Nombre de médecins éprouvent des difficultés à comprendre les interrelations qui existent entre traitement de crise et traitement préventif. Celles-ci vont au-delà de ce qui est immédiatement évident pour un néophyte : le premier vise à abréger la crise, le second à empêcher la survenue de crises futures. La consommation en excès des médicaments de crise favorise l’augmentation de la fréquence des crises, donc tend à aller à l’encontre du traitement préventif. Plus précisément, ce ne sont pas les quantités de médicaments prises (le nombre d’unités de prise d’antalgiques comme on disait naguère) qui sont dommageables mais la régularité des prises au cours du temps, d’où le concept actuel de nombre de jours de prise d’antalgiques, qui s’est substitué au précédent. Un jour de prise d’antalgiques est un jour où le patient consomme un antalgique, quel que soit le nombre d’unités de prise.
Pour envisager de prescrire un traitement de crise, il faut qu’il y ait… des crises ! Autrement dit des crises espacées avec une absence de douleur entre elles. On envisage un traitement préventif à partir de 3 ou 4 crises mensuelles. À l’inverse, dans une migraine chronique, ou a fortiori des céphalées quotidiennes nouvelles persistantes, tout se passe comme si les circuits neuronaux étaient déréglés, hyperexcitables, se déclenchant trop facilement pour un oui ou pour un non ; or tous les médicaments de crise, quels qu’ils soient, vont dans ce sens (le sens de l’hyper­excitabilité). Ne pas oublier qu’on est en outre en face d’un cerveau en développement. En clair, le nombre de jours de céphalée par mois est le pivot essentiel autour duquel vont s’articuler les choix thérapeutiques, et notamment la balance entre traitement de crise et traitement préventif.
Plus encore que chez l’adulte, les médicaments (qui sont en grande partie les mêmes que ceux utilisés chez l’adulte) ont peu fait l’objet d’études, et le niveau de preuve est faible. La récente étude américaine CHAMP a tenté de combler cette lacune : multicentrique, en double aveugle, sur un effectif conséquent, elle a tenté d’apporter des éléments de réponse à cette question en comparant l’efficacité de deux médicaments préventifs, amitriptyline (1 mg/kg/j) et topi­ramate (2 mg/kg/j) vs placebo. Naufrage complet : pas de différence statistiquement significative entre les 3 groupes. Un plus grand nombre de patients sous placebo (61 %) ont même atteint le critère primaire d’efficacité, la réduction d’au moins 50 % du nombre de jours de céphalée de la période de base, que dans les groupes traités par amitriptyline (52 %) et topiramate (55 %). La tendance était inverse pour les effets indésirables ! Conclusion : il faut privilégier les traitements non médicamenteux fondés sur la relaxation (et encourager leur développement en France !)  : biofeedback (rétrocontrôle), training autogène de Schultz, auto­hypnose, voire thérapie cognitivo-comportementale. Peu de théra­peutes sont formés à ces techniques en France, cumulant pourtant les avantages : efficacité, rapidité habituelle de la réponse thérapeutique et absence d’effets indésirables.
En pratique, les choix thérapeutiques doivent impérativement tenir compte de la situation du patient (fréquence des crises, nombre de jours de céphalée par mois, nombre mensuel de jours de prise d’antalgiques), et il ne faut pas avoir la naïveté de croire que les choses sont figées. Ces paramètres fluctuent évidemment au cours du temps, dans un sens comme dans l’autre, et le médecin doit en conséquence faire les adaptations thérapeutiques qui en découlent.•
POUR EN SAVOIR +
Cuvellier JC. Céphalées et migraines de l’enfant. In : EMC - Pédiatrie 2013 ;8(2) :1-12 [Article 4-094-A-10].

Parain D, Milh M, 2009. Céphalées, migraines, hypertension intracrânienne. In: Chabrol B, Dulac O, Mancini J, Ponsot G (Eds.), Neurologie pédiatrique. Médecine Sciences Flammarion, Paris.