Deux études solides publiées dans Cell suggèrent le rôle de certaines espèces de champignons microscopiques dans le développement des tumeurs malignes, comme Candida dans les cancers gastro-intestinaux. La découverte de ce « mycobiote » tumoral ouvre de nouvelles perspectives diagnostiques et thérapeutiques en cancérologie. Explications.

L’association des cancers humains avec le microbiote bactérien a fait l’objet de nombreuses publications ces dernières années. Il est connu, par exemple, que l’un des principaux facteurs de risque du cancer de l’estomac est l’infection chronique par Helicobacter pylori . Cependant, le rôle des champignons du microbiote (appelés « mycobiote ») demeurait mal décrit.

Deux publications parues fin septembre dans Cell, une américaine et l’autre israélienne, dévoilent l’ampleur du mariage entre cancers humains et champignons. 

Dans l’étude israélienne, plus de 17 000 échantillons de tissus tumoraux issus de 35 types de cancers ont été analysés dans quatre cohortes indépendantes de patients cancéreux. Dans la cohorte TCGA (The Cancer Genome Atlas), parmi 15 512 échantillons, 97 % contenaient de l’ADN fongique. Même si les bactéries prédominaient en nombre (96 % de bactéries versus 4 % de champignons, en abondance relative, dans le microenvironnement tumoral), les champignons présents constituaient une signature du type de cancer. Ainsi, dans la cohorte WIS (1 183 échantillons tumoraux), le ratio de champignons ascomycètes/basidiomycètes était particulièrement élevé (8,8) dans le cancer du côlon, et faible dans le mélanome (0,86). Les chercheurs ont aussi déterminé l’existence de trois « mycotypes », c’est-à-dire d’un ensemble de souches de champignons caractéristiques de certains cancers. Ces mycotypes étaient aussi associés au type de réponse immunitaire tumorale. Enfin, certaines espèces de champignons étaient enrichies significativement dans le mycobiote de patients ayant un mélanome métastatique non-répondant au traitement.

L’étude américaine va dans le même sens, montrant que les Blastomyces apparaissent plus abondants dans les cancers du poumon et du sein.

Les auteurs décrivent une sur-représentation des champignons du genre Candida dans les cancers gastro-intestinaux ; de plus, les tumeurs du côlon riches en Candida avaient plus tendance à métastaser. La probabilité de survie était diminuée chez les patients ayant une forte abondance de Candida dans leur mycobiote tumoral gastro-intestinal. Leurs analyses semblent suggérer que, dans la tumeur, l’inflammation favorise la colonisation par Candida , qui, quant à elle, maintient un environnement pro-inflammatoire, instaurant un cycle vicieux.

Malgré l’absence de causalité prouvée entre mycobiote et cancer, ces corrélations pourraient faciliter le diagnostic de différentes tumeurs à un stade précoce, fournir des « biomarqueurs » prédictifs ou pronostiques voire déboucher sur de nouvelles stratégies thérapeutiques visant à moduler le microbiome. Un pas en avant vers une médecine de plus en plus personnalisée en oncologie !

Pour en savoir plus
Narunsky-Haziza L, Sepich-Poore GD, Livyatan I, et al. Pan-cancer analyses reveal cancer-type-specific fungal ecologies and bacteriome interactions.  Cell 2022;185(20):P3789-806.
Dohlman AB, Klug J, Mesko M, et al. A pan-cancer mycobiome analysis reveals fungal involvement in gastrointestinal and lung tumors.  Cell 2022;185(20):P3807-22.
Gozlan M. Mycobiote : quand des champignons nous mettent sur la piste des tumeurs cancéreuses.  Le Monde 2 janvier 2023.

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