Le cancer du pancréas est habituellement diagnostiqué à des stades très avancés, ce qui explique son pronostic particulièrement sombre. Les symptômes associés sont souvent peu spécifiques, compliquant les possibilités d’un diagnostic précoce. Une vaste étude britannique qui vient d’être publiée précise la liste de ces symptômes, afin d’aider le médecin généraliste à mieux identifier les patients à risque…

 

En France, l’incidence du cancer du pancréas est en augmentation depuis les années 2000 : elle est passée de 6 000 nouveaux cas par an en 2006 à 12 000 en 2012 et 14 000 en 2018 (données InCa 2019). Souvent diagnostiqués à des stades avancées (50 % au stade métastatique, 30 % à un stade localement avancé), ces cancers ont un pronostic sombre, avec une survie nette standardisée de 11 % à 5 ans.

D’après la Société nationale française de gastro-entérologie, dans plus de 90 % des cas, le diagnostic d’un adénocarcinome pancréatique – qui représente la grande majorité des cancers du pancréas – est posé à un stade où plus aucun traitement chirurgical à visée curative n’est possible, en raison soit de métastases, soit d’un envahissement d’un gros vaisseau à proximité, car ce n’est qu’une fois que la tumeur est volumineuse qu’une symptomatologie importante se manifeste – principalement un ictère, la tumeur ayant obstrué la voie biliaire.

Toutefois, à part l’ictère, les symptômes associés au cancer du pancréas qui sont rapportés par la littérature actuelle sont vagues et peu spécifiques. Or, en l’absence de programmes de dépistage, les manifestations symptomatiques sont une voie fondamentale pour un diagnostic précoce, en particulier en médecine générale, où les praticiens sont donc confrontés au défi de distinguer une potentielle malignité d’autres maladies bénignes en présence de tableaux non spécifiques.

Une étude britannique récente, publiée dans le British Journal of General Practice et portant sur une vaste cohorte, apporte des éclaircissements, en dressant une liste actualisée des symptômes qui peuvent aider le généraliste à orienter plus rapidement le diagnostic. Il s’agit à ce jour de la plus grande étude de ce type, qui quantifie l’association potentielle de 42 symptômes au diagnostic ultérieur d’un adénocarcinome canalaire pancréatique ou d’une tumeur neuroendocrine pancréatique (cette dernière représentant 2 à 3 % des tumeurs du pancréas), dans différentes fenêtres temporelles avant la date du diagnostic et par rapport à un groupe contrôle.

La cohorte a inclus plus de 15 millions de personnes âgées de 25 ans et plus, étudiées sur la période 2000-2019, au cours de laquelle 23 640 adénocarcinomes canalaires du pancréas et 596 tumeurs neuroendocrines pancréatiques ont été rapportés. Après ajustement pour les comorbidités et caractéristiques sociodémographiques, les auteurs ont identifié 23 symptômes fortement associés à un diagnostic ultérieur de l’une ou l’autre de ces tumeurs (dont 9 communs aux deux).

Les symptômes « alarme », associés à un risque de diagnostic dans les 3 mois, étaient notamment : les saignements gastro-intestinaux et l’ictère (dans les deux types de cancer), et la dysphagie (dans l’adénocarcinome).

Les signes plus précoces, associés à un diagnostic dans l’année, sont en particulier : diarrhée, changements d’habitudes intestinales, vomissements, indigestion, présence d’une masse et/ou d’une douleur abdominale, perte de poids inexpliquée (pour les deux types de cancer). Pour l’adénocarcinome spécifiquement, les symptômes significativement associés à un diagnostic dans l’année étaient : constipation, présence de selles grasses, distension abdominale (chez les femmes), flatulences, reflux gastro-œsophagien, fièvre, fatigue, perte d’appétit, démangeaisons, douleurs dorsales, soif et urines de couleur foncée. Nouveauté, ces deux derniers symptômes n’apparaissaient pas jusqu’alors dans la littérature concernant les cancers pancréatiques. D’après les auteurs, la soif pourrait s’expliquer par le diabète de type 2, lui-même associé au cancer du pancréas, et l’urine foncée par un dysfonctionnement progressif du foie ou une obstruction du canal biliaire.

À noter que le faible nombre de symptômes associés aux tumeurs neuroendocrines pancréatiques par rapport aux adénocarcinomes s’explique sans doute par une faible puissance statistique du groupe concerné.

Les auteurs suggèrent ainsi d’actualiser notamment les scores QCancer pour inclure en particulier ces deux signes nouvellement identifiés que sont la soif et les urines foncées, tout en soulignant les deux principaux symptômes « alarme » – ictère et saignements gastro-intestinaux.

LMA, La Revue du Praticien

Pour en savoir plus :

Liao W, Clift AK, Patone M, et al. Identifying symptoms associated with diagnosis of pancreatic exocrine and neuroendocrine neoplasms: a nested case-control study of the UK primary care population.British Journal of General Practice 2021.

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