La chirurgie réfractive désigne l’ensemble des procédures visant à corriger les anomalies optiques de l’œil (essentiellement myopie, hypermétropie, astigmatisme et presbytie) pour s’affranchir, au moins partiellement, des lunettes ou lentilles de contact. Il existe divers procédés impliquant soit un remodelage de la surface oculaire (au niveau de la cornée), soit l’implantation d’une lentille réfractive (dans le segment antérieur intraoculaire).1 Le bilan d’opérabilité permet de déterminer si le patient est éligible à la chirurgie et quelle technique lui est la plus appropriée.

La chirurgie réfractive en 2021

En France, entre 150 000 et 200 000 actes de chirurgie réfractive sont réalisés par an, dont plus de 80 % par la technique du Lasik (laser-assisted in situ keratomileusis) [encadré 1]. Aux États-Unis, presque 20 millions d’actes de Lasik ont été réalisés en vingt ans. La chirurgie réfractive n’est pas prise en charge par la Sécurité sociale, mais l’est souvent par les mutuelles (au moins partiellement). Les tarifs en France sont libres et varient d’un centre à l’autre. Il faut compter entre 2 000 et 4 000 euros pour un geste bilatéral en 2021. L’obligation de moyens et de résultats est bien sûr évidente.

Évaluer la balance bénéfices-risques pour chaque patient

 

Le patient est-il éligible ?

Un bilan d’opérabilité complet est nécessaire en amont de toute chirurgie réfractive. Il doit être réalisé dans un environnement très spécialisé et expert de la cornée, du cristallin et de la réfraction oculaire. Il vise à dépister des maladies sous-jacentes, les contraintes techniques ou les incompatibilités. L’absence de kératocône sous-jacent est, par exemple, à rechercher avant toute chirurgie laser. En effet, cette pathologie de la cornée, relativement fréquente chez l’adulte jeune, peut se trouver aggravée ou déclenchée par l’amincissement opéré par le laser. Les maladies chroniques à manifestations systémiques (inflammatoires, auto-immunes, neurologiques, endocriniennes, etc.) sont également à étudier au cas par cas car elles sont souvent des causes de non-opérabilité. Il s’agit aussi de récuser les patients dont la correction est trop faible ou ceux pour lesquels l’efficacité du geste a un fort risque de décroître avec le temps. Enfin, le patient doit en général avoir plus de 20 ans et une vision stabilisée depuis au moins deux ans.

 

 

 

Une chirurgie de compromis

Le patient doit obtenir une amélioration durable de sa dépendance aux lunettes sans trop souffrir des effets indésirables inhérents à la procédure choisie. Le rôle du médecin est donc d’évaluer les compromis visuels acceptables par le patient, en tenant compte de ses attentes et de son profil fonctionnel (âge, activités professionnelles, conduite automobile et loisirs).2 Cela permet de choisir la technique chirurgicale en conséquence. En effet, aplatir la cornée induit des halos la nuit, découper un volet cornéen (Lasik) provoque une sécheresse oculaire transitoire, positionner un implant multifocal implique une perte de contraste en faible luminance, etc. Un certain niveau de neuro-adaptation permet certes de gommer une partie de ces troubles optiques, mais il ne doit pas dispenser de l’évaluation du profil fonctionnel du patient. Enfin, les attentes du patient et le discours du médecin doivent être réalistes : l’indépendance totale vis-à-vis des lunettes, pour toutes les distances et pour toujours ne doit pas être promise, même si elle peut être atteinte pour de nombreux patients. En effet, le système optique (cornée-pupille-cristallin) évolue avec l’âge et les retouches chirurgicales ne sont pas toujours possibles.

 

 

Quelle technique pour quel patient ?

 

Amétropies faibles

La photoablation cornéenne par laser excimer est sans doute le procédé le plus répandu pour corriger les amétropies allant de -8 dioptries (δ) à +5 δ pour la sphère et -4 δ à +4 δ pour le cylindre. Sa simplicité de mise en œuvre permet de corriger la vision sans pénétration intraoculaire. Cela limite les risques opératoires au seul champ de la cornée, contrairement aux chirurgies intraoculaires, considérées comme plus invasives. La sécurité de la photoablation cornéenne par laser excimer est excellente et ses complications sévères extrêmement rares.
Deux techniques sont possibles : correction de l’amétropie en surface (photokératectomie réfractive ou PKR) ou sous un volet (Lasik).
Le Lasik (encadré 1) est le procédé le plus utilisé car il permet une récupération de la vision en quelques heures. Il comprend une étape indispensable avant la photoablation au laser excimer : la création d’un volet superficiel d’un diamètre d’environ 9 mm retenu par une charnière. Ce volet cornéen est découpé soit grâce à une lame de microkératome mécanique, soit à l’aide d’un laser femtoseconde (fig. 1). Récemment, certains lasers femtoseconde ont permis d’éviter la photoablation par laser excimer grâce à la découpe d’un lenticule réfractif dans la cornée, manuellement retiré ensuite par le chirurgien par une petite incision (technique du Smile).3, 4
La PKR (encadré 2) permet une récupération de la vision plus tardive, en quelques jours. En effet, cette technique ne nécessite pas la découpe d’un volet cornéen mais occasionne un ulcère de la surface cornéenne dont la cicatrisation est douloureuse pendant au moins qurante-huit heures.
Les nouvelles stratégies de photoablation par laser contiennent un système de traque oculaire, qui permet de compenser les mouvements oculaires dans toutes les directions, de limiter les zones de transition abruptes et la consommation inutile de tissu.

 

 

 

Presbytie

La presbytie, perte progressive de l’accommodation, est plus complexe à compenser que les autres amétropies auxquelles elle s’associe éventuellement. En effet, l’accommodation est un processus actif relié à la déformation de la surface du cristallin que la chirurgie réfractive ne sait pas reproduire véritablement. Les stratégies de compensation par une pseudo-accommodation sur la cornée ou dans le cristallin sont alors les alternatives thérapeutiques. Elles reposent principalement sur deux principes optiques : la multifocalité et la monovision (simple ou améliorée), obtenues soit sur la cornée, soit au niveau du cristallin.
La multifocalité peut être obtenue de diverses manières : par division de la lumière en plusieurs foyers par des zones réfractives modifiées (hyper-asphériques ou en zones concentriques) ou par l’utilisation de la diffraction à travers une gravure sur une surface réfractive (fig. 2).
La monovision simple repose sur le procédé suivant : l’œil dominant est identifié et traité totalement pour une vision nette de loin ; l’œil dominé est myopisé volontairement pour la vision intermédiaire (à 60 cm de distance). Pour limiter la « myopisation » de l’œil dominé, la technique de la monovision améliorée (Presbylaser ou PresbyLasik) a été développée avec les lasers. Elle consiste à associer à la monovision simple la réalisation d’une surface hyper-asphérique sur l’œil dominé par aplatissement plus abrupt de la cornée périphérique. Le jeu naturel de la pupille, qui se contracte en vision de près et se dilate en vision de loin, permet la gestion efficace de cette varifocalité.
La chirurgie laser de la cornée est proposée en premier lieu, surtout pour la presbytie débutante à modérée.
La chirurgie du cristallin clair (absence de cataracte), dite Prelex (Presbyopic Lens Exchange), est le plus souvent choisie lorsque les capacités d’accommodation sont réduites, après 55 ans et en l’absence de contre-indication (anomalies de la rétine, du nerf optique, de la cornée, sécheresse oculaire…). La technique est bien maîtrisée puisque identique à celle de la cataracte : un implant soit diffractif soit réfractif est mis en place. L’exigence chirurgicale est forte dans cette configuration. Le laser peut être combiné aux implants dans certains cas.

 

 

 

 

Fortes amétropies

Pour les fortes amétropies allant au-delà des possibilités du laser, et notamment pour les myopies très fortes (au-delà de -8 δ), les implants phaques (à cristallin conservé) sont disponibles pour de larges plages de correction (jusqu’à -16 δ). Ils sont réalisés sur mesure, ont la consistance des lentilles de contact souples et sont glissés dans l’œil dans l’espace compris entre le cristallin et l’iris. La précision de leur dimensionnement est essentielle pour qu’il n’y ait pas de contact avec le cristallin et pour éviter tout bombement en avant. Une fois bien positionnés, ils restent en place durant plusieurs décennies, jusqu’à l’apparition de la cataracte. Ils seront retirés à l’occasion de cette nouvelle chirurgie.
Les patients hypermétropes forts (plus de +6 δ) sont rares mais sont les plus complexes à traiter : leurs yeux sont trop petits pour pouvoir y loger un implant phaque et il est difficile de faire bomber la cornée au-delà de 5 à 6 δ. La chirurgie du cristallin est possible mais induit une presbytie prématurée à corriger avec des verres de lunettes ou des implants multi­focaux.
Enfin, les forts astigmates (plus de 6 δ) souf­frent de restrictions similaires, mais plusieurs méthodes peuvent être cumulées.
Pour traiter l’hypermétropie ou la presbytie, un certain nombre d’implants intracornéens est également disponible. Ils sont mis en place dans l’axe optique sous un volet de Lasik ou dans une poche prédécoupée au laser femtoseconde. En pratique, leur centrage étant difficile et leur tolérance à long terme réservée, leur utilisation reste très confidentielle.

 

 

Et après la chirurgie ?

Une surveillance postopératoire très prolongée est essentielle. Partie intégrante du traitement, elle consiste à vérifier sur de nombreuses années la stabilité de la cornée, des implants et l’absence de signe d’intolérance (sécheresse oculaire, tension oculaire, lésion endothéliale cornéenne, cataracte). Des recommandations doivent être prodiguées aux patients sur le très long cours : visites annuelles de surveillance chez un médecin équipé, éviction de tout traumatisme oculaire, notamment les frottements cornéens.

Évolutions à venir

Les dernières innovations portent sur l’élargissement des profils de patients éligibles à la photoablation et sur la découverte de designs optiques d’implants à profondeurs de champ étendues. Pour traiter la presbytie, des implants restaurant véritablement l’accommodation sont en plein essor mais aucun n’est actuellement validé ni disponible sur le marché. Des inlays biocompatibles obtenus à partir de tissus cornéens de donneurs, et irradiés pour devenir acellulaires, sont en cours d’évaluation. Enfin, l’association de l’intelligence artificielle dans les algorithmes de choix des procédures (profils éligibles au laser, prédiction du bon choix de puissance des implants, évaluation de la réponse biomécanique des tissus oculaires, etc.) induira des améliorations notables dans la prochaine décennie.

Encadre

1. Technique du Lasik

Le Lasik est la technique de chirurgie réfractive cornéenne la plus couramment pratiquée pour corriger, grâce au laser, la vision des patients. On parle de « photoablation par laser ».

C’est un procédé chirurgical qui ne concerne que la cornée : il n’est pas intra-oculaire et ne nécessite pas de pose d’implant.

L’opération Lasik, effectuée sous anesthésie locale, comporte trois étapes principales :

- la découpe du capot stromal (volet superficiel) sur la face antérieure de la cornée;

- la photoablation correctrice au laser excimer;

- la repose du capot, qui recouvre alors la zone ayant reçu la photoablation.

La création du volet est spécifique à la technique du Lasik. Les deux yeux sont traités le même jour.

Encadre

2. Technique de la PKR (photokératectomie réfractive)

La PKR est une technique de photoablation par laser plus ancienne et moins confortable (récupération plus longue et plus douloureuse) que le Lasik. Comme celui-ci, c’est un procédé chirurgical qui ne concerne que la cornée (non intraoculaire et sans implant) mais qui, contrairement à cette technique, ne nécessite pas de découpe de volet. La photoablation, réalisée sous anesthésie locale, est superficielle (l’épithélium cornéen est enlevé manuellement puis la photoablation au laser excimer est réalisée en surface) et permet de préserver l’épaisseur de la cornée. Une lentille pansement est posée en fin d’intervention pour réduire la douleur des jours suivants. Les deux yeux sont traités le même jour.

Références

1. Kim TI, del Barrio J, Wilkins M, et al. Refractive surgery. Lancet. 2019;393(10185):2085-98.
2. Kamiya K, Igarashi A, Hayashi K, et al. A Multicenter Retrospective Survey of Refractive Surgery in 78,248 Eyes. J Refract Surg 2017;33(9):598-602.
3. Davison JA, Johnson SC. Intraoperative complications of LASIK flaps using the IntraLase femtosecond laser in 3009 cases. J Refract Surg 2010;26(11):851-7.
4. Zhang Y, Shen Q, Jia Y, et al. Clinical Outcomes of SMILE and FS-LASIK used to Treat Myopia: a Meta-analysis. J Refract Surg 2016;32(4):256-65.

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essentiel

Depuis plus de vingt ans, la chirurgie réfractive montre une efficacité et un niveau de sécurité élevés. L’innovation est permanente, impliquant des investissements sans cesse renouvelés.

L’accès à une plateforme très spécialisée et diversifiée est primordial.

Le bilan d’opérabilité permet de définir si le patient est éligible à la chirurgie et le choix de la technique à utiliser (laser ou implant).

Il est fondamental d’aborder avec le patient la notion de compromis (relatif aux résultats de la chirurgie) et la nécessité d’une surveillance prolongée.