La France est le pays en Europe qui compte le plus grand nombre de piscines privées et publiques. Les produits de désinfection – indispensables pour éviter la contamination par des micro-organismes – exposent baigneurs et utilisateurs à certains dangers. Quels conseils pour les propriétaires et les nageurs ? Quelles alternatives au chlore ? Quelles précautions pour la manipulation des produits ?

Biocide peu coûteux et très efficace, le chlore est utilisé pour désinfecter l’eau en prévention des risques infectieux, mais il expose à d’autres risques. 

D’une part, les propriétaires des piscines privées ont souvent tendance à sur-chlorer pour obtenir une eau bien bleue. Or, dans ces eaux sur-chlorées, les nageurs sont exposés aux effets irritants du chlore libre sur les muqueuses et les voies respiratoires. Pendant les vacances (location de villas ou fréquentation des piscines d’hôtel), les baigneurs – notamment les enfants – peuvent avoir en quelques semaines une fréquentation cumulée (en heures) pratiquement équivalente à un an de fréquentation d’une piscine publique !

D’autre part, le chlore réagit avec les matières organiques apportées par les baigneurs (urine, salive, sueur) pour produire des chloramines et autres sous-produits de chloration. Le plus dangereux de ces résidus de chloration est la trichloramine, un gaz irritant et très volatil qui peut atteindre le poumon profond. La concentration peut être très élevée dans les piscines intérieures publiques ainsi que dans les piscines privées intérieures ou sous un abri bas.

Quel impact sur la santé ?

Les études épidémiologiques menées depuis le début des années 2000 montrent que les produits de chloration jouent un rôle dans le développement de l’atopie : la baignade précoce dans des piscines chlorées augmenterait les risques de sensibilisation aux aéroallergènes perannuels comme les acariens. 

Ces irritants peuvent aussi favoriser la survenue de bronchiolite et d’infections respiratoires récurrentes. Les enfants sont particulièrement sensibles, en raison de l’immaturité de leurs poumons et de leur système immunitaire.

Quelles alternatives au chlore ?

L’ozonation est une alternative très efficace, mais beaucoup plus coûteuse. Les bromamines semblent moins irritantes que les chloramines mais les sous-produits de bromation pourraient être plus génotoxiques. Enfin, les procédés cuivre-argent sont intéressants mais ils posent un problème environnemental (le rejet du cuivre, un polluant, est cadré par une directive européenne).

Attention : le traitement au sel n’est pas une alternative : le sel (chlorure de sodium) n’est que le substrat utilisé par électrolyse pour générer du chlore gazeux qui, dans l’eau, se transforme en hypochlorite et acide hypochloreux, avec donc la formation des mêmes sous-produits de chloration que dans une piscine chlorée. De plus, le sel utilisé peut comporter des impuretés (ex. : iode) qui pourraient augmenter la génotoxicité des sous-produits de chloration.

En pratique, le plus simple est d’utiliser le chlore, mais dans de bonnes conditions (cf. ci-après).

Conseils pour les propriétaires de piscines et les nageurs

Pour les gestionnaires de piscines :

  • Ne pas sur-chlorer : ne pas dépasser 1,5 ppm (1 ppm = une part par million ou 1 mg/litre) de chlore libre. Lorsque que le risque infectieux est faible (piscine privée bien entretenue et peu fréquentée), la désinfection de l’eau peut être obtenue avec 1 ppm voire 0,5 ppm de chlore libre si la qualité de l’eau est assurée par une bonne filtration.
  • Maintenir le pH entre 7,0 et 7,4 pour avoir suffisamment de chlore actif (sous forme d’acide hypochloreux). Un pH trop acide (< 7) comporte des risques d’érosion des dents tandis qu’un pH trop basique (> 7) rend le chlore inefficace.
  • Si possible, vérifier les niveaux de chloramines dans l’eau (chlore combiné) et le maintenir en dessous de 0,2 ppm.
  • Dans le cas d’une piscine intérieure ou sous un abri bas : assurer une bonne ventilation pour maintenir la concentration de trichloramine au plus bas (< 200 mg/m3).

Pour les nageurs :

  • Passer par les toilettes et prendre une douche avec savon avant de se baigner.
  • Éviter si possible les heures de fortes affluences.
  • Se méfier des piscines publiques intérieures où il règne une très forte odeur de « chlore » qui en réalité est l’odeur de la trichloramine : c’est le signe d’une importante contamination de l’eau de la piscine par de l’urine.
  • Se méfier des piscines extérieures où on ressent à la surface une forte odeur de chlore : c’est le signe d’une piscine sur-chlorée avec des risques d’irritation de la peau et des muqueuses.
  • Yeux rouges, irritation de la peau et des voies respiratoires sont les manifestations d’une piscine dont l’eau et l’air contiennent des concentrations trop élevées de chlore et chloramines.
  • Pour une pratique de bébé nageur sans risques, choisir une piscine qui respecte scrupuleusement les normes recommandées pour la qualité de l’eau et de l’air. Évitez que l’enfant n’avale de l’eau de la piscine et limiter la séance à moins de 20 minutes.
  • Pour les nageurs souffrant d’allergie ou d’asthme, opter pour une piscine non chlorée ou, si cela n’est pas possible, s’assurer que la fréquentation d’une piscine chlorée n’est pas suivie d’une exacerbation des symptômes respiratoires, ou que l’arrêt de la fréquentation ne s’accompagne pas d’une atténuation de ceux-ci. Si ce n’est pas le cas, les risques de la chloration l’emportent sur les bénéfices de la natation.

Bien utiliser les produits de désinfection

Comment conserver les produits ?

Lors d’un stockage prolongé ou en présence d’humidité, les produits peuvent se dégrader et libérer au moment de l’ouverture des vapeurs toxiques responsables d’une irritation grave des voies respiratoires.

Il faut conserver ces produits :

  • dans un endroit frais ;
  • à l’abri des rayons du soleil et de l’humidité ;
  • dans leur récipient d’origine ;
  • fermés et en position verticale.

Ne pas les entreposer à proximité de matières inflammables comme des solvants ou de l’essence, en raison du risque d’incendie ou d’explosion.

Comment les manipuler ?

  • Ouvrir le produit avec précaution, de préférence à l’extérieur, en évitant de respirer les vapeurs qui pourraient s’en dégager ;
  • si une dissolution préalable est nécessaire, toujours verser le produit dans l’eau et non l’inverse (risque de projections et de brûlures) ;
  • ne pas mélanger dans un même récipient des produits de chloration avec d’autres produits pour la piscine comme ajusteurs de pH, eau de javel… (risque de dégagement de vapeurs ou réaction explosive). Pour éviter ce type d’accident, utiliser des verres doseurs différents, propres et secs pour chaque produit.

Que faire en cas d’accident ?

  • en cas de projection accidentelle de produits dans les yeux : rincer immédiatement sous un filet d’eau tiède en maintenant les yeux ouverts pendant une dizaine de minutes, retirer les lentilles de contact éventuelles ; si l’irritation persiste, appeler le Centre antipoison de votre région ;
  • en cas de contact prolongé avec la peau : rincer immédiatement et abondamment pendant une dizaine de minutes ; si l’irritation persiste, appeler le Centre antipoison de votre région ;
  • en cas d’inhalation de vapeurs : la personne intoxiquée doit rapidement être mise à l’air libre, en position semi-assise, buste légèrement incliné. Appeler sans délai le 15 en cas de difficultés graves à respirer. Appeler le Centre antipoison de votre région en cas de persistance d’irritation respiratoire : toux, irritation des voies aériennes.

Pour en savoir plus
Nobile C. Chlore dans les piscines : pas bon pour les poumons !  Rev Prat (en ligne) 31 juillet 2023.
Anses. Désinfectants pour piscines et spas : respecter les précautions d’emploi. 28 juillet 2021.
Bernard A. La face cachée des piscines désinfectées par chloration.  Vidal 14 février 2023.
Couto M, Bernard A, Delgado L, et al. Health effects of exposure to chlorination by-products in swimming pools.  Allergy 2021;765(11):3257-75.
Bernard A, Nickmilder M, Voisin C, et al. Impact of chlorinated swimming pool attendance on the respiratory health of adolescents. Pediatrics 2009;124(4):1110-8.
Andersson M, Hedman L, Nordberg G, et al. Swimming pool attendance is related to asthma among atopic school children: a population-based study. Environ Health 2015;14:37.
Andersson M, Backman H, Nordberg G, et al. Early life swimming pool exposure and asthma onset in children - a case-control study. Environ Health 2018;17(1):34.
Voisin C, Sardella A, Marcucci F, et al. Infant swimming in chlorinated pools and the risks of bronchiolitis, asthma and allergy.  Eur Respir J 2010;36(1): 41-7.
Nickmilder M, Bernard A. Associations between testicular hormones at adolescence and attendance at chlorinated swimming pools during childhood.  Int J Androl 2011;34(5 Pt 2):e446-58.

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