La présence croissante du moustique tigre en France s’accompagne d’un risque de foyers épidémiques de différentes arboviroses, dont le chikungunya. Des chercheurs de l’Institut Pasteur ont en effet montré que ce virus peut se transmettre à des températures tempérées…

En 2023, 71 départements métropolitains sont colonisés par le moustique tigre (Aedes albopictus), selon le ministère de la Santé (4 de plus par rapport à l’année dernière).

Le risque d’importation et d’installation sur le territoire de maladies infectieuses transmises par ce vecteur (dengue, chikungunya, Zika) est donc important, et d’autant plus dans un contexte de changements climatiques et environnementaux, comme l’a récemment rappelé la DGS. Toutefois, même sans atteindre de fortes températures, existe-t-il un risque de transmission de ces virus ? C’est ce que suggère une étude française qui a été publiée dans la revue Journal of Travel Medicine.

Des scientifiques de l’Institut Pasteur et de l’université Paris Cité ont examiné les effets de la température sur la dynamique de transmission du virus du chikungunya par le moustique tigre. À partir de moustiques prélevés à Montpellier, ils ont analysé les mécanismes moléculaires adaptatifs induits par la température (à 20 °C ou à 28 °C), en étudiant l’expression des gènes des moustiques et leur microbiome bactérien, ainsi que la diversité des populations virales elles-mêmes.

Ils ont ainsi montré que la différence des températures modifie profondément ces trois paramètres, mais que ces ajustements aboutissent à une transmission du chikungunya aussi efficace à 20 °C qu’à 28 °C : « Il s’agit d’un véritable exemple d’ajustement mutuel entre le virus et le vecteur, ici le moustique tigre, en réponse à l’environnement », explique la Pr Anna-Bella Failloux, dernière auteure de l’étude. Ainsi, le chikungunya est susceptible de poursuivre son expansion dans les régions à climat tempéré, où le moustique tigre est de plus en plus implanté, et « pourrait devenir un problème de santé publique dans un nombre croissant de pays en Europe », avertissent les auteurs.

Le virus du chikungunya a, en effet, été signalé pour la première fois dans ce continent en 2007, lors d’une épidémie en Italie. En France, les premiers cas autochtones, dans le sud, ont été observés à l’automne, en 2010 puis en 2014 et 2017 : les cas importés en 2010 (deux personnes revenant d’Inde) ont été à l’origine d’une chaîne de transmission aboutissant à ces premiers cas autochtones recensés en métropole, mais à l’heure actuelle tous les cas recensés en France métropolitaine ne proviennent pas d’un cycle enzootique de transmission.

Début juin 2023, la surveillance de Santé publique France recensait 2 cas importés de chikungunya (en Île-de-France et dans le Grand-Est : départements où le moustique tigre est implanté), de voyageurs en provenance du Mali et du Tchad. Si aucun cas autochtone n’avait été recensé sur le territoire métropolitain à cette date, Santé publique France a alerté sur des foyers actuellement actifs d’autres arboviroses transmises par ce moustique (dengue) en Martinique et en Guadeloupe, dans un contexte de recrudescence de cas de dengue et chikungunya en Amérique latine.