Le cannabidiol et le protoxyde d’azote sont de plus en plus accessibles et répandus en France depuis quelques années (offre croissante sur internet ou dans des magasins physiques). Pour la première fois, une enquête représentative, menée par Santé publique France, permet de mieux connaître les niveaux de consommation en population générale et les profils des consommateurs.

Ces dernières années, deux substances ont connu un essor : le CBD (cannabidiol) et le protoxyde d’azote. Plusieurs signaux suggèrent une augmentation de leur utilisation : d’une part, la hausse des cas d’intoxications au protoxyde d’azote ; d’autre part, le fort développement du marché des produits à base de CBD depuis quelques années.

Les risques liés à ces consommations ont fait l’objet d’alertes de la part des autorités de santé : l’ANSM a élaboré une fiche pour la conduite à tenir en cas d’intoxication au protoxyde d’azote ; l’Académie de médecine a alerté sur le risque d’interactions médicamenteuses avec le CBD.

Pour autant, il n’existe, à l’heure actuelle, que peu de données sur ces consommations en population générale. Pour recueillir les premières informations sur les niveaux de consommation et les profils des usagers de ces deux substances, Santé publique France a donc lancé une enquête. Ces données sont issues du Baromètre santé réalisé en 2022 : 3 229 personnes âgées de 18 à 75 ans, résidant en France métropolitaine, ont été sélectionnées via un sondage aléatoire et interrogées entre mars et juillet 2022 ; le taux de participation s’est élevé à 52 %. Les résultats de cette étude viennent d’être publiés. Qu’en retenir ?

CBD : profils de consommation différents selon l’âge

Le CBD est un phytocannabinoïde présent dans la plante de cannabis, non psychotrope (contrairement au tétrahydrocannabinol [THC]) et non addictif. À ce titre, il ne relève pas comme le THC de la réglementation des stupéfiants ni de celle des psychotropes ; c’est pourquoi la vente libre de produits à base de CBD est autorisée, dès lors que la quantité de THC contenue dans le produit ne dépasse pas 0,3 % et que le celui-ci n’est pas présenté sous des allégations thérapeutiques.

De nombreux produits sont disponibles en France depuis 2017 (huiles, boissons alcoolisées ou non, bonbons, produits cosmétiques, e-liquides pour la vape…) et connaissent un essor à travers l’ouverture, depuis 2018, de nombreux magasins dédiés qui présentent volontiers cette molécule sous l’appellation floue de cannabis « bien-être ».

En 2022, les trois quarts des Français ont déjà entendu parler du CBD et 10 % en ont consommé dans l’année (16,4 % en ont essayé au moins une fois dans leur vie), d’après ce rapport de Santé publique France.

Les personnes de 18 à 34 ans sont celles qui ont le plus fréquemment expérimenté et consommé ces produits, par rapport aux classes d’âge supérieures (fig. 1). Il n’y a pas de différence de niveaux de consommation entre les hommes et les femmes, bien que l’expérimentation soit plus fréquente chez les premiers (18,5 % versus 14,5 %), tous âges confondus.

Les modes de consommation diffèrent selon l’âge : les jeunes consomment majoritairement le CBD en le fumant, alors que les plus âgés le consomment plutôt par voie orale (fig. 2), suggérant des motivations différentes d’utilisation du produit – une alternative au joint « classique » versus un usage plutôt à visée « bien-être » voire autothérapeutique.

Ces chiffres témoignent d’une diffusion rapide de ces produits en population générale, au regard de leur disponibilité récente, soulignant les enjeux sanitaires de mieux informer les consommateurs, notamment sur les interactions médicamenteuses et la réglementation de ces produits.

Il est toutefois encore tôt pour affirmer que leur usage s’est installé : la plupart (69 %) des consommateurs dans l’année ont déclaré avoir consommé pour la première fois dans les 12 derniers mois, ce qui pourrait relever plutôt de l’expérimentation. Par ailleurs, 39 % des personnes ayant consommé du CBD au cours de leur vie déclaraient n’en avoir pas consommé dans les 12 derniers mois. Enfin, si les niveaux déclarés de consommation de CBD dans l’année sont similaires à ceux du cannabis, cette enquête ne permet pas d’établir les liens entre les deux, ni la part des consommateurs de CBD consommant ou ayant consommé du cannabis et vice versa.

Les auteurs soulignent que les prochaines enquêtes devraient se focaliser sur la connaissance et la perception dans la population générale vis-à-vis des produits à base de CBD, ainsi que sur les raisons qui motivent à les utiliser et la consommation associée d’autres produits.

Protoxyde d’azote : utilisé exclusivement par les < 35 ans

Le protoxyde d’azote est un gaz employé en médecine et odontologie pour son effet analgésique, mais aussi en cuisine en tant que gaz de compression, dans les siphons de crème chantilly par exemple. Il est à ce titre en vente libre et il est facile de s’en procurer.

Depuis quelques années et de façon croissante, son usage est détourné à des fins récréatives, notamment pour la recherche d’un effet euphorisant par inhalation (« gaz hilarant »). Depuis 2019, l’ANSM et le réseau d’addictovigilance ont à plusieurs reprises alerté sur l’augmentation des cas d’intoxications avec des complications notamment neurologiques et cardiovasculaires (multiplication par 3 entre 2020 et 2021), mais également des troubles de l’usage (dépendance), des symptômes psychiatriques anxieux, voire psychotiques, et des troubles du comportement. Ceci a conduit les autorités à prendre des mesures réglementaires (interdiction de sa vente aux mineurs en 2021).

Cet usage détourné concerne principalement les jeunes adultes ; cette enquête confirme en ce sens les données recueillies par le passé. En effet, 13,7 % des 18 - 24 ans déclarent en avoir consommé au moins une fois au cours de leur vie, contre 2,0 % parmi les 35 - 44 ans et 0,8 % parmi les 65 - 75 ans. Cette différence est encore plus marquée en ce qui concerne la consommation dans l’année : dans cet échantillon, l’âge moyen du consommateur de protoxyde d’azote est de 25 ans, et toutes les personnes déclarant en avoir consommé dans l’année avaient moins de 35 ans. Cette consommation dans l’année concerne moins de 1 % de la population (mais 3,2 % des 18 - 24 ans et 2,8 % des 18 - 35 ans), alors que 75 % de la population (de 18 à 75 ans) a déjà entendu parler de ce produit.

Si les hommes sont plus nombreux que les femmes à l’avoir expérimenté (5,6 % vs 3,2 %), cette différence s’estompe pour la consommation dans l’année (0,7 % vs 0,9 %).

Enfin, l’augmentation des cas d’intoxications suggère qu’une part importante des consommateurs de protoxyde d’azote est concernée par des pratiques à risque, dans un contexte d’accessibilité facile au produit (internet), dont les conditionnements ont augmenté de volume ces dernières années.

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