Quoi de neuf dans la consommation ?
L’usage s’est « démocratisé »
L’usage de la cocaïne a été multiplié par 10 entre 1992 et 2023. Le taux d’usage « actuel » – consommation au moins une fois au cours des 12 mois précédents – est passé de 0,3 % à 2,7 % chez les adultes âgés de 18 à 64 ans, selon l’Enquête sur les représentations, opinions et perceptions sur les psychotropes de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT).
Comparée aux autres substances illicites (hors cannabis), la cocaïne a eu la plus forte hausse des expérimentations depuis 2017 avec près de 4 points de pourcentage en plus. Ainsi, en 2023, près de 10 % des adultes en ont consommé au moins une fois au cours de leur vie, contre 5,6 % en 2017. Les classes d’âge les plus concernées par l’expérimentation sont les 25 - 34 ans (13,9 %) et les 35 - 44 ans (13,8 %).
Les hommes sont plus nombreux à avoir une consommation expérimentale ou actuelle que les femmes : 13,4 % contre 5,5 % et 3,9 % contre 1,6 % respectivement, en 2023.
La présence croissante de cette substance dans les marchés illicites concerne toute l’Europe – même si les prévalences de consommation diffèrent beaucoup entre les pays – et répond à une tendance mondiale. D’après l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, la production globale de cocaïne a augmenté de près de 150 % entre 2010 et 2022.
La démocratisation de sa consommation en France répond autant à une abondance de l’offre faisant baisser les prix (autour de 70 €/g à l’échelle européenne aujourd’hui) qu’à une diversification des modalités commerciales (recours à la livraison à domicile et aux outils numériques), selon Ivana Obradovic, directrice adjointe de l’OFDT.
Hausse des intoxications graves
Des données recueillies par l’OFDT et Santé publique France montrent une augmentation forte et continue sur la période 2010 - 2022 des passages aux urgences en lien avec l’usage de cocaïne, en particulier depuis 2021 (figure). Sur cette période, le taux de passages a été multiplié par plus de 3, de 8,6 à 21,2/100 000.
Les intoxications (65 %) étaient le diagnostic de sortie le plus fréquent, suivies de la dépendance (13 %) et du syndrome de sevrage (7,5 %). Les hommes étaient les plus concernés (75 %) et l’âge médian était de 32 ans.
Quels effets et quels risques ?
En phase aiguë, les effets cliniques sont proches de ceux d’un épisode maniaque : euphorie, assurance, estime de soi, besoin réduit de sommeil, énergie accrue, idées de grandeur, hypervigilance, excitation sexuelle… En phase de « descente » (quelques minutes à quelques heures après l’ingestion) : dysrégulation hédonique avec l’apparition possible de troubles délirants aigus, dysphorie, asthénie, irritabilité, perte de l’estime de soi et anxiété. La polyconsommation est fréquente, notamment avec l’alcool, pouvant entraîner d’autres addictions.
Les risques somatiques aigus sont principalement cardiovasculaires : tachycardie et HTA (complications multipliées par 6 entre 2010 et 2016), sur-risque d’infarctus du myocarde, d’AVC, d’hémorragie cérébrale et de convulsions (dans les 60 minutes suivant la prise, le risque de syndrome coronaire est multiplié par 24 ; il est augmenté par l’association avec l’alcool). Ainsi, tout AVC chez un sujet de moins de 50 ans sans antécédent doit faire évoquer un usage de cocaïne. Vomissements et douleurs abdominales, mydriase et pâleur cutanée sont aussi des symptômes fréquents lors de la consommation.
La surdose est une urgence médicale, engageant le pronostic vital : risque de décès par arrêt cardiorespiratoire, hémorragie cérébrale… Il n’existe pas d’antidote ; le traitement est celui de chaque complication.
Enfin, une consommation chronique entraîne une dépendance « psychique », avec apparition de pensées obsédantes, trouble anxieux, dépression, troubles de l’humeur, hallucinations, délire paranoïde (notamment au bruit). Les principales complications sont listées dans le tableau ci-contre.
En pratique : que faire ?
Orienter vers les services spécialisés : https ://www.drogues-info-service.fr/Recherche-professionnelle-multicriteres
Repérer les autres consommations : médicaments (benzodiazépines, opioïdes, traitements substitutifs...) et substances (alcool, tabac, cannabis...).
Dépister : VIH, hépatites B et C.
Évaluer les facteurs de gravité : âge précoce de début de la consommation et ancienneté de celle-ci ; célibat et/ou instabilité de résidence ; problèmes judiciaires ; antécédent de traitement pour dépendance à l’alcool ou autres substances ; polyconsommation de substances psychoactives ; dépendance et sévérité des problèmes addictifs ; être un usager revendeur de cocaïne ; présence de comorbidités psychiatriques ; TDAH.
Encourager et accompagner le sevrage :
– Traitement symptomatique pour les manifestations apparaissant quelques jours à plusieurs semaines après l’arrêt de la cocaïne (humeur dysphorique, asthénie, hypersomnie, augmentation de l’appétit, ralentissement psychomoteur, agitation). Éviter les neuroleptiques, utiliser une benzodiazépine ou la N-acétylcystéïne hors AMM. D’autres traitements sont à l’étude pour la gestion du craving et la prévention de la rechute (outre la N-acétylcystéine : le méthylphénidate, le topiramate et le disulfirame), mais aucun n’a d’AMM.
– Bon à savoir : il n’existe pas de médicaments de substitution officiel.
Une fiche synthétique pour la prise en charge en MG est disponible sur ce lien.
Nobile C. Cocaïne : hausse des intoxications graves. Rev Prat (en ligne) 29 mars 2023.
Martin Agudelo L. Addictions : des fiches synthétiques pour les MG. Rev Prat (en ligne) 18 mai 2022.
Karila L, Benyamina A. Item 78. Addiction au cannabis, à la cocaïne, aux amphétamines, aux opiacés, aux drogues de synthèse (v. item 322). Rev Prat 2022;72(10);1137-44.
Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives. L’essentiel sur… La cocaïne : une diffusion en progression, des risques méconnus. 9 avril 2024.