Ces atteintes des paupières sont un motif fréquent de consultation en médecine de ville. La clinique est parfois trompeuse mais il faut bien les différencier car le traitement n’est pas le même.
Chalazion : inflammatoire
Le chalazion est lié à un dysfonctionnement des glandes de Meibomius (glandes sébacées du bord libre palpébral, encadré 1 ci-dessous) engorgées par obstruction de leur orifice. Il s’agit d’un granulome inflammatoire aigu de ces glandes, non infectieux (et donc non contagieux). C’est une lésion bénigne très fréquente.
Sa survenue est brutale, avec initialement un œdème palpébral localisé ou diffus, chaud et douloureux (fig. 1). Rapidement ou d’emblée, on observe une tuméfaction palpébrale arrondie faisant saillie au niveau de la face cutanée de la paupière, proche du bord libre. Le chalazion est hyperhémique et sensible à la palpation. Il peut exister un point blanc à l’orifice de la glande meibomienne atteinte (à ne pas confondre avec un orgelet, v. ci-dessous). Parfois, le chalazion est plus visible sur le versant conjonctival palpébral, prenant alors la forme d’un nodule conjonctival hyperhémique.
Après quelques jours d’évolution, la guérison peut survenir spontanément si la glande de Meibomius se débouche (ou sous traitement après quelques jours). Parfois, il peut fistuliser à la peau (il en résulte une croûte cicatricielle qui tombe après quelques jours ; fig. 2) ou s’enkyster (sa consistance devient plus dure, il forme alors un nodule bien mobile qui peut disparaître en quelques semaines/mois, ou persister ; fig. 3).
La prise en charge est d’abord mécanique : elle repose en première intention sur des massages après réchauffement des paupières par des compresses chaudes ou un masque chauffant.
Une pommade à base de corticoïde (Frakidex, Maxidrol, Sterdex, Tobradex) peut être appliquée, 2 ou 3 fois par jour pendant 10 jours. Une excision chirurgicale sous anesthésie locale est envisagée en cas d’enkystement important malgré un traitement médical bien conduit.
Les récidives notamment chez l’enfant témoignent d’un dysfonctionnement meibomien chronique (encadré 2 ci-dessous) : elles font dépister une amétropie et penser au redoutable diagnostic de rosacée de l’enfant qui peut se compliquer d’une baisse de vision. Tout œil rouge chronique associé à des chalazions récidivants doit faire adresser l’enfant à l’ophtalmologiste.
Orgelet : infectieux
Contrairement au chalazion, c’est une lésion infectieuse : il s’agit d’un furoncle du follicule pilosébacé annexé à un cil.
Le patient consulte pour une rougeur et un œdème du bord libre palpébral. La collection purulente forme rapidement un point blanc. Mais, à la différence du chalazion, le point blanc est à la base d’un cil, et non à l’orifice d’une glande de Meibomius (fig. 4). Le germe responsable est Staphylococcus aureus. L’orgelet est beaucoup plus rare que le chalazion (même si surdiagnostiqué car confondu souvent avec ce dernier). La douleur peut être vive.
Il régresse spontanément en 1 ou 2 semaines. Non ou mal traité, il peut se compliquer d’une cellulite (extension de l’infection à la paupière).
La prise en charge repose sur l’application d’une pommade antibiotique (cyclines ; aminosides, Tobrex 3 fois/j) pendant 7 à 10 jours. Diabète et immunodépression doivent être recherchés s’il est récidivant.
Glandes de Meibomius
Les glandes de Meibomius sont des glandes sébacées modifiées holocrines enchâssées dans le cartilage palpébral, le tarse. Constituées chacune d’un canal principal vertical entouré d’acinus, elles sont une vingtaine en paupière inférieure et une trentaine en paupière supérieure. Ces glandes synthétisent une huile, le meibum, qui se mélange aux larmes pour en constituer sa couche lipidique. Cette couche est la plus superficielle des larmes et a pour fonctions de limiter l’évaporation lacrymale, d’améliorer l’étalement du film lacrymal et d’optimiser la vision.
Rosacée oculaire de l’enfant
C’est la cause principale des chalazions récidivants chez l’enfant.
Elle se caractérise par une blépharite chronique uni- ou bilatérale, avec une rougeur chronique du bord libre. Il existe souvent des croûtes à la base des cils. L’examen ophtalmologique à la lampe à fente montre une obstruction majeure des orifices meibomiens avec un meibum épaissi et visqueux expliquant la stase meibomienne. Les chalazions sont parfois nombreux, évoluant pendant quelques années. Ils peuvent laisser une atrophie palpébrale sous forme d’un creux ou d’une déformation du bord libre.
Une rosacée cutanée du visage peut être associée, sous forme d’une érythrocouperose, ou d’une éruption papulopustuleuse évoluant par poussées et siégeant surtout au niveau des joues et du nez. Pour la prise en charge : https://www.larevuedupraticien.fr/article/chalazions-recidivants-de-lenfant
Doan S. Chalazions récidivants de l’enfant.Rev Prat 2019;69(8);881-3.
Coutu A, Joubert R, Chiambaretta F. Pathologies des paupières.Rev Prat Med Gen 2018;32(1001);363-5.