La multiplication, depuis quelques années, de commerces proposant divers produits à base de cannabidiol – qui affichent parfois des allégations de santé –, souvent sans réglementation, inquiète l’Académie de médecine. Elle alerte sur les risques, parfois insoupçonnés, liés à la consommation de ces produits.
Le cannabidiol (CBD) est un phytocannabinoïde présent dans le chanvre (Cannabis sativa), non psychotrope – contrairement au tétrahydrocannabinol (THC) – et non addictif. À ce titre, il ne relève pas comme le THC de la réglementation des stupéfiants ni de celle des psychotropes, et la vente de produits à base de CBD est permise. Pour pouvoir être commercialisés, ces derniers doivent être, conformément à la règlementation, pauvres en THC (< 0,3 %). Il en existe pléthore : e-liquides pour la vape, huiles, boissons alcoolisées ou non, bonbons, produits cosmétiques…
Ces produits ne peuvent pas revendiquer des allégations thérapeutiques (hormis ceux autorisés comme médicaments), sous peine de sanctions pénales, selon l’arrêté du 30 décembre 2021. Pourtant, des allégations de santé comme « aide à la digestion », « améliore la qualité du sommeil », etc. y sont fréquemment apposées. Par ailleurs, au regard de la règlementation européenne sur les nouveaux aliments, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a suspendu l’évaluation du CBD dans l’attente de données complémentaires sur sa sécurité d’emploi.
Quels effets indésirables ?
Troubles digestifs, toxicité hépatique, somnolence, fatigue figurent parmi les effets indésirables que peut induire le CBD. Leur fréquence augmente avec la dose par prise et la dose quotidienne.
Le risque d’interactions médicamenteuses existe aussi, d’autant plus important que la dose de CBD consommée est élevée :
- Il peut, par exemple, augmenter les concentrations sanguines de certains médicaments, donc de leurs effets indésirables (lévothyroxine, warfarine et certains anticonvulsivants).
- D’autres médicaments peuvent augmenter les taux sanguins de CBD : évérolimus et tacrolimus, méthadone, divers antiépileptiques (notamment : brivaracétam, carbamazépine, clobazam, topiramate), amitriptyline, warfarine, oméprazole, lithium, kétamine.
- S’il est associé à l’acide valproïque, le CBD peut potentialiser le risque de lésions hépatiques, tous deux étant hépatotoxiques.
- La prise concomitante avec des médicaments sédatifs (benzodiazépines, phénobarbital, morphine) peut entraîner une somnolence excessive.
Qu’en est-il de la présence de THC dans ces produits ?
Comme évoqué plus haut, pour pouvoir être commercialisés, les produits à base de CBD doivent être, conformément à la règlementation, pauvres en THC (< 0,3 %). Toutefois, signale l’Académie, la teneur en THC peut varier, et les consommateurs n’en sont pas forcément informés de façon claire.
Ainsi, selon la concentration en THC, la quantité et la fréquence d’usage du produit contenant du CBD, il est possible que la personne qui le consomme soit testée positive pour le THC, ce qui peut s’avérer problématique dans un cadre sportif ou de la sécurité routière.
En outre, vis-à-vis du sport, si le CBD ne fait pas partie des substances dopantes, ses bénéfices, notamment lors des phases de récupération, ne sont pas bien établis, et il ne faut pas méconnaître ses effets indésirables potentiels tels qu’une baisse de la vigilance ou des troubles digestifs qui peuvent être incompatibles avec des performances sportives.
Mieux informer, mieux contrôler
Face à ces risques liés aux produits disponibles dans le commerce contenant du CBD, l’Académie nationale de médecine propose que :
- les informations sur les emballages des produits non pharmaceutiques contenant du CBD soient améliorées : risque d’interactions médicamenteuses ; procédure pour déclarer un effet indésirable ; risques associés à la conduite automobile ; risque de test positif au THC dans le cadre de la sécurité routière ou du sport ;
- les usagers soient informés sur la dose en milligrammes de CBD consommée par prise, et que, si elle dépasse 50 mg/jour, cette prise soit précédée, en cas de traitement médicamenteux en cours, par la recherche préalable, avec un professionnel de santé (médecin, pharmacien), de possibles interactions médicamenteuses, et ne conduise pas à un arrêt du traitement ;
- la réglementation et les conditions d’accès à des produits contenant du CBD soient harmonisées, compte tenu de leur diversité, afin que les usagers disposent d’une information, voire d’un accompagnement adapté ;
- enfin, que des travaux de recherche explorent l’hypothèse que la consommation de CBD fumé puisse constituer une incitation comportementale à l’usage de la cigarette (de tabac ou de cannabis).
Académie nationale de médecine. Cannabidiol : ce que vous devez oser demander et savoir. 8 décembre 2022.