Les mycoses vulvovaginales touchent environ 75 % des femmes au cours de leur vie, dont 10 à 20 % font des récidives fréquentes (plus de 4 par an). Pour les épisodes aigus, le traitement de première intention est local, mais des données et recommandations récentes suggèrent que la voie orale est à privilégier…

Diagnostic et recommandations actuelles

Dues à des levures du genre Candida (C. albicans dans la grande majorité des cas, mais aussi C. glabrata), les mycoses vulvovaginales sont la cause la plus fréquente de prurit vulvaire, et se caractérisent aussi, dans leur forme aiguë, par des leucorrhées blanchâtres épaisses (versus grisâtres, fluides et malodorantes dans les vaginoses bactériennes) et un érythème vulvaire émietté pouvant s’étendre à la région périnéale, anale et péri-anale. Ces signes suffisent au diagnostic si l’épisode est isolé.

Dans les formes chroniques ou récidivantes (après les règles, les rapports sexuels, etc. ; plus de 4 épisodes sur 12 mois), les patientes se plaignent plutôt de brûlures que de prurit, et l’examen retrouve une vulvite rouge et sèche, avec des fissures dans les plis et une extension vers la région postérieure. Toutes les candidoses peuvent provoquer des dyspareunies. En cas de candidoses récidivantes, le prélèvement vaginal et vulvaire est indispensable ; à l’examen direct, les pseudofilaments confirment le rôle pathogène de Candida, et la culture identifie l’espèce responsable (C. albicans dans 90 % des cas, suivi de C. glabrata).

Actuellement, le traitement recommandé en première intention dans les épisodes aigus sont les antifongiques locaux : association d’un ovule vaginal (le soir au coucher, administration unique ; éconazole LP 150 mg, ou fenticonazole 600 mg, ou sertaconazole 300 mg) à une crème antifongique (1 application 2 fois/j pendant 8-10 jours ; éconazole 1 %, ou fenticonazole 2 %, ou sertaconazole 2 %).

Les formes très intenses, récidivantes ou chroniques répondent très bien au traitement général par fluconazole : 1 comprimé de 150 mg suffit pour une poussée. Les prises répétées sont les plus efficaces pour les candidoses récidivantes : 1 comprimé par semaine pendant au maximum 6 mois, ou en diminuant progressivement les prises (1 fois par semaine pendant 2 mois, puis 1 fois toutes les 2 semaines pendant 2 mois, puis 1 fois par mois pendant 2 mois). La surveillance est clinique et aucun bilan hépatique systématique n’est recommandé. Attention : C. glabrata est résistant au fluconazole et aux azolés. Ainsi, il doit être traité par sertaconazole nitrate ou fenticonazole nitrate (ovules + crèmes) selon les mêmes modalités qu’une candidose classique, mais des traitements répétés sont souvent nécessaires.

Le traitement local en première ligne est néanmoins contesté par certaines données, et aussi par les recommandations britanniques qui ont récemment été mises à jour (présentées au congrès de l’ECCMID 2022). Qu’en retenir ?

Pourquoi le traitement local peut-il poser un problème ?

Accessibles sans ordonnance, les antifongiques topiques sont largement employés. Or leur utilisation répétée peut aggraver le tableau clinique, d’autant plus que l’association ovules + crèmes est rarement respectée, favorisant potentiellement les récidives.

Une revue récente de la Cochrane a évalué 26 études sur plus de 5 000 femmes atteintes de mycose et traitées par antifongiques azolés, soit par voie orale (fluconazole et itraconazole), soit par voie intravaginale (butoconazole, clotrimazole, éconazole, miconazole, sertaconazole et terconazole).

Si les auteurs n’ont pas noté de différence en termes de guérison clinique – absence de symptômes à court ou à long terme –, ils ont conclu que le traitement oral améliore probablement la guérison mycologique (élimination des levures à court et long terme) par rapport à l’administration par voie intravaginale.

De plus, le nombre d’effets indésirables signalés était similaire (le risque d’arrêt du traitement n’est donc pas augmenté avec la prise orale), et certaines des études suggéraient que les patientes avaient une préférence pour le traitement oral.

Quelles sont les recos britanniques ?

La British Association of Sexual Health and HIV (BASHH) préconise le traitement oral à dose unique de fluconazole (150 mg) en première intention pour la candidose vulvovaginale aiguë (après confirmation du diagnostic par examen microscopique).

Les azolés par voie orale étant contre-indiqués chez les femmes enceintes en raison du risque accru de fausse-couche, ils peuvent être remplacés par du clotrimazole 500 mg (dose unique) par voie intravaginale ; d’autres traitements topiques sous forme de crème ou d’ovule sont également possibles (éconazole, miconazole).

En cas de candidose récidivante (et après test pour identifier si la souche est sensible au fluconazole), la BASHH recommande de reconduire le traitement par fluconazole per os : dose d’attaque (150 mg, 3 doses espacées de 72 heures), suivie d’un traitement d’entretien (150 mg 1 fois/semaine pendant 6 mois).

Si la souche est résistante au fluconazole et aux autres médicaments azolés, un traitement local par nystatine est recommandé (ovule intravaginal à 100 000 UI pendant 14 nuits dans les formes aiguës et 14 nuits/mois pendant 6 mois pour les récidivantes) ou par acide borique en cas de non-sensibilité à la nystatine (ovule intravaginal à 600 mg, mêmes posologies).

Quels conseils d’hygiène pour les patientes ?

Pour éviter les récidives, la toilette intime simple à l’eau claire est recommandée, associée éventuellement à un émollient ou des produits spécifiques respectant l’hydratation naturelle de la vulve : éviter les savons trop acides (perturbation du pH et de la flore vaginale) et les irritants locaux comme les savons ou lingettes parfumés, mais aussi les sous-vêtements en fibre synthétique (préférer le coton).

Éviter toilettes internes (irrigations vaginales) et les antiseptiques locaux en usage régulier. Les douches vaginales sont en effet des facteurs favorisants, ainsi que la prise d’antibiotiques, les corticoïdes locaux ou généraux, le diabète, le stress et parfois les rapports sexuels (mais la candidose vulvovaginale n’est pas une IST, et il n’existe pas d’effet ping-pong avec le partenaire ; son traitement est donc inutile, sauf si lésions de balanite, pour diminuer la fréquence des récidives de la femme).

Le bénéfice des probiotiques vaginaux n’est pas clairement démontré.

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