La topographie de l’alopécie oriente la réflexion.
Alopécie diffuse : l’interrogatoire est crucial
– accouchement, tout épisode fébrile ayant duré quelques jours, voire syndrome « pseudo-grippal » hivernal, perte de poids rapide, changement de contraception avec impact androgénique ;
– alopécie diffuse de la syphilis secondaire (3 à 6 mois après le contage ⇒ test VDRL, TPHA).
Période de début moins précise, plus ancienne, facteur déclenchant moins évident :
– penser à une carence en fer chez une femme non ménopausée (ménorragies, stérilet au cuivre) ⇒ NFS, ferritine ;
– carences alimentaires, syndrome de malabsorption, maladie de système évoqués par l’interrogatoire ou l’examen clinique ⇒ bilan nutritionnel, bilan d’auto-immunité (lupus systémique) ; exploration digestive si anémie ferriprive sans étiologie ;
– le dosage de la TSH est systématique ;
– questionner sur les pratiques cosmétiques dont les patientes ne parlent pas spontanément : lissages des cheveux, brushings traumatisants ;
– penser à une pelade diffuse, de diagnostic difficile ⇒ trichogramme.
Alopécie prédominant sur une ou plusieurs régions
– facilement reconnue chez l’homme ;
– moins fréquente et parfois discrète chez la femme (
– chez la femme non ménopausée, si AAG évolutive et anomalies du cycle menstruel ⇒ bilan hormonal recherchant une hyperandrogénie ;
– chez la femme ménopausée, si AAG évolutive ou d’apparition récente ⇒ dosage de la testostérone.
Disposition évocatrice de traumatismes capillaires
– alopécie marginale frontale et temporale : tresses serrées, rajouts des coiffures africaines. Cette lisière recule progres-sivement ; persistent les cheveux antérieurs échappant aux tractions (
– l’effet nocif des défrisages s’ajoute à celui des tractions ; une alopécie peut résulter d’un seul défrisage agressif ;
– repousse possible au bout d’un temps variable après arrêt des traumatismes, mais évolution fréquente vers une alopécie cicatricielle.
Alopécie frontale fibrosante
– variété de lichen plan pilaire ;
– touche essentiellement les femmes à l’âge de la ménopause;
– recul progressif des cheveux sur la bordure frontale et temporale (
– atteinte presque constante des sourcils.
Trichotillomanie
– cheveux cassés à longueurs différentes sur zones facilement accessibles au patient ;
– beaucoup plus fréquent chez les enfants.
Folliculite fibrosante de la nuque
– rencontrée chez les patients africains et antillais ;
– papules fibreuses périfolliculaires parfois pustuleuses à évolution cicatricielle.
Chute de cheveux localisée : Examen clinique et dermoscopique
– plaques en nombre et taille variables où les cheveux sont cassés plus ou moins courts ;
– apanage non exclusif des enfants ;
– contamination humaine ou animale ;
– examen mycologique à réaliser aussi sur zones squameuses plus diffuses, une teigne pouvant être confondue avec une pathologie inflammatoire (psoriasis, fausse teigne amiantacée).
Plaques alopéciques lisses
– pelade en plaques (pelades ophiasiques et décalvantes totales plus rares) ;
– pseudo-pelade : lésions cicatricielles apparaissant d’emblée ou au cours de l’évolution d’un lichen plan pilaire ;
– petites aires alopéciques en clairière de la syphilis secondaire (3 à 6 mois après le contage ⇒ TPHA, VDLR).
Lésions visibles sur les plaques ou leur contour
– confluence possible de plusieurs plaques ; évolution cicatricielle ;
– lichen plan pilaire, folliculite épilante, lupus chronique ;
– si zones tuméfiées, siège de comédons, parfois de suppuration : cellulite disséquante ;
– consultation dermatologique et souvent biopsie nécessaires.
Lésions cicatricielles révélatrices de pathologies plus rares
– carcinome cutané ;
– morphée ou sclérodermie linéaire (lésion déprimée) ;
– sarcoïdose, amylose, métastase cutanée (lésion infiltrée) ⇒ avis spécialisé, biopsie.
Traitements et toxiques
Recul frontal et temporal avec inhibiteurs EGFR.
Alopécie diffuse avec anti-BRAF et antiangiogéniques.
Alopécie modérée possible avec : anticoagulants, antiépileptiques, antithyroïdiens, rétinoïdes.
Alopécie d’installation brutale 1 à 3 semaines après consommation de cucurbitacées (courges, courgettes, citrouilles) au goût amer.
De la clinique aux examens complémentaires
Test à la traction : il évalue l’importance de la chute. Traction sur une dizaine de cheveux pris entre le pouce et l’index sur 3 points du scalp. Chute physiologique : 1 ou 2 cheveux extraits à chaque fois.
Dermatoscope : cet appareil manuel éclaire tangentiellement la peau et grossit 10 à 20 fois. Accessible à tout praticien. Initialement consacré à l’examen des nævus. Utilisation étendue à l’étude de nombreuses lésions cutanées.
Trichogramme : une cinquantaine de cheveux sont prélevés en plusieurs points et examinés au microscope. Calcul du rapport entre nombre de cheveux anagènes et télogènes et du pourcentage de cheveux dystrophiques. Utile pour confirmer une AAG modérée, une pelade diffuse associée ou non à une AAG, un diagnostic de cheveux anagènes caducs.
Examen mycologique : à réaliser avant tout traitement et si possible dans un laboratoire spécialisé.
Examen histologique : confirme le diagnostic, ou aide à l’établir. Donne plus d’informations s’il est réalisé en début d’évolution.
Chute de cheveux, penser à :
une cause traumatique, surtout chez les patients aux cheveux crépus ;
différencier pelade et pseudo-pelade devant des plaques alopéciques lisses ;
bilan ferrique chez les femmes ayant des menstruations ;
chez les enfants :
– alopécie diffuse : carence en fer ;
– alopécie localisée : trichophytie, alopécie de traction, trichotillomanie ;
– avis spécialisé si anomalies de structure des cheveux ou cheveux rares, poussant peu et venant à la traction (cheveux anagènes caducs ?).
– Baltazard T. Alopécies cicatricielles du cuir chevelu. Rev Prat Med Gen 2019; 33:892-3.