Un essai qui vient de paraître dans le NEJM montre qu’une thérapie ciblée anti-HER2 serait efficace non seulement chez le sous-groupe de malades qui surexpriment ce récepteur, mais aussi sur des tumeurs l’exprimant à faible niveau, c’est-à-dire la moitié des cancers du sein. Explications sur ce nouvel espoir thérapeutique.

Chez les femmes atteintes d’un cancer du sein, la recherche d’une surexpression du gène HER2 est aujourd’hui systématique. Cette surexpression, qui se traduit par un taux trop élevé du récepteur Human Epidermal Growth Factor Receptor 2 (HER2), est un facteur de mauvais pronostic (augmentation du taux de prolifération des cellules, pouvoir métastatique accru…).

Ainsi, les cancers du sein étaient classiquement divisés de façon dichotomique en HER2-positifs (pouvant donc être traités par les thérapies anti-HER2) et HER2-négatifs.

Toutefois, un nouveau concept a récemment surgi : les types de cancer du sein exprimant faiblement HER2 (cancers dits HER2-faibles), auparavant entrant dans la catégorie de HER2-négatifs ; ils sont alors définis par un score 1+ en immunohistochimie (IHC) ou 2+ mais négatifs pour l’in situ hybridization (ISH), c’est-à-dire non amplifiés.

Les tumeurs HER2-faibles sont fréquentes : elles représenteraient plus de la moitié des cancers du sein. Or les thérapies actuellement disponibles se révèlent inefficaces chez les patientes atteintes de ce type de tumeurs. Néanmoins, de nouveaux médicaments cytotoxiques conjugués à des anticorps anti-HER2 ont récemment montré une efficacité prometteuse : en particulier, une étude sur le trastuzumab déruxtécan, qui vient de paraître dans le NEJM, montre un gain significatif dans le temps de survie, par rapport à une chimiothérapie classique.

Cet essai de phase III concernait des patientes ayant un cancer du sein HER2-faible métastatique, et ayant déjà reçu une ou deux lignes de traitement. Les patientes ayant ce type de tumeurs (60 % des cancers du sein métastatiques HER2-négatifs expriment de faibles niveaux de HER2) sont actuellement traitées comme HER2-négatives, la thérapie étant alors orientée par le statut des récepteurs hormonaux. Ces patientes disposent de peu d’options de traitement ciblé après une progression au cours du traitement primaire, et reçoivent le plus souvent une chimiothérapie palliative à agent unique dont l’activité est modeste, d’où la nécessité de trouver d’autres options thérapeutiques.

Dans le groupe étudié, les 557 participantes ont été randomisées 2:1 pour recevoir le trastuzumab déruxtécan (voie IV, toutes les 3 semaines, dose de 5,4 mg/kg ; cette conjugaison est actuellement utilisée pour traiter les tumeurs HER2-positives) ou bien, selon le choix du médecin, la capécitabine (20 % des patientes), l’éribuline (51 %), la gemcitabine (10 %), le paclitaxel (8 %) ou le nab-paclitaxel (10 %). La durée médiane du traitement était de 8,2 mois dans le groupe trastuzumab déruxtécan et 3,5 mois dans le groupe contrôle.

À noter que la randomisation a été effectuée en fonction du statut HER2-faible (IHC 1+ versus IHC 2+ et ISH négatif), du nombre de lignes de chimiothérapie précédentes pour la maladie métastatique (une versus deux) et du statut des récepteurs hormonaux (positifs [avec versus sans traitement antérieur par inhibiteur CDK4/6] versus négatifs). Le critère principal d’évaluation était la survie sans progression de la maladie chez les patientes ayant une tumeur positive pour les récepteurs hormonaux (elles représentaient 89 % de la cohorte).

Résultats : dans ce dernier groupe, le délai médian de survie sans progression de la maladie était de 10,1 mois pour les patientes traitées par trastuzumab déruxtécan, contre 5,4 mois dans le bras contrôle ; la survie globale était respectivement de 23,9 mois et 17,5 mois. Parmi la totalité des participantes (tumeurs positives et négatives pour les récepteurs hormonaux), ces délais étaient de 9,9 mois dans le groupe trastuzumab déruxtécan versus 5,1 mois dans le groupe contrôle (survie sans progression) et respectivement 23,4 mois et 16,8 mois (survie globale).

Concernant les effets indésirables, leur incidence était similaire dans les deux groupes de l’essai, et le profil de sécurité du trastuzumab déruxtécan observé était similaire à celui déjà établi chez les patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique HER2-positif. L’événement indésirable le plus fréquent de grade 3 ou plus était la neutropénie dans les deux groupes de l’essai, mais les incidences de neutropénie fébrile étaient faibles. La plupart des cas de pneumopathie interstitielle ou de pneumonite – un risque important, couramment associé au traitement par trastuzumab déruxtécan – observés dans cet essai étaient légers ou modérés, et l’incidence globale correspondait généralement à celle des études précédentes.

Pour conclure, dans cet essai, le trastuzumab déruxtécan a montré une activité supérieure aux options de chimiothérapie standard chez les patientes atteintes d’un cancer du sein avancé HER2-faible, soulignant, d’une part, la pertinence clinique de la classification HER2-faible et, d’autre part, la nécessité de redéfinir les sous-groupes au sein des cancers du sein HER2-négatifs.

Pour en savoir plus
Modi S, Jacot W, Yamashita T, et al. Trastuzumab Deruxtecan in Previously Treated HER2-Low Advanced Breast Cancer.NEJM 5 juin 2022.