Le cannabis thérapeutique, contenant du CBD, peut être utilisé pour traiter certaines formes d’épilepsie. Toutefois, très peu d’études ont évalué l’incidence d’effets indésirables dans cette population. Une revue systématique d’essais randomisés, publiée dans le JAMA, apporte enfin des réponses.

L’épilepsie sévère et pharmaco-résistante est l’une des indications d’utilisation du cannabis thérapeutique, approuvée aussi bien par la Food and Drug Administration aux États-Unis que par l’Agence européenne du médicament. En France, elle fait partie des cinq indications retenues pour l’expérimentation du cannabis médical, qui est encore en cours.

Le cannabidiol (CBD), cannabinoïde non psychotrope, est utilisé dans ce cadre ; selon les formes des médicaments, il peut être mélangé avec le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC), à des ratios variables. Des études ont évalué la sûreté du CBD dans l’ensemble des pathologies où il est indiqué, mais à ce jour peu se sont intéressées spécifiquement à ses effets indésirables (EI) chez les patients épileptiques. Un papier qui vient d’être publié dans le JAMA Neurology est venu combler ce manque.

Cette revue systématique avec méta-analyse a inclus 9 essais contrôlés randomisés, publiés entre 2017 et 2022, incluant des patients épileptiques dont l’âge allait de 1 an à 57 ans. Tous les participants (groupes CBD et groupes contrôle) avaient plusieurs formes d’épilepsie sévère (syndrome de Dravet, ou de Lennox-Gastaut, épilepsie associée à une sclérose tubéreuse) ; dans la plupart des essais, les deux groupes prenaient au moins un médicament antiépileptique, le groupe CBD prenant en plus un médicament à base de CBD et le contrôle un placebo.

Les médicaments antiépileptiques pris précédemment ou de façon concomitante au traitement étaient similaires entre les groupes CBD et les groupes contrôle. Ceux pris de façon concomitante comprenaient le valproate, le clobazam, la lamotrigine, le lévétiracétam, le rufinamide, le vigabatrin, le stiripentol, la lacosamide, l’éthosuximide, le topiramate, le zonisamide, l’oxcarbazepine, la carbamazépine, le lorazépam, le clonazépam, l’eslicarbazépine, le pérampanel et le phénobarbital.

Les galéniques et posologies des médicaments à base de CBD variaient selon les études : un essai utilisait la voie transdermique (gel de CBD), avec des concentrations de 195 mg ou 390 mg 2 fois/jour ; les autres, des solutions per os 2 fois/jour, à des doses allant de 5 à 50 mg/kg. Les durées du traitement allaient de 3 à 16 semaines selon l’étude.

Davantage d’EI chez les patients prenant du CBD

La fréquence globale d’effets indésirables (tous grades confondus) était plus élevée dans les groupes traités par CBD que dans les groupes contrôle : 9,7 % versus 4 %. Les plus fréquemment rapportés étaient somnolence (22 %), diminution de l’appétit (19,5 %) et fièvre (15,3 %) dans les groupes CBD, tandis que dans les groupes contrôle, c’étaient les infections respiratoires hautes (11,8 %), la diarrhée (10,9 %) et la fièvre (10,2 %).

Globalement, les risk ratios étaient de 1,12 (IC95% : 1,02-1,23) pour tous les grades d’EI confondus, et de 3,39 (IC95 % : 1,42-8,09) pour les EI de grade 3 (sévère), par rapport aux contrôles. L’incidence de certains EI était significativement plus élevée dans le groupe CBD par rapport au placebo : diarrhée (RR = 1,93 ; IC95 % : 1,44-2,58), somnolence (RR = 2,29 ; IC95 % : 1,61-3,25) ; diminution de l’appétit (RR = 2,13 ; IC95 % : 1,48-3,06), élévation des ALAT et ASAT (RR = 12,29 ; IC95% : 4,22-35,80).

Enfin, concernant les EI graves, l’incidence était multipliée par 2,67 dans les groupes CBD (IC95 % : 1,83-3,88) par rapport aux contrôles. Pour ceux ayant entraîné un arrêt du traitement, elle était multipliée par 3,95 (IC95 % : 1,86-8,37), et pour ceux ayant entraîné une réduction de la dose, elle était multipliée par 9,87 (IC95 % : 5,34-14,40).

Ces résultats suggèrent donc que le traitement par CBD des patients ayant une épilepsie sévère est associé à une augmentation du risque d’effets indésirables par rapport aux patients épileptiques prenant un placebo – outre leur traitement antiépileptique usuel.

Cependant, plusieurs limites restreignent la portée de ces conclusions : hétérogénéité des populations dans les études incluses (âges, sévérité de la pathologie), des dosages et des galéniques du CBD, durées du traitement ; utilisation concomitante d’autres médicaments antiépileptiques, d’autant plus qu’il n’a pas été possible d’enquêter sur l’association entre les concentrations plasmatiques de CBD et les EI. Enfin, la plupart des essais inclus avaient un risque de biais (dont trois un risque important), ce qui incite à la prudence dans l’interprétation des résultats et appelle à la réalisation d’études additionnelles pour les confirmer.

Pour en savoir plus
Fazlollahi A, Zahmatyar M, ZareDini M, et al. Adverse Events of Cannabidiol Use in Patients With Epilepsy.  JAMA Netw Open 2023;6(4):e239126.

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