Les carcinomes des voies aérodigestives supérieures (VADS) sont en très grande majorité des carcinomes épidermoïdes (CE) : tumeurs malignes épithéliales présentant une différenciation malpighienne plus ou moins marquée, avec plus ou moins de kératinisation.
Les facteurs de risque classiques sont la consommation d’alcool et l’intoxication tabagique. Le rôle de l’infection par papillomavirus humain (HPV) dans la genèse de certains carcinomes épidermoïdes des voies aérodigestives supérieures (CEVADS) est maintenant reconnu, et les carcinomes épidermoïdes de l’oropharynx associés à une infection par l’HPV (COP HPV-associés) sont considérés comme une entité à part entière dans la classification de l’OMS des tumeurs de la tête et du cou de 2022.On dénombre plus de 200 génotypes de HPV, classés en « bas risque » et « haut risque » en fonction de leur pouvoir oncogène. Les « sous-types » ou génotypes d’HPV dits à bas risque sont le plus souvent associés à des lésions bénignes (HPV de type 6 et 11), tandis que les génotypes de HPV dits à risque intermédiaire ou à haut risque sont à l’origine de lésions précancéreuses ou malignes. À travers le monde, on estime le nombre de personnes infectées par un des sous-types (cutané ou muqueux) de HPV à 660 millions, et l’infection à HPV à tropisme génital est l’infection sexuellement transmise la plus répandue.L’implication de certains HPV oncogènes dans la genèse des carcinomes épidermoïdes des VADS a été mise en évidence avec, chez des patients ayant un CE des VADS, une positivité de HPV de 25 % toutes localisations confondues, et de 57 % pour les CE oropharyngés. Le mécanisme de l’oncogenèse de HPV est identifié.On estime le nombre de cancers associés à HPV diagnostiqué chaque année dans le monde à 640 000, ce qui représente 4,5 % de l’ensemble des diagnostics de cancers ; 570 000 le sont chez des femmes et 60 000 chez des hommes, soit respectivement 8,6 % et 0,8 %.Les cancers associés à HPV représentent au total 29,5 % des cancers liés à une infection (virale ou bactérienne). Parmi les cancers associés à HPV, les localisations gynécologiques sont de loin les plus fréquentes, et les carcinomes du col utérin sont liés à une infection chronique par un HPV à haut risque oncogène (HPV-HR) dans 100 % des cas.L’infection par le HPV est présente dans 20 à 60 % des COP, selon la situation géographique des patients (30 à 35 % des cas en France). Les COP associés à HPV ont tendance à être plus souvent diagnostiqués chez les non-fumeurs, et le nombre de partenaires de sexe oral est l’un des principaux facteurs de risque.Les COP associés à HPV ont un meilleur pronostic, quelles que soient les modalités de traitement, avec des taux de survie globale à trois et cinq ans de 86 % et 80 %, respectivement. Les COP indépendants d’HPV sont souvent localisés dans la région tonsillaire et ont comme principaux facteurs de risque le tabagisme et l’abus chronique d’alcool. Les patients présentant un COP associé à HPV sont globalement plus jeunes, avec moins de comorbidités que les patients ayant des cancers indépendants d’HPV, et ont un meilleur pronostic en lien avec une chimio- et une radiosensibilité accrues. Certains pays ont décidé de proposer la vaccination prophylactique anti-HPV à tous les adolescents dans le but de prévenir a priori l’apparition de tous les cancers viro-induits. Les vaccins thérapeutiques visent à induire une réponse lymphocytaire T, en particulier cytotoxique. Dans le cas du traitement des cancers viro-induits, la réponse immunitaire désirée est dirigée contre les antigènes d’HPV. Le développement des vaccins thérapeutiques est un des axes prioritaires de la recherche pour contrôler l’infection à HPV.
Cécile Badoual, service d’anatomopathologie, Hôpital européen Georges-Pompidou, AP-HP, université Paris-Cité 2 (PARCC), Inserm U970, équipe 10, université Paris-Cité, Paris, France
6 décembre 2022