Diarrhée aqueuse aiguë à fort potentiel épidémique causée par certaines souches toxigéniques de Vibrio cholerae.
Seuls les sérotypes O1 et O139 sont en cause (O1 de biotype El Tor dans la pandémie actuelle).
Symptomatologie induite par la toxine cholérique :
– sécrétée après colonisation de l’intestin grêle ;
– la sous-unité A, une fois dans la cellule intestinale, provoque l’ouverture de canaux membranaires via une activation excessive d’AMP cyclique => fuite liquidienne vers la lumière intestinale, à l’origine de diarrhées, vomissements et déshydratation.
Symptômes plus marqués si : inoculum important, faible acidité gastrique (dénutrition ou ingestion simultanée d’un repas tamponnant l’acidité).
Facteurs liés à hôte : immunité innée et acquise, groupe sanguin (O : risque accru de formes sévères).
Principal mécanisme : surtout sécrétion d’immunoglobulines A vibriocides, mais aussi d’immunoglobuline A antitoxine.
Après l’infection : acquisition d’une immunité partielle (3 à 5 ans au minimum) contre le sérotype impliqué.

100 000 décès par an ?

Environ 3 millions de cas et 100 000 décès par an selon une modélisation (fiabilité ?).
Rapportés chaque année à l’OMS : entre 100 000 et 300 000 cas ; entre 1 300 et 19 500 décès.
Mode endémique (V. cholerae circule en permanence au sein de la population, comme au Bangladesh) ou épidémique (flambées mais pas de maintien durable).
Transmission d’homme à homme par voie féco-orale, soit directement par les mains souillées après un contact avec un malade, soit indirectement par ingestion d’eau (de surface ou stockée à domicile) ou d’aliments contaminés par des matières fécales.
V. cholerae étant détruit par l’acidité gastrique, l’inoculum nécessaire à l’apparition de signes cliniques est important – 108 à 1011 bactéries – chez les sujets sains => des mesures d’hygiène simples suffisent à éviter la contamination.

Diarrhée aqueuse

En cas d’épidémie, environ un quart des personnes contaminées ont une diarrhée aiguë ± sévère, débutant quelques heures à 6 jours après l’ingestion de l’inoculum.
Forme la plus sévère : diarrhée aqueuse pouvant atteindre 1 L/h (eau un peu trouble et grisâtre avec des fragments muqueux, évoquant « l’eau de riz » après cuisson).
Parfois associée à des vomissements.
Sans fièvre ni syndrome dysentérique, à moins d’une infection concomitante.
Signes de déshydratation d’installation rapide, allant de la simple soif à l’état de choc hypovolémique et au décès par déplétion hydrique (tableau) ;
Troubles hydro-électrolytiques possibles : acidose (par pertes digestives de bicarbonate et acidose lactique en cas de choc) pouvant se manifester sous forme de dyspnée de Kussmaul (polypnée profonde et régulière) ; hypokaliémie ; hyponatrémie ; hypocalcémie (crampes musculaires) ; hypoglycémie chez les enfants ; choc hypovolémique (risque d’insuffisance rénale ou d’AVC, surtout chez les personnes âgées).
Femmes enceintes : accouchements prématurés ou fausses couches.

Diagnostic le plus souvent présomptif

Identification par méthodes de culture à partir d’échantillons de diarrhée (excellente spécificité mais demande 48 heures) + antibiogramme.
Autres tests :
– spectrométrie de masse par MALDI-TOF ;
– PCR régulièrement proposée en alternative car plus rapide ;
– tests rapides du choléra (immunochromatographie) au lit du malade : spécificité insuffisante => diagnostic présomptif la plupart du temps.

Prise en charge

Réhydratation rapide et adaptée, évaluée cliniquement (tableau) => effondrement de la létalité de 50 % à moins de 1 %.
Si déshydratation sévère :
– voie IV (+++) et soluté de Ringer Lactate (composition assez proche de celle des selles cholériques) ;
– 30 mL/kg la 1re heure, puis 70 mL/kg durant les 5 heures suivantes avant 5 ans ; 30 mL/kg pendant 30 minutes, puis 70 mL/kg durant 2 h 30 chez les plus de 5 ans (en plus de la compensation des pertes en cours) ;
– si malnutrition sévère : attention au risque de surcharge hydrique et d’insuffisance cardiaque ;
dès que l’état du patient le permet : associer une réhydratation orale (soluté de type OMS à osmolarité réduite ; préférer une formule à base de riz) ;
– alimentation : interrompue pendant les premières heures de la réhydratation pour limiter le risque de vomissements (sauf chez les nourrissons en cours d’allaitement ou les enfants ayant une malnutrition aiguë sévère), encouragée par la suite.
Antibiotiques :
– réduisent de moitié l’intensité de la diarrhée et la durée des symptômes et donc la contagiosité ;
– administrés dès que la voie orale est possible ;
– réservés aux patients ayant une déshydratation modérée à sévère ;
– choisir selon les niveaux d’antibiorésistance observés localement ;
doxycycline en monodose : 300 mg chez l’adulte ou 5 mg/kg chez l’enfant de 8 ans et plus ;
– < 8 ans : érythromycine 12,5 mg/kg 4 fois/j pendant 3 jours ;
– en cas de résistance : ciprofloxacine chez l’adulte 500 mg 2 x/j durant 3 jours ou dose unique de 1 g, et chez l’enfant 15 mg/kg 2 x/j, pendant 3 jours.
Supplémenter l’enfant en zinc : (10 mg/j avant 6 mois, 20 mg entre 6 mois et 5 ans, per os), pendant 10-14 jours, réduit la sévérité et la durée des symptômes.

Prévention

Améliorer l’accès à l’eau potable (fourniture ou distribution de produits de traitement de l’eau), promotion de l’assainissement et de l’hygiène des mains, de la nourriture, des pratiques funéraires.
Vaccins oraux :
– WC, vaccin bivalent O1 et O139 entier inactivé (Shan-Chol, Euvichol, mORCVAX) ;
– WR-rBS, vaccin monovalent O1 entier inactivé associé à une sous-unité B recombinante de la toxine cholérique (Dukoral) ;
– à administrer en 2-3 doses ;
– bonne tolérance ;
– efficacité modérée : 57 % à 2 ans (44-67 %) ; en population générale, elle serait de 76 % (estimée à l’issue de campagnes de vaccination de masse) ;
– protection durant au moins 3 ans.
Antibioprophylaxie des sujets contacts :
– recommandée par l’OMS (même schéma qu’en curatif) ;
– difficile à mettre en œuvre en pratique et risque de sélection de souches résistantes.
Encadre

D’où vient le choléra ?

• Au XIXe siècle, le choléra s’est répandu depuis le golfe du Bengale sur l’ensemble de la planète, provoquant 6 vagues pandémiques. La 7e, débutée en 1961 en Indonésie, s’est propagée en Asie dans les années 1960 vers l’Europe et l’Afrique au début des années 1970, et en Amérique latine dans les années 1990.

Loin de régresser, cette maladie est toujours d’actualité, comme en témoignent les spectaculaires flambées qui ont affecté Haïti entre 2010 et 2018 ou le Yémen depuis 2016. Objectif de l’OMS : l’éliminer à l’horizon 2030.

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