enfant.

2 La qualité de la réponse histologique à cette chimiothérapie a une grande valeur pronostique.

3 Grande variabilité de la pharmacologie des chimiothérapies et réduction de dose nécessaire chez l’enfant âgé de moins de 1 an et/ou dont le poids est inférieur à 12 kg.

4 Abandon constant des interventions mutilantes au profit d’une chirurgie conservatrice.

5 Diminution importante des indications de radiothérapie chez le jeune enfant, surtout avant 3 ans.

6 Plus des deux tiers des malades sont inclus dans des essais thérapeutiques contrôlés avec consentement informé.

7 Fréquence de la modulation et parfois de l’amplification des séquelles avec la croissance.

8 Gravité des séquelles neuropsychiques et endocriniennes chez le jeune l’enfant irradié sur l’encéphale.

9 Pour un quart des enfants, un réseau de soins palliatifs privilégiant la vie au domicile doit être organisé.

 La coopération soignants-parents est le gage de la qualité de vie au cours et au-delà du traitement.

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