Une large étude de cohorte française, portant sur plus de 200 000 femmes ayant un cancer du sein, trouve une association (positive ou négative) entre la prise de 16 médicaments (non oncologiques) avant le diagnostic de cancer et la survie sans progression ou la survie globale des patientes. Les résultats sont parus dans Nature Communications.

Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme. 30 % à 70 % des femmes atteintes souffrent d’une autre maladie au diagnostic, et plus de la moitié prennent déjà un traitement médicamenteux lors de la découverte de leur cancer. Pour étudier l’impact de cette médication pré-diagnostic sur le pronostic des malades, des chercheurs de l’Inserm et de l’Institut Curie ont mené une étude de cohorte appelée Adrenaline.

Parue en avril dans Nature Communications, cette dernière a inclus toutes les femmes adultes nouvellement diagnostiquées d’un premier cancer du sein non métastatique entre 2011 et 2017 en France ayant subi une mastectomie partielle ou totale et prises en charge par l’Assurance maladie (235 368 femmes, âge moyen au diagnostic = 60,0 ans [50,0 ans ; 69,0 ans]), afin d’avoir accès à leur historique de prescription médicamenteuse dans les six mois précédant le diagnostic. Parmi les femmes incluses, 47,0 % avaient une comorbidité au diagnostic, et 76,0 % prenaient au moins un médicament dans les six mois précédents.

Les chercheurs ont évalué l’association causale de 288 médicaments avec le pronostic du cancer du sein par des analyses poussées prenant en compte environ une centaine de facteurs confondants. Le critère de jugement principal était la survie globale, définie comme le temps (en mois) entre la première mastectomie et le décès ou le 1er mars 2019 (date d’arrêt du suivi). Le critère de jugement secondaire était la survie sans progression, soit le temps (en mois) entre la première mastectomie et le décès, une rechute ou le 30 décembre 2018. Le suivi médian était de 54,6 mois pour la survie globale et de 53,9 mois pour la survie sans progression.

Huit médicaments ont été associés significativement avec une meilleure survie globale ou une survie sans progression : rabéprazole, alvérine, aténolol, simvastatine, rosuvastatine, estriol, nomégestrol et hypromellose. En revanche, la prise de huit autres médicaments a été associée avec une moindre survie globale ou survie sans progression : fumarate ferreux, prednisolone, carbimazole, pristinamycine, oxazépam, alprazolam, hydroxyzine et miansérine.

Par ailleurs, parmi ces 16 médicaments, six étaient associés significativement à la fois à la survie globale et à la survie sans progression : simvastatine, rosuvastatine et nomégestrol les augmentaient ; prednisolone, pristinamycine et oxazépam les diminuaient.

Pour les auteurs, ces résultats, publiés avec une plateforme interactive pour les visualiser (https ://adrenaline.curie.fr/), permettent de formuler des hypothèses sur l’effet de certains médicaments sur le cancer du sein avec des données de vie réelle. Ces conclusions nécessitent d’être complétées par de nouvelles analyses concernant l’impact de médicaments pris après le diagnostic sur le pronostic du cancer du sein.

Pour en savoir plus
Dumas E, Grandal Rejo B, Gougis P, et al. Concomitant medication, comorbidity and survival in patients with breast cancer.  Nature Commun 5 avril 2024.