La prise en charge nutritionnelle après une chirurgie bariatrique est trop souvent négligée, et les patients perdus de vue. Or elle est indispensable, à la fois pour assurer le succès de l’intervention et pour limiter le risque de carences et de complications. Bilans, supplémentations spécifiques et conseils diététiques : on vous donne toutes les clés pour la pratique.

La chirurgie bariatrique, indiquée en dernier recours dans la prise en charge de l’obésité de l’adulte, est de plus en plus pratiquée. Tout médecin généraliste aura donc des personnes opérées dans sa patientèle. Il joue un rôle fondamental pour éviter les ruptures de soins postopératoires (aujourd’hui, seule la moitié des patients sont suivis à deux ans !) et notamment pour effectuer un suivi nutritionnel.

Ce suivi nutritionnel garantit le succès de la chirurgie et la prévention des carences pouvant aboutir à des complications parfois graves. En effet, les modifications profondes de l’anatomie et de la physiologie digestives engendrées par la chirurgie favorisent des carences en oligo-éléments et vitamines, qui peuvent être précoces ou survenir longtemps après la chirurgie et conduire à des complications (anémie, troubles neurologiques, ostéoporose…) potentiellement sévères et irréversibles.

Fréquence du suivi

Les deux premières années postopératoires, le suivi est rapproché : tous les 3 mois la 1re année, puis à 18 et 24 mois. S’il mobilise d’abord le médecin spécialiste de l’obésité, le chirurgien et le diététicien, le MG assure une surveillance à intervalles réguliers entre les consultations spécialisées la 1re année, puis le suivi peut être alterné entre l’équipe médico-chirurgicale et le MG et l’IPA si l’état du patient est stabilisé.

À partir de la 3e année, si l’état de santé est stabilisé, le suivi spécifique à la chirurgie bariatrique est réalisé tous les 6 mois par le MG ou l’IPA ; il est ensuite annuel à vie après la 5e année, tandis que le suivi spécialisé s’espace à tous les 3 à 5 ans.

C’est pourquoi le MG doit connaître les grands principes de la prise en charge diététique et de la supplémentation (v. ci-après), ainsi que les bilans biologiques à effectuer (v. encadré).

Ce suivi comprend le renouvellement des suppléments en vitamines et en minéraux et le repérage des complications nutritionnelles, entre autres aspects (ajustement et renouvellement des prescriptions, dépistage des complications chirurgicales, digestives, des difficultés d’adaptation…).

Le suivi à long terme a pour but de vérifier l’adhésion aux conseils de comportement hygiénodiététiques et l’observance de la supplémentation (v. ci-après), de réitérer les conseils alimentaires et dépister d’éventuels problèmes de tolérance digestive (reflux gastro-œsophagien, nausées, vomissements, diarrhée…), qui doivent aussi faire rechercher des complications.

Après quelques mois ou années, une reprise pondérale modérée est habituelle. Elle impose une analyse détaillée des pratiques alimentaires (grignotages, dérive de la taille des portions, non-respect de l’équilibre alimentaire, consommation de boissons caloriques, réapparition de troubles des conduites alimentaires…) et des habitudes de vie (sédentarité) pour redéfinir des objectifs réalistes.

Conseils diététiques

La réalimentation postopératoire immédiate exclut : boissons gazeuses, aliments riches en fibres, légumes secs, viandes à fibres longues, pain, céréales, semoule, riz et maïs. Après 15 jours, une alimentation à texture normale est reprise progressivement, en veillant à réduire les portions, fractionner les repas (au moins 5 prises/jour) et hacher certains aliments (viande) pendant le 1 mois. Le sucre et les produits sucrés sont supprimés pour éviter le dumping syndrome (symptômes postprandiaux liés à une vidange [dumping] gastrique trop rapide ou prématurée dans l’intestin grêle).

À moyen terme, une évaluation régulière des apports nutritionnels et des éventuels effets indésirables permettent d’adapter la prise alimentaire.

Les quelques grands principes suivants sont à respecter pour améliorer la tolérance et éviter les carences protéiques tout en restreignant les apports caloriques.

Sur le plan nutritionnel :

– apports adéquats en protéines : au moins 60 g/j (idéalement au moins de 1,1 g de protéines/kg de poids idéal/jour). Si cet objectif n’est pas atteint, un enrichissement alimentaire, voire l’utilisation de compléments nutritifs oraux sont proposés pour prévenir le risque de dénutrition protéique, tout particulièrement après un bypass (le bypass, mais aussi la sleeve gastrectomie, entraînent une satiété précoce et une perception modifiée du goût qui peut amener à restreindre les apports quotidiens spontanés à < 1 200 kcal/jour) ;

– réintroduction prudente des légumes et céréales riches en fibres ;

– au cours du 2e mois, la tolérance des produits sucrés, des aliments gras et épicés peut être testée ;

– après le 3e mois, les restrictions peuvent être levées sous réserve de la consommation de petites quantités et d’une mastication prolongée (v. ci-après) ; la prise de collations (fruits, yaourt) est recommandée :

– respect général d’un équilibre alimentaire quotidien : 5 fruits et légumes frais par jour, 1 portion de féculents, ½ tranche de pain, 100 g de viande, poisson ou volaille ou 2 œufs, 30 g de fromage ou 2 yaourts, 3 à 4 cuillères à café d’huile.

Sur le plan comportemental :

– fractionner les repas et réduire les portions pour améliorer la tolérance gastrique ;

– mastiquer longuement de petites bouchées : repas pris lentement, dans le calme (durée moyenne du repas : environ 30 minutes) pour limiter les blocages ;

– boire à distance des repas, pour limiter une dilatation de la poche gastrique et éviter de remplir inutilement l’estomac aux dépens des aliments ;

– préférer les aliments solides ;

– supprimer les boissons gazeuses et sucrées et éviter aliments sucrés pour prévenir un dumping syndrome.

La supplémentation en pratique

Un traitement par oligoéléments et multivitamines est systématique pendant la période d’amaigrissement, quelle que soit la technique chirurgicale utilisée.

Au-delà, il est poursuivi en fonction des résultats des dosages biologiques et des profils d’alimentation des patients lors des techniques restrictives (v. encadré et tableau 1).

Il est poursuivi à vie lors des chirurgies avec un niveau élevé de malabsorption et le bypass gastrique de Roux-en-Y (tableau 1).

Pour le traitement des carences symptomatiques, les posologies sont listées dans le tableau 2. Porter une attention particulière au risque de carence en vitamine B1, en particulier en cas de vomissements.

Encadre

Bilan biologique après chirurgie bariatrique

La surveillance biologique est régulière : à 3 mois, 6 mois, 12 mois puis 1 à 2 fois par an à vie.

Au minimum : hémogramme, ionogramme, créatinine et dosages plasmatiques du magnésium, phosphore, calcium, albumine, 25 -(OH)-vit D3, PTH, folates, ferritine, CRP, vit B12, zinc, pour tous les types de chirurgie bariatrique.

Compléter par un dosage de vit A et retinol-binding protein, vit E, vit K, cuivre, pour les chirurgies ayant un niveau élevé de malabsorption.

D’après
HAS. Obésité de l’adulte : prise en charge de 2e et 3e niveaux. 28 février 2024.
Schlienger JL. Les clés de l’indispensable suivi nutritionnel après chirurgie bariatrique.  Diabétologie Pratique 11 juin 2024.
Nobile C. Chirurgie bariatrique : attention aux complications à long terme.  Rev Prat (en ligne) 7 mars 2022.
Nuzzo A, Czernichow S, Hertig A, et al. Complications nutritionnelles de la chirurgie bariatrique et surveillance des patients opérés.  Rev Prat 2022;72(2);168-74.
À lire aussi :
Nobile C. Surpoids/obésité : nouvelles recos de la HAS pour le médecin traitant.  Rev Prat (en ligne) 29 février 2024.
Dossier Chirurgie bariatrique, élaboré selon les conseils du Pr Sébastien Czernichow et du Dr Tigran Poghosyan.  Rev Prat 2022;72(2);149-88.

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