En hématologie, l’arrivée des CAR-T cells est un bouleversement aux multiples facettes, médicales, pharmaceutiques, éthiques et financières. À ce jour, deux ont une AMM, Kymriah dans les lymphomes B diffus à grandes cellules et les leucémies aiguës lymphoïdes, et Yescarta dans les lymphomes B diffus à grandes cellules et les lymphomes du médiastin.
CAR-T cells signifie lymphocytes T (LT) avec récepteur aux antigènes chimériques. Le principe, ancien,1 consiste à donner aux LT une meilleure affinité pour un antigène tumoral afin qu’ils détruisent la cellule-cible reconnue par le récepteur chimérique. On utilise un lentivirus qui insère dans l’ADN des LT la séquence permettant à la cellule d’exprimer ce nouveau récepteur. Puis on les amplifie in vitro avant de les injecter au malade. Actuellement, seules des CAR-T cells autologues sont disponibles, après recueil préalable des lymphocytes par cytaphérèse.
Processus complexe et long. Lorsqu’une indication est retenue, le médecin prescrit sur un site en ligne dédié en proposant de recueillir des LT du patient, le laboratoire pharmaceutique (aux États-Unis) en fixe la date.
Les cellules sont récupérées dans le laboratoire de thérapie cellulaire affilié au service d’hématologie, puis envoyées au laboratoire pharmaceutique qui modifie et amplifie les LT du patient. Au bout de 3 à 4 semaines, les CAR-T cells, devenues un médicament, sont livrées à la pharmacie de l’hôpital.
Après une chimiothérapie de préparation de plusieurs jours, elles sont injectées au malade.
Deux types de complications précoces, le syndrome de relargage des cytokines et des troubles neurologiques. Ces effets secondaires ne sont pas systématiques mais fréquents, allant de la fièvre aux défaillances multiviscérales et au décès. D’où une hospitalisation systématique d’une dizaine de jours après l’injection. Par la suite, il peut persister un risque infectieux en raison de cytopénies (neutropénie surtout) et/ou d’hypogammaglobulinémie persistantes.
Leur efficacité est remarquable. Dans les leucémies aiguës lymphoïdes B multitraitées, le taux de rémission complète dépasse 80 %, avec environ 30 % de guérison.2 Dans les lymphomes B diffus à grandes cellules (les plus fréquents), après au moins 2 lignes de traitement, le taux de guérison avoisine 40 %,3 résultat inédit.
Technologie révolutionnaire. Il s’agit tout d’abord d’une thérapie vivante, certes comme les greffes de cellules souches, mais ici le produit, commercial, provient du patient lui-même, entorse au sacro-saint interdit de marchandisation du corps humain…
Second choc, l’État demande aux laboratoires de sélectionner et valider eux-mêmes les centres pouvant utiliser leur produit – 15 à 20 à terme – une première (et espérons-le une dernière) !
C’est un « médicament » qui s’auto- amplifie dans les premiers jours, survit plusieurs mois dans les lymphomes et la vie durant dans les leucémies aiguës.
Enfin, leur prix est faramineux, 297 666 € HT pour Kymriah, 327 000 € pour Yescarta. Médecins du monde a attaqué l’un des 3 brevets de Kymriah, craignant un monopole, et obtenu son retrait. D’autres scientifiques se sont élevés contre la mainmise de l’industrie sur une technologie développée grâce à des fonds publics.4
Scandale ou cadeau des dieux ? Probablement un peu des deux. Le prix élevé pose question. La dépense publique va-t-elle exploser ou l’État calcule-t-il un montant annuel sécurisé ? Et que se passera-t-il à l’arrivée prochaine des CAR-T cells dans le myélome, où les candidats sont bien plus nombreux et probablement plus âgés que ceux traités actuellement ? Il faut certes comparer ce prix élevé aux alternatives, bien rares, requérant de multiples injections/hospitalisations pour obtenir un résultat au mieux similaire.
Quant au prétendu scandale de l’utilisation de recherches publiques pour des produits marchands et protégés, nous y opposons deux arguments : d’une part, les résultats scientifiques appartiennent au domaine public, ils sont disponibles pour tous, secteur privé compris. D’autre part, il n’est pas concevable d’attendre encore 20 ans pour avoir peut-être des CAR-T cells issues de la recherche académique…
Certes, elles sont très coûteuses, mais arrêtons les critiques faciles. Les labos ont fait le job, et, au vu de la concurrence majeure, gageons que les prix vont baisser, d’autant que les anticorps à multiples spécificités commencent déjà à les challenger.
Processus complexe et long. Lorsqu’une indication est retenue, le médecin prescrit sur un site en ligne dédié en proposant de recueillir des LT du patient, le laboratoire pharmaceutique (aux États-Unis) en fixe la date.
Les cellules sont récupérées dans le laboratoire de thérapie cellulaire affilié au service d’hématologie, puis envoyées au laboratoire pharmaceutique qui modifie et amplifie les LT du patient. Au bout de 3 à 4 semaines, les CAR-T cells, devenues un médicament, sont livrées à la pharmacie de l’hôpital.
Après une chimiothérapie de préparation de plusieurs jours, elles sont injectées au malade.
Deux types de complications précoces, le syndrome de relargage des cytokines et des troubles neurologiques. Ces effets secondaires ne sont pas systématiques mais fréquents, allant de la fièvre aux défaillances multiviscérales et au décès. D’où une hospitalisation systématique d’une dizaine de jours après l’injection. Par la suite, il peut persister un risque infectieux en raison de cytopénies (neutropénie surtout) et/ou d’hypogammaglobulinémie persistantes.
Leur efficacité est remarquable. Dans les leucémies aiguës lymphoïdes B multitraitées, le taux de rémission complète dépasse 80 %, avec environ 30 % de guérison.2 Dans les lymphomes B diffus à grandes cellules (les plus fréquents), après au moins 2 lignes de traitement, le taux de guérison avoisine 40 %,3 résultat inédit.
Technologie révolutionnaire. Il s’agit tout d’abord d’une thérapie vivante, certes comme les greffes de cellules souches, mais ici le produit, commercial, provient du patient lui-même, entorse au sacro-saint interdit de marchandisation du corps humain…
Second choc, l’État demande aux laboratoires de sélectionner et valider eux-mêmes les centres pouvant utiliser leur produit – 15 à 20 à terme – une première (et espérons-le une dernière) !
C’est un « médicament » qui s’auto- amplifie dans les premiers jours, survit plusieurs mois dans les lymphomes et la vie durant dans les leucémies aiguës.
Enfin, leur prix est faramineux, 297 666 € HT pour Kymriah, 327 000 € pour Yescarta. Médecins du monde a attaqué l’un des 3 brevets de Kymriah, craignant un monopole, et obtenu son retrait. D’autres scientifiques se sont élevés contre la mainmise de l’industrie sur une technologie développée grâce à des fonds publics.4
Scandale ou cadeau des dieux ? Probablement un peu des deux. Le prix élevé pose question. La dépense publique va-t-elle exploser ou l’État calcule-t-il un montant annuel sécurisé ? Et que se passera-t-il à l’arrivée prochaine des CAR-T cells dans le myélome, où les candidats sont bien plus nombreux et probablement plus âgés que ceux traités actuellement ? Il faut certes comparer ce prix élevé aux alternatives, bien rares, requérant de multiples injections/hospitalisations pour obtenir un résultat au mieux similaire.
Quant au prétendu scandale de l’utilisation de recherches publiques pour des produits marchands et protégés, nous y opposons deux arguments : d’une part, les résultats scientifiques appartiennent au domaine public, ils sont disponibles pour tous, secteur privé compris. D’autre part, il n’est pas concevable d’attendre encore 20 ans pour avoir peut-être des CAR-T cells issues de la recherche académique…
Certes, elles sont très coûteuses, mais arrêtons les critiques faciles. Les labos ont fait le job, et, au vu de la concurrence majeure, gageons que les prix vont baisser, d’autant que les anticorps à multiples spécificités commencent déjà à les challenger.
Références
1. Gross G, et al. Proc Natl Acad Sci USA 1989;86:10024-8.
2. Park JH, et al. N Engl J Med 2018;378:449-59.
3. Schuster SJ, et al. N Engl J Med 2019;380:45-56.
4. Prasad V. Nat Rev Clin Oncol 2018;15:11-2.
2. Park JH, et al. N Engl J Med 2018;378:449-59.
3. Schuster SJ, et al. N Engl J Med 2019;380:45-56.
4. Prasad V. Nat Rev Clin Oncol 2018;15:11-2.