La maladie hémorroïdaire est une pathologie bénigne, qui peut toutefois altérer la qualité de vie. Pour proposer un geste thérapeutique adapté à chaque patient et à sa pathologie, la consultation préalable est essentielle ; elle permet de préciser les symptômes du patient : épisodes inflammatoires aigus de rythme variable, avec ou sans thromboses, se traduisant par une tuméfaction plus ou moins étendue du réseau hémorroïdaire, externe le plus souvent, ou manifestations chroniques à type de saignements et de prolapsus qui concernent les hémorroïdes internes. L’attente du patient doit aussi être évaluée : recherche de simple réassurance sur la bénignité de cette pathologie, ou désir d’en être soulagé. Le contexte personnel, médico-chirurgical, professionnel et familial ainsi que l’examen physique permettent de l’orienter vers les techniques les plus adaptées.

La démarche thérapeutique reste la même

Les manifestations peu invalidantes de la maladie hémorroïdaire sont le plus souvent soulagées par des règles hygiéno-diététiques simples : éviction des éventuels facteurs alimentaires provoquant les crises, régularisation du transit, diminution du temps passé assis sur le siège des toilettes, utilisation raisonnable du papier pour l’essuyage, nettoyage à l’eau, réduction du stress…
Les crises congestives et les thromboses sont le plus souvent soulagées par un traitement local, un veinotonique, un anti-inflammatoire et éventuellement un antalgique. Ces conseils de bon sens peuvent suivre des modes mais ils n’ont pas radicalement changé.
L’étape thérapeutique ultérieure, proposée aux patients qui se plaignent de saignements et d’un prolapsus modéré et/ou limité à un seul paquet hémorroïdaire interne, est le traitement instrumental.
Les maladies plus sévères sur le plan anatomique relèvent d’une proposition directe de chirurgie.
Le traitement instrumental est réalisé au cabinet de consultation ; les techniques n’ont pas changé : photo­coagulation aux infrarouges et ligature élastique.
En revanche, les classiques scléroses par injection ne sont plus effectuées du fait de l’arrêt de fabrication de Kinurea-H (quinine, urée). Les changements essentiels dans la prise en charge de la maladie hémorroïdaire, tant techniques que stratégiques, concernent la chirurgie (voir à ce sujet l’article très documenté de Vincent de Parades et Nadia Fathallah sur l’épopée chirurgicale des hémorroïdes depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours).1

Les évolutions concernent la chirurgie hémorroïdaire

La chirurgie hémorroïdaire, telle que nous la connaissons, est née en 1937, avec la description de l’hémorroïdectomie pédiculaire par Milligan, Morgan, Jones et Officer.2 Cette technique, vraiment originale pour l’époque, consiste à réséquer les composantes interne et externe de chacun des trois principaux paquets hémor­roïdaires. Cette exérèse radiaire est rendue possible par l’architecture des hémorroïdes calquée sur un retour veineux de chaque hémorroïde externe se faisant par l’hémorroïde interne sous-jacente (fig. 1).
Que la technique soit utilisée selon la description princeps avec des plaies laissées ouvertes, ou dans une version fermée (technique de Parks ou de Ferguson), le résultat est l’amputation de trois organes physiologiquement présents chez tout individu, et responsables chez certains de symptômes inconfortables, voire handicapants. L’anoplastie muqueuse, la compétence des opérateurs, et probablement la résilience des malades ont fait que l’on ne parlait pas trop des effets indésirables de cette chirurgie.

Écueils de l’hémorroïdectomie

La chirurgie radicale d’exérèse est associée à des suites immédiates douloureuses imposant en général un arrêt des activités pendant quelques semaines. À moyen et long terme, cette technique est très efficace. Réalisée par des experts, pour 410 patients évalués à cinq ans dans une étude datant de 1989, on observe 100 % de satisfaits, 1,4 % de sténose et 2,3 % de troubles de la continence.3
Toutefois, ces données optimistes ne sont pas retrouvées dans des études plus récentes. Par exemple, cinq ans après chirurgie d’exérèse hémorroïdaire, dans une étude publiée en 2012, 14 % des patients sont insatisfaits, davantage par l’apparition de nouveaux symptômes que par leur persistance, plus souvent chez les femmes, en cas d’intestin irritable et selon le temps écoulé depuis la chirurgie.4
Après une hémorroïdectomie classique, non seulement les symptômes d’origine hémorroïdaire peuvent réapparaître mais la chirurgie elle-même pourrait être responsable de nouvelles plaintes. Les séquelles les plus fréquemment décrites sont celles dues aux troubles de la continence et à la rigidité du canal anal cicatriciel. Dans une grande série prospective française multicentrique (2013) incluant 633 patients, un an après hémorroïdectomie, des troubles de la continence étaient apparus chez 8 % d’entre eux.5 En 2021, un travail italien montre que, neuf mois après cette chirurgie, presque la moitié des patients, hommes ou femmes, ayant auparavant une sexualité anale ne l’avaient pas encore reprise.6
Ainsi, bien qu’elle soit satisfaisante pour la grande majorité des patients, l’exérèse minutieuse de la totalité des hémorroïdes ne garantirait pas l’absence de symptôme anal à long terme pour tous.

Développement de techniques chirurgicales mini-invasives

Du fait de ces écueils, et poussées par l’innovation technologique qui a concerné toute la chirurgie digestive, sont apparues depuis les années 1990 des techniques chirurgicales mini-invasives visant à traiter les symptômes de la maladie hémorroïdaire sans résection radicale des hémorroïdes. Il s’agit de l’hémorroïdopexie consistant à réintégrer les hémorroïdes par résection d’une collerette muqueuse du bas rectum inventée par Antonio Longo (fig. 2), de la sclérose, puis la ligature des artères hémorroïdaires sous guidage Doppler de Daniel Jaspersen, puis Kazumasa Morinaga, pouvant être associées à une plicature muqueuse selon Carlo Tagariello (HAL Doppler), de la coagulation hémorroïdaire sous-muqueuse par radiofréquence de Pravin Gupta ou au laser de Ahmet Fatin Karahaliloğlu.
Pris dans cet élan, les inconditionnels de la résection hémorroïdaire pédiculaire ont eux aussi allégé leur geste, avec un meilleur respect de l’anatomie initiale.
Parallèlement, la prise de conscience de la douleur postopératoire et les progrès dans sa prise en charge ont permis un soulagement tel que la majorité de ces interventions hémorroïdaires, que ce soient les exérèses classiques ou les techniques mini-invasives, sont effectuées en ambulatoire.7
L’évolution de la chirurgie d’hémorroïdectomie et l’apparition des techniques mini-invasives diminuent le risque de complications, de séquelles fonctionnelles et permettent des suites immédiates moins douloureuses, ainsi qu’une reprise des activités habituelles plus rapide.

Avec quelle efficacité ?

L’hémorroïdopexie d’Antonio Longo est celle qui a fait l’objet du plus grand nombre d’études comparatives versus l’hémorroïdectomie classique. D’après une revue de la littérature récente, elle permet des suites moins douloureuses, expose à moins de douleurs résiduelles à long terme ou de sténose, et semble être aussi efficace à long terme.8 Toutefois, certains considèrent qu’elle reste une technique agressive car, même si elle ne résèque pas directement les hémorroïdes, elle enlève une partie de la paroi du bas rectum.
Les autres techniques, comme le HAL Doppler ou la coagulation des hémorroïdes au laser ou par radiofréquence, sont effectivement moins invasives, mais elles semblent être associées à une moindre efficacité sur la maladie initiale (fig. 3) : un essai français multicentrique montre plus de récidives après HAL Doppler qu’après intervention de Longo.9 Pour les autres techniques, comme celles reposant sur la radiofréquence ou le laser, les publications sont encore trop peu nombreuses pour que l’on puisse conclure formellement.

Un choix à la carte, en tenant compte du coût

L’évolution actuelle de la chirurgie hémorroïdaire n’est pas uniquement technique. Avec l’expérience, on constate que le profil du patient idéal varie selon chaque technique. Ceci est surtout vrai pour les techniques mini-invasives et l’est moins pour l’hémorroïdectomie radicale, qui reste une intervention adaptable au plus grand nombre. L’arrivée des nouvelles techniques permettrait d’adapter le traitement à chaque patient selon ses symptômes, les constatations anatomiques et ses contraintes personnelles en lui offrant un plus large choix de solutions.
Enfin, un point remarquable de cette évolution est l’inflation du prix du matériel nécessaire à cette chirurgie : d’une aiguillée de fil de suture pour l’hémorroïdectomie à, par exemple, une fibre laser et son générateur. Ce constat a incité à conduire des études médico-économiques. Un travail récent a fait grand bruit car il a comparé la ligature élastique faite en consultation au HAL Doppler et a conclu en un avantage médico-économique net pour la ligature élastique.10 La comparaison entre un traitement instrumental fait en consultation et une intervention chirurgicale peut ne pas paraître loyale. Cependant, une étude médico-économique peut comparer des techniques très dissemblables car, outre le prix du traitement initial, elle prend également en compte le coût d’un éventuel traitement ultérieur en cas d’échec.

Le profil et les attentes du patient orientent la technique chirurgicale

Les intervenants et les patients ont aujourd’hui le choix entre de multiples techniques utilisant ou non des appareils innovants, certains encore en cours d’évaluation. Pour les aider à se repérer dans ce nouvel environnement, il faut retenir que la chirurgie hémorroïdaire n’est proposée qu’en cas d’échec des traitements simples, non ou peu agressifs. La technique qui a démontré sa supériorité en matière d’efficacité est l’exérèse complète des hémorroïdes, mais des alternatives moins lourdes existent : soit une technique d’exérèse classique modernisée, soit une technique mini-invasive. Le profil du patient et ses souhaits pourraient orienter le choix entre les différentes options disponibles. Un critère de choix pragmatique pourrait être également la maîtrise qu’a l’intervenant de la ou des techniques proposées, car elles sont nombreuses et chacune nécessite une formation spécifique. Les techniques mini-­invasives sont associées à des suites plus rapides et moins douloureuses. Toutefois, il ne faut pas oublier que des complications immédiates sévères (infections ou hémorragies secondaires) peuvent survenir quelle que soit la technique opératoire. 
Références
1. de Parades V, Fathallah N. La petite histoire de la chirurgie hémorroïdaire. Hépato-Gastro & Oncologie Digestive 2022;29:658-65.
2. Milligan ETC, Morgan CN, Jones LE, Officer R. Surgical anatomy of the anal canal, and the operative treatment of haemorrhoids. The Lancet 1937;230:1119-24.
3. Denis J, Dubois N, Ganansia R, du Puy-Montbrun T, Lemarchand N. Hemorrhoidectomy: Hospital Leopold Bellan procedure. Int Surg 1989;74(3):152-3.
4. Favreau C, Siproudhis L, Eleouet M, Bouguen G, Bretagne JF. Underlying functional bowel disorder may explain patient dissatisfaction after haemorrhoidal surgery. Colorectal Dis 2012;14(3):356-61.
5. Bouchard D, Abramowitz L, Castinel A, Suduca JM, Staumont G, Soudan D, et al.; Groupe de recherche en proctologie (GREP) de la Société nationale française de colo-proctologie ; Club de réflexion des cabinets et Groupe d’hépato-gastroentérologie (CREGG). One-year outcome of haemorrhoidectomy: A prospective multicentre French study. Colorectal Dis 2013;15(6):719-26.
6. Sturiale A, Fabiani B, Dowais R, Porzio FC, Gallo G, Martellucci J, et al. Does proctologic surgery really influence sexual behaviors? Rev Recent Clin Trials 2021;16(3):322-28.
7. Vinson-Bonnet B, Higuero T, Faucheron JL, Senejoux A, Pigot F, Siproudhis L. Ambulatory haemorrhoidal surgery: Systematic literature review and qualitative analysis. Int J Colorectal Dis 2015;30(4):437-45.
8. Ruan QZ, English W, Hotouras A, Bryant C, Taylor F, Andreani S, et al. A systematic review of the literature assessing the outcomes of stapled haemorrhoidopexy versus open haemorrhoidectomy. Tech Coloproctol 2021;25(1):19-33.
9. Lehur PA, Didnée AS, Faucheron JL, Meurette G, Zerbib P, Siproudhis L, et al.; LigaLongo Study Group. Cost-effectiveness of new surgical treatments for hemorrhoidal disease: A multicentre randomized controlled trial comparing transanal doppler-guided hemorrhoidal artery ligation with mucopexy and circular stapled hemorrhoidopexy. Ann Surg 2016;264(5):710-6.
10. Alshreef A, Wailoo AJ, Brown SR, Tiernan JP, Watson AJM, Biggs K, et al. Cost-effectiveness of haemorrhoidal artery ligation versus rubber band ligation for the treatment of Grade II-III haemorrhoids: Analysis using evidence from the HubBLe trial. Pharmacoecon Open 2017;1(3):175-84.

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Résumé

La prise en charge chirurgicale moderne de la maladie hémorroïdaire est née en 1937, sans grande variation jusque dans les années 1990. À partir de cette période, l’exigence d’une chirurgie moins douloureuse et sans séquelles a stimulé l’apparition de nouvelles techniques reposant le plus souvent sur des technologies sophistiquées, les plus récentes étant encore en cours d’évaluation. Parallèlement, la chirurgie d’exérèse classique a évolué pour devenir moins agressive. Au total, l’exigence de moindre morbidité est devenue prioritaire, l’efficacité à long terme secondaire, et l’arrivée des nouvelles technologies a augmenté le coût direct de ces interventions.