objectifs
Diagnostiquer une céphalée aiguë et une céphalée chronique. Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge. Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
La prévalence des céphalées avant 15 ans est estimée à 54 % (céphalée de type tension : 30 % ; migraine : 9 %). Plus de 100 diagnostics étiologiques sont possibles dont une grande majorité de céphalées primaires. Mais… des céphalées peuvent, rarement, révéler un processus expansif, une malformation artérioveineuse (MAV) ou une hypertension intracrânienne (HTIC). L’enjeu majeur est donc d’identifier le plus précocement possible les céphalées qui nécessitent investigation et intervention. Il est habituellement possible d’y parvenir par les seuls anamnèse et examen clinique, et un peu de méthode !

Diagnostiquer une céphalée aiguë et une céphalée chronique

Démarche diagnostique

Dans ses grandes lignes, elle ne diffère pas sensiblement de celle de l’adulte, et je renvoie le lecteur à la question de l’ECN-Neurologie Céphalées aiguës et chroniques. Dans la suite, je soulignerai les particularités pédiatriques.

Enquête clinique

Interrogatoire : il est conditionné par le développement cognitif et psychique de l’enfant, et il est partagé entre l’enfant (qui analyse ± bien ses symptômes) et le(s) parent(s) (qui voi[en]t des signes). Chez le nourrisson et le petit enfant, c’est le parent qui pense au diagnostic surtout s’il souffre lui-même de céphalées : aspect douloureux, mal-être, agitation ou abattement, vomissements, pâleur, etc. L’enfant plus âgé est souvent capable de décrire sa céphalée (au médecin de ne pas sous-estimer ses capacités…) ; le dessin permet parfois de contourner l’impossibilité d’une verbalisation des céphalées.
La consultation est structurée par le patron temporel des céphalées (céphalées récentes à début soudain, récentes d’aggravation progressive, chroniques paroxystiques, chroniques quotidiennes) : il oriente vers les causes à évoquer, donc structure l’interrogatoire (fig. 1). Par exemple, en cas de céphalées chroniques paroxystiques, on fait décrire une crise typique de son début à sa terminaison ; en cas de céphalées chroniques quotidiennes, la période contemporaine de l’augmentation progressive de la fréquence des céphalées, le nombre de jours de céphalées mensuel (c’est-à-dire le nombre de jours par mois où l’enfant a des céphalées) puis une journée céphalalgique type (24 heures). Au cours de l’interrogatoire, il faut être attentif à la présence de « drapeaux rouges » (« red flags »), c’est-à-dire les indices qui font craindre des céphalées secondaires (tableau 1) : par exemple, des signes d’hypertension intracrânienne, une augmentation progressive de la fréquence des céphalées, etc. L’interrogatoire comprend trois parties.
La céphalée est caractérisée au mieux par 6 paramètres :
  • sa localisation (attention si postérieure, cervicalgies) ;
  • sa typologie (pressive, pulsatile, en coup de poignard…) ;
  • son intensité (échelles selon l’âge – visages, échelle numérique – ou retentissement sur les activités en cours) ;
  • sa durée ;
  • sa fréquence ;
  • les symptômes associés (digestifs, visuels, neurovégétatifs, torticolis, photo-phonophobie, etc.).
L’évolution temporelle des céphalées depuis leur apparition :
  • modalités de début ;
  • modifications des céphalées depuis leur apparition initiale : du profil temporel, des 6 paramètres (notamment durée et fréquence), de la réponse aux traitements essayés, etc.
L’enfant dans l’intervalle des céphalées :
  • croissance staturo-pondérale (pathologie de la région sellaire) et du périmètre crânien (reconstituer les courbes) ;
  • signes endocriniens, d’hypertension intracrânienne ;
  • pathologie chronique, fièvre, asthénie ;
  • comportement alimentaire ;
  • état psycho-affectif (comorbidité anxieuse et/ou dépressive) ;
  • relations avec les parents, les amis ;
  • retentissement sur les résultats scolaires (absentéisme scolaire), le caractère, les loisirs, le sommeil ;
  • prise chronique de médicaments (pour les céphalées ou une autre raison).
Et, bien sûr, les antécédents personnels (traumatisme), familiaux (céphalées, malformation vasculaire, tumeur cérébrale), les traitements essayés (molécule, posologie, efficacité, effets indésirables, abus d’antalgiques).
Examen clinique : il est souhaitable d’avoir une orientation diagnostique à l’issue de l’interrogatoire (figure) car elle guide les points de l’examen qui réclament une attention particulière : fièvre, pression artérielle, raideur méningée, conscience s’il s’agit de céphalées récentes de début soudain ; signes de localisation, hypertension intracrânienne, signes endocriniens, en cas de céphalées récentes d’aggravation progressive (tableau 1).
Examen neurologique : il est influencé par l’âge, qui dicte à la fois la norme (en particulier pour le tonus) mais aussi la méthodologie à adopter, conditionnée par la participation de l’enfant. Regarder est irremplaçable, particulièrement quand l’enfant ne se sent pas examiné (entrée/sortie de la salle d’examen). L’examen neurologique commence par l’analyse du schème de marche qui est une fenêtre sur l’ensemble du système nerveux central (SNC) en quelques minutes, en le complétant par des manœuvres de sensibilisation : marche sur les talons, en ligne, saut à cloche-pied… Se souvenir que les tumeurs de l’enfant sont le plus souvent situées au niveau de la fosse postérieure (syndrome cérébelleux, atteinte des paires crâniennes, oculomotricité+++) et que la moitié d’entre elles surviennent avant 4 ans. Ausculter le crâne (souffle révélateur d’une malformation artério-veineuse).
Chez le nourrisson : manœuvres de suspension (« plongeon » et « parachute »), qui doivent être symétriques, fontanelle (bombement ?), périmètre crânien, fond d’œil.
Chez le grand enfant/adolescent : chercher d’abord une asymétrie (du schème de marche, du tonus, de la force, des réflexes ostéotendineux, etc.) avant de préciser le côté pathologique : langage, affect, comportement.
Examen somatique : poids, taille (reconstituer les courbes correspondantes), fièvre, hypertension artérielle (HTA), douleur à la palpation des sinus, examen cutané (neurofibromatose, ecchymoses), stomatologique, visuel, ORL.

Enquête paraclinique

La nécessité de prescrire des explorations paracliniques et leur nature est conditionnée par le(s) diagnostic(s) évoqué(s).
La question cruciale est de sélectionner les enfants chez qui on demandera une imagerie (tableau 2). La tomodensitométrie cérébrale (TDM) avec injection est l’imagerie cérébrale la plus facile à obtenir dans l’urgence. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) lui est supérieure dans l’analyse de la moelle cervicale, de la fosse postérieure ou de la charnière.
Plus rarement, selon l’orientation diagnostique :
  • étude du liquide céphalo-rachidien (LCR) en cas de suspicion d’infection ou d’hypertension intracrânienne bénigne (mesure de la pression d’ouverture) ;
  • fond d’œil (œdème papillaire) ;
  • dosage de monoxyde de carbone (CO) ;
  • sérologie du virus d’Epstein-Barr (EBV, céphalées quotidiennes nouvelles persistantes) ;
  • entretien psychologique, voire avis pédopsychiatrique.

Orientation diagnostique


Céphalées récentes à début soudain

Les patients avec ce profil temporel consultent typiquement aux urgences (cf. ce paragraphe).

Céphalées récentes d’aggravation progressive

C’est LE profil temporel qui doit faire craindre tout particulièrement des céphalées secondaires, en particulier tumorales. La recherche d’un processus expansif intracrânien est prioritaire : les céphalées sont le signe révélateur de la tumeur dans 70 % des cas. Des signes d’hypertension intracrânienne (céphalées à prédominance matinale ou en seconde partie de nuit [réveils nocturnes], exagérées par l’effort ou la position couchée, résistant aux antalgiques, accompagnées de vomissements matinaux pouvant soulager temporairement les céphalées) sont en général présents, mais leur absence ne permet pas d’écarter cette hypothèse. Attention au piège consistant à évoquer une pathologie digestive (RGO…). D’autres pièges classiques sont la modification du caractère, une baisse des résultats scolaires, qui peuvent faire évoquer à tort une origine psychogène, ou encore la modification du profil temporel des céphalées (compte tenu de la prévalence élevée des céphalées de type tension [CTT], des modifications sémiologiques des céphalées doivent faire craindre la survenue d’un second diagnostic, éventuellement grave – « Un train peut en cacher un autre »). D’où l’impérative nécessité d’être encore plus rigoureux en pareils cas (v. chapitre précédent). Nombre d’études ont montré qu’en présence de céphalées progressives chroniques. Cinq points de l’examen neurologique étaient déterminants :
  • le fond d’œil* ;
  • l’oculomotricité ;
  • le tonus ;
  • les anomalies du schème de marche (en ligne, en particulier) ;
  • les anomalies des réflexes ostéotendineux.
L’imagerie contribuera au diagnostic final et à la prise en charge thérapeutique. La normalité de l’imagerie cérébrale, couplée à l’étude du LCR, conduit au diagnostic d’hypertension intra­crânienne idiopathique (photopsies, obésité, médicaments : œstroprogestatifs, cycline, dérivés de la vitamine A, corticoïdes). Le diagnostic différentiel de céphalées progressives chroniques figure au tableau 3.

Céphalées chroniques paroxystiques

Généralités : en population générale, les céphalées de type tension épisodiques sont la cause la plus fréquente de céphalées, mais en consultation hospitalière, c’est la migraine. Les céphalées trigémino-dysautonomiques (algie vasculaire de la face) sont excep­tionnelles avant 10 ans.
Diagnostic : la crise de migraine (épisodique) de l’enfant se distingue de celle de l’adulte par :
  • des crises plus courtes (2-4 heures) ;
  • une céphalée plus souvent frontale que temporale, plus souvent bilatérale qu’unilatérale (céphalée bifrontale) ;
  • des troubles digestifs marqués et une pâleur.
Le diagnostic de migraine est clinique : il repose sur une description évocatrice, jointe à l’absence de drapeaux rouges et à la normalité de l’examen clinique, et est facilité par l’utilisation des critères de l’ICHD-3 (par rapport aux critères adultes correspondants, la seule modification concernant l’enfant est de ramener la limite inférieure de durée des crises à 2 heures [tableau 4]. Seules nécessitent une imagerie (IRM cérébrale avec injection de gadolinium) les auras non typiques (aura motrice ou du tronc cérébral) et les jeunes enfants (< 3 ans).
La sémiologie se modifie avec l’âge, pour se rapprocher de celle de l’adulte. Si les critères ICHD-3 de migraine avec aura (ICHD-3 1.2) ne diffèrent pas de ceux de l’adulte, la chronologie aura puis céphalée est moins souvent respectée que chez l’adulte. La migraine avec aura du tronc cérébral débute classiquement à l’adolescence (premières règles). La migraine hémiplégique est une channelopathie. Les syndromes épisodiques susceptibles d’être associés à la migraine constituent la forme la plus précoce de migraine. Les crises sont centrées sur un symptôme non céphalalgique : torticolis (torticolis paroxystique bénin), vertiges (vertige paroxystique bénin), vomissements (syndrome des vomissements cycliques) ou douleurs abdominales (migraine abdominale).

Céphalées chroniques quotidiennes (CCQ)

Elles sont définies par une durée supérieure ou égale à 15 jours de céphalées par mois pendant 3 mois ou plus. La cause la plus fréquente est la migraine chronique, c’est-à-dire l’augmentation du nombre de jours de céphalées, typiquement sous l’effet d’une comorbidité psychiatrique et/ou d’un abus d’antalgiques, à partir d’une migraine épisodique, faisant que le patient souffre au moins 15 jours par mois de céphalées pendant au moins 3 mois consécutifs ; parallèlement, les céphalées s’abâtardissent (les caractéristiques migraineuses sont moins marquées, les nausées s’espacent, photo- et phonophobie deviennent plus rares, etc.) et se rapprochent en conséquence d’une sémiologie de céphalées de type tension, mais l’ICHD-3 exige qu’au moins 8 jours par mois de céphalées gardent une spécificité migraineuse.
Il importe de connaître aussi les céphalées quotidiennes nouvelles persistantes, plus fréquentes que chez l’adulte (c’est la 2e cause de céphalées chroniques quotidiennes en pédiatrie). Le diagnostic est facile : ce sont des céphalées chroniques quotidiennes de novo, apparaissant en moins de 24 heures, souvent même permanentes, parfois après une infection à EBV.
Les céphalées post-traumatiques persistantes surviennent après un intervalle libre qui peut aller jusqu’à 7 jours, chez un tiers environ des enfants hospitalisés pour traumatisme crânien mineur.
Les céphalées psychogènes sont fréquentes, allant d’une exagération des difficultés habituelles de l’adolescence à une dépression sévère, se manifestent par des plaintes fonctionnelles diverses et floues, avec une tolérance et un détachement qui contrastent avec leur ancienneté ; si elles sont un diagnostic d’exclusion, elles sont suggérées par un faisceau d’indices : l’attitude du patient, des réponses floues ou contradictoires, le contexte…
Les céphalées de cause extracrânienne (œil, sinus, dents, rachis cervical) constituent les céphalées projetées et sont souvent surestimées par les médecins. La simple coexistence de céphalées et de la cause supposée ne suffisent pas pour retenir ce diagnostic et, outre des arguments de présomption cliniques convaincants, il faut exiger leur disparition avec la correction de l’anomalie causale supposée.

Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge

On imaginerait que ces situations se déroulent dans le cadre d’urgences pédiatriques où les céphalées représentent le troisième motif de consultation. Pourtant, la très grande majorité des céphalées vues aux urgences sont bénignes : les céphalées en rapport avec une infection virale sont la première cause de consultation aux urgences pédiatriques tandis que la migraine représente environ 20 % des admissions. Rarement, des céphalées peuvent être le symptôme initial ou principal d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital comme une méningite purulente, une hémorragie intracrânienne, une tumeur cérébrale ou une hydrocéphalie. Il est donc essentiel que le médecin adopte une approche rationnelle dans cette situation, qui n’est pas fondamentalement différente de celle vue plus haut.
Plusieurs études faites aux urgences pédiatriques ont montré que tous les enfants présentant des céphalées non traumatiques en rapport avec une cause organique grave avaient des drapeaux rouges et/ou des anomalies de l’examen neurologique : altération de la conscience, raideur de nuque, œdème papillaire, anomalie de l’oculomotricité, ataxie ou hémiparésie. La localisation occipitale et/ou nucale de la douleur est classiquement considérée comme fortement indicative d’une pathologie organique.
Le patient le plus susceptible de consulter aux urgences pédiatriques est celui dont le profil temporel correspond aux céphalées récentes à début soudain. Deux situations peuvent se présenter.

Céphalées récentes à début soudain fébriles

Si la cause la plus fréquente est représentée par les céphalées de cause virale, des céphalées fébriles doivent systématiquement faire envisager la possibilité d’une infection neuroméningée (QS) [méningite bactérienne ou virale, thrombophlébite, abcès, etc.] et conduire à la démarche diagnostique correspondante (cf. item).
Le diagnostic de sinusite aiguë est souvent porté par excès en cas de céphalées : la simple coexistence des deux ne suffit pas. Il faut exiger les 3 points suivants :
  • des céphalées qui peuvent être de n’importe quel type ;
  • une sinusite authentique (et non une simple opacité sinusienne sur une radiographie de sinus, très banale) ;
  • la démonstration de la causalité entre la seconde et la première.
Celle-ci est affirmée sur :
  • le rapport temporel chronologique étroit entre la survenue des deux ;
  • la disparition rapide des céphalées à la suite de la guérison de la sinusite aiguë.
Il peut aussi s’agir de la première crise d’une migraine épisodique (sans et/ou avec aura), de céphalées de type tension épisodiques, d’une céphalée trigémino-dysautonomique, autrement dit des causes envisagées sous le profil céphalées récurrentes. Une première crise de migraine avec aura atypique peut égarer le néophyte : migraine hémiplégique, migraine avec aura du tronc cérébral, migraine aiguë confusionnelle, etc.
Les causes de céphalées récentes à début soudain se présentant dans la salle d’urgence sont énumérées dans le tableau 5.

Céphalées récentes à début soudain non fébriles

Un début soudain voire brutal (le classique « coup de tonnerre dans un ciel serein ») doit faire craindre une hémorragie sous-arachnoïdienne. Rare chez l’enfant, elle a trois causes principales : malformation artérioveineuse, anévrisme, anomalies de coagulation. Le diagnostic est confirmé par la tomodensitométrie (TDM) cérébrale, à compléter par l’étude du LCR en cas de forte suspicion clinique non confirmée par la TDM (en raison d’un saignement de faible abondance).
Tout patient porteur d’une dérivation ventriculo-péritonéale qui consulte pour des céphalées doit faire envisager la possibilité d’un dysfonctionnement de celle-ci, avec ou sans infection. Penser aussi aux céphalées par hypertension artérielle (HTA) ou par intoxication au CO (hiver, chauffage défectueux).

Traitement aux urgences

Le traitement aux urgences ne diffère pas de celui des céphalées rencontrées en dehors de ce cadre pour la majorité des diagnostics. La seule exception est constituée par les céphalées prolongées, qui correspondent en particulier aux états de mal migraineux. La définition de celui-ci est, chez un migraineux connu, la prolongation d’une crise de migraine au-delà de 72 heures (ICHD-3), mais, en pratique, la tendance chez l’enfant est de considérer comme état de mal migraineux une crise de migraine qui se prolonge, est invalidante, résiste au traitement habituel et nécessite une intervention médicale urgente, même si le seuil de 72 heures n’est pas atteint. Attention toutefois à ne pas confondre avec des céphalées chroniques quotidiennes : d’où l’importance de replacer les choses dans leur contexte, c’est-à-dire dans leur évolution temporelle depuis leur début ; intérêt de faire systématiquement préciser le nombre de jours avec céphalée par mois.
Le traitement ne fait pas l’objet d’un consensus (essai éventuel des molécules classiques hors du cadre de l’urgence si elles n’ont pas été utilisées – ibuprofène, sumatriptan spray nasal – avant de passer à la voie intraveineuse : kétoprofène, amitriptyline voire chlorpromazine).
Bien que le cadre de l’urgence ne s’y prête pas de façon idéale, savoir aussi conseiller le patient sur les mesures adéquates à moyen terme : règles d’hygiène de vie, optimisation du traitement (de crise et/ou préventif), prévention de l’abus d’antal­giques (ou sevrage si indiqué), orientation vers une consultation spécialisée…

Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient

C’est pour la migraine que l’attitude thérapeutique est la mieux codifiée. C’est donc pour elle que je la détaillerai. Néanmoins, la plupart des considérations générales s’appliquent à chacun des diagnostics particuliers. Le traitement des céphalées secondaires est le traitement de la cause (de la tumeur, de la sinusite, de l’hypertension intracrânienne idiopathique, etc.). Pour la plupart des diagnostics, la prise en charge thérapeutique se décline en 3 volets.

Règles générales

Informer l’enfant et ses parents sur le diagnostic, rassurer, expliquer en détail les modalités d’administration des thérapeutiques (éducation thérapeutique). On conseille au patient d’avoir une alimentation saine et équilibrée (ne pas sauter de repas [petit déjeuner !]), de bien s’hydrater (avec de l’eau), de limiter la consommation de caféine (sodas à base de cola, thé glacé), d’avoir une bonne hygiène de sommeil et de pratiquer une activité physique régulière. On éduque le patient à repérer les facteurs déclenchant des crises ; prôner leur éviction, pas toujours possible en pratique (stress, météo) est aujourd’hui supplanté par le « coping » (« faire face »), c’est-à-dire apprendre au patient à gérer les situations où il est confronté aux facteurs déclenchants.

Traitement de la crise migraineuse

L’objectif est de soulager le patient en 2 heures au plus. Pour cela, on conseille de respecter les 3 règles suivantes :
Prise du médicament dès le début de la crise (de la céphalée pour les triptans),
Posologie :
  • 15 mg/kg pour le paracétamol per os ;
  • 10 mg/kg pour l’ibuprofène per os ;
  • 10/20 mg pour le sumatriptan en spray nasal (10 mg puis 20 mg si échec sur 3 crises ou plus) (AMM > 12 ans).
Prévention de l’abus d’antalgiques : pas plus de 2 jours de prise par semaine ou 6 jours de prise par mois, de façon régulière.
Une deuxième prise est possible à 2 heures en cas de soulagement incomplet ou en l’absence de soulagement. Le repos au calme, dans l’obscurité, est souvent spontanément adopté par le patient.

Traitement préventif

Il concerne 30 à 40 % des patients. Habituellement proposé à partir de 3-4 crises mensuelles, la décision finale est modulée par les données concrètes de la situation du patient : durée des crises, réponse au traitement de crise, souhait du patient, etc. En première intention, on privilégiera la relaxation (biofeedback, training autogène, autohypnose, thérapie cognitivo-comportementale), plus efficace, sans effet indésirable, mais… de disponibilité problématique en France. En cas d’échec ou d’indisponibilité, on se rabattra sur un traitement préventif médicamenteux : par exemple, amitriptyline (Laroxyl), propranolol (Avlocardyl), topiramate (Epitomax), flunarizine (Sibelium), pizotifène (Sanmigran). Celui-ci doit être poursuivi au moins 2 à 3 mois (à condition qu’il soit bien toléré) avant de conclure à son efficacité.
L’objectif ne se limite pas seulement au soulagement des céphalées mais vise à la restauration d’un fonctionnement scolaire, familial, et social satisfaisant, c’est-à-dire une prise en charge globale biopsychosociale.•
* Le fond d’œil (œdème papillaire) peut être normal (jeunes enfants++).
Points forts

Céphalée aiguë et chronique chez l’adulte et l’enfant

Le fil rouge : parmi la multitude des céphalées chez l’enfant et l’adolescent (plus de 1 enfant sur 2 souffre de céphalées, plus de 100 étiologies), en majorité primaires et bénignes, savoir repérer les rares diagnostics graves (tumeur, HTIC idiopathique, hydrocéphalie, etc.).

Évaluer des céphalées chez l’enfant :

– modalités de début, profil temporel, 6 paramètres ;

– schème de marche ;

– drapeaux rouges ;

– ICHD-3 ;

– agenda (jours de céphalées, prises d’antalgiques).

La migraine chez l’enfant :

– toute céphalée n’est pas migraineuse (~1/6 des céphalées) ;

– migraine épisodique (sans et/ou avec aura) vs chronique ;

– crise de durée plus courte que chez l’adulte et céphalée bifrontale ;

– soulagement à 2 heures = objectif du traitement de crise.

Traiter des céphalées chez l’enfant :

– prise en charge globale biopsychosociale ;

– céphalées chroniques paroxystiques vs céphalées chroniques quotidiennes ;

– tenir compte :

. du nombre de jours de céphalées mensuel ;

. du nombre de jours de prise d’antalgiques ;

. de la comorbidité psychogène.

Les céphalées de l’enfant et de l’adolescent sont une maladie du temps (durée, fréquence, nombre de jours de céphalées mensuel) à replacer dans son histoire personnelle et en anticipant les évolutions possibles.

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