Le CBD inhibe la réplication du SARS-CoV-2 in vitro
Dans cette étude publiée dans Science Advances, les chercheurs ont traité des cellules pulmonaires exprimant le récepteur ACE2 – auquel se lie la protéine Spike du SARS-CoV-2 pour pénétrer les cellules – avec du CBD (jusqu’à 10 µmol) pendant 2 heures, avant de les infecter avec le coronavirus.
La surveillance, 48 heures après, de l’expression de la protéine Spike et de la charge virale dans ces cellules a permis d’observer l’effet inhibiteur du CBD (et de son métabolite le 7-hydroxy-cannabidiol [7-OH-CBD]) sur la réplication virale à partir d’environ 1 µmol, sans toxicité associée. Ce résultat a été observé aussi bien sur les cellules infectées par la souche « historique » du SARS-CoV-2 que sur celles infectées par les variants alpha, bêta et gamma.
Le CBD utilisé avait une pureté de 97 % ; les autres cannabinoïdes n’étaient pas présents à des taux supérieurs à 1 %. Par ailleurs, aucune activité antivirale n’a été observée pour d’autres cannabinoïdes, tels que : delta-9-tétrahydrocannabinol (THC), acide cannabidiolique (CBDA), cannabidivarine (CBDV), cannabichromène (CBC), cannabigérol (CBG). En revanche, la combinaison du CBD avec le THC à parts égales a montré une suppression de l’efficacité antivirale du CBD (inhibition compétitive par le THC).
Deux mécanismes pourraient expliquer cet effet antiviral. Si les chercheurs ont observé que le CBD supprimait efficacement l’expression de l’ARN viral dans les cellules hôtes (inhibant ainsi la synthèse des protéines Spike, de nucléocapside, de membrane et d’enveloppe), sa cible semblait être plutôt les mécanismes cellulaires en lien avec la réplication du virus que le virus lui-même – ce qui expliquerait pourquoi il n’a pas montré d’efficacité contre la pénétration du virus dans les cellules hôtes, alors qu’il était capable d’y freiner l’expression de la protéine Spike jusqu’à 6 heures après qu’elles eurent été infectées. Concrètement, le rôle amplificateur du CBD dans la production de la protéine IRE1-alpha faciliterait, d’une part, la dégradation de l’ARN viral dans la cellule et contribuerait, d’autre part, à activer les voies des interférons luttant contre l’infection.
Efficace pour diminuer la charge virale chez la souris
Les chercheurs ont ensuite administré à des souris femelles des injections de CBD (20 ou 80 mg/kg, 2 fois par jour pendant 7 jours), avant de les infecter avec le SARS-CoV-2 par voie nasale. Ils ont continué l’administration de CBD encore 4 jours après l’infection (2 fois par jour).
Ils ont constaté que ce traitement inhibait la réplication virale dans les poumons et les voies nasales, 5 jours après l’infection, avec un effet dépendant de la dose : la plus forte réduisait la charge virale par un facteur 40 dans les poumons et 4,8 dans les voies nasales, contre 4,8 et 3,7 respectivement avec la plus petite dose. Durant cette période, les souris sont restées asymptomatiques.
Et chez les humains ?
Si ces résultats précliniques suggèrent l’efficacité du CBD comme un potentiel traitement durant la première phase de l’infection, des données cliniques doivent encore confirmer ces effets.
Un premier examen de données observationnelles fait par ces mêmes chercheurs suggère toutefois un bénéfice : ils ont étudié les registres de plus de 1 000 patients appartenant à la National Covid Cohort Collaborative aux États-Unis (où le CBD peut être prescrit notamment en tant qu’anticonvulsivant). Les 1 212 patients qui avaient une histoire de prise de CBD (solution per os à 100 mg/mL) pour leur épilepsie affichaient un taux d’infection par le SARS-CoV-2 plus faible que les patients contrôles ne prenant pas de CBD (comparables du point de vue démographique et par les autres médicaments pris) : 6,2 % contre 8,9 % (odds ratio : 0,65). Cette association négative était davantage significative dans un sous-groupe de 531 patients dont la prise du médicament au CBD était concomitante du test Covid : 4,9 % contre 9,0 % chez les 531 sujets contrôles (OR = 0,48).
Ces résultats devraient motiver la réalisation d’études prospectives contrôlées par placebo pour confirmer les potentiels effets du CBD car, arguent les auteurs, celui-ci pourrait avoir plusieurs avantages en tant que traitement antiviral dans les phases précoces de l’infection, voire en prophylaxie : il garde probablement son efficacité face aux différents variants du SARS-CoV-2, vu son mécanisme d’action ; son administration, simple, pourrait se faire en ville ; ses effets indésirables sont mineurs.
Ils mettent en garde, en revanche, contre l’idée de prendre du CBD dans les formulations actuellement disponibles (en particulier hors circuit pharmaceutique : produits comestibles, par inhalation, etc., dont la composition n’est pas bien contrôlée), en l’absence d’études randomisées à ce jour pouvant préciser ses effets, la concentration nécessaire in vivo, la voie d’administration et la formulation optimales.
Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien
Pour en savoir plus :
Nguyen LC, Yang D, Nicolaescu V, et al. Cannabidiol inhibits SARS-CoV-2 replication through induction of the host ER stress and innate immune responses. Sci Adv 20 janvier 2022.