Le tatouage est l’introduction de pigments ou de colorants exogènes dans le derme, qu’il s’agisse d’un dessin ou d’un maquillage permanent (sourcils, cils, contours des lèvres). Hormis les regrets et les ratés, cette procédure n’est pas dénuée de risque. La fréquence des complications cutanées est mal connue car les patients négligent les symptômes mineurs, démangeaisons ou gonflements transitoires. Ils consultent uniquement pour une réaction sévère, invalidante (prurit…), persistante ou si les symptômes s’aggravent. Avec une prévalence croissante dans la population générale (17 % actuellement en France),1 on peut s’attendre à une augmentation du nombre de consultations pour ce motif.
Que dit la loi française ?
Depuis 2008, un décret « fixant les conditions d’hygiène et de salubrité à respecter lors de la pratique du “ tatouage avec effraction cutanée (...)” et modifiant le code de la santé publique » est appliqué en France. Ces dispositions règlementent les techniques de tatouage par effraction cutanée, y compris le maquillage permanent et le perçage corporel (articles R.1311-1 à R.1311-13 ; articles R.1312-9 à R.1312-13). Elles incluent la déclaration des activités de tatouage, la formation des professionnels, notamment aux règles d’hygiène et de salubrité. Par ailleurs, le Conseil de l’Europe a émis le 20 février 2008 une résolution sur les exigences et les critères d’innocuité de ces pratiques (ResAP 2008) adoptée ensuite par la France. L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) travaille sur la restriction des substances dangereuses devant être interdites dans les encres ; rapport en cours de finalisation (https://bit.ly/2HnpYfr).
Grande diversité de complications cutanées
Les complications aiguës, immédiates ou durant la cicatrisation (normalement 2-3 semaines ; s’inquiéter au-delà d’un mois), comprennent une réaction inflammatoire quasi constante au site tatoué, qui dure de quelques heures à quelques jours avec douleur ou sensibilité d’intensité variable, augmentation de la chaleur locale et induration des traits. Les saignements sont habituellement légers et transitoires, et les hématomes sont rares.
Un eczéma de contact à un topique cicatrisant est à évoquer en cas d’éruption aiguë vésiculeuse prurigineuse au site d’application
Infections cutanées et systémiques
Des mycobactérioses environnementales (M. chelonae, M. fortuitum, etc.) ont été rapportées, par usage d’eau du robinet pour diluer l’encre ou plus rarement en cas de contamination du flacon. Elles sont à évoquer devant une éruption papulo-pustuleuse restreinte à une couleur, habituellement des ombrages gris, dans les semaines suivant la séance. L’interrogatoire du tatoueur retrouve souvent la notion d’épidémie : plusieurs clients du même salon ont des symptômes identiques et concomitants. Le traitement antibiotique dure plusieurs mois avec une mono- ou une bithérapie selon les habitudes locales (cyclines, macrolides).
Plus rarement, des cas d’efflorescence de verrues vulgaires et de molluscum contagiosum ont été décrits. L’inoculation virale pourrait être causée par les instruments, une modification de l’immunité locale induite par le pigment, ou une dissémination de lésions infracliniques préexistantes.
La transmission du VIH est exceptionnelle (en prison par partage d’aiguilles).
Actuellement, le tatouage n’est plus considéré comme un facteur de risque de contamination par le VHC s’il est réalisé dans des conditions réglementaires d’asepsie et d’hygiène. Enfin, quelques endocardites aiguës ont été rapportées chez des patients ayant une cardiopathie.3
Hypersensibilité aux colorants
Sur le plan histologique, cette réaction peut être lichénoïde, eczématiforme, granulomateuse, sarcoïdosique
On commence par un dermocorticoïde de très forte activité (propionate de clobétasol pendant 3 mois) ou des infiltrations locales de corticoïdes pendant plusieurs mois voire du tacrolimus topique, hors AMM. En dernier recours, l’exérèse chirurgicale in toto ou la destruction par laser CO2 ou Nd-YAG peut être proposée.4
Un nouveau tatouage de la même couleur est contre-indiqué à vie pour le patient, quelle que soit la marque de l’encre. Un shaving au dermatome ou au scalpel avec cicatrisation dirigée est une alternative efficace et possible au prix d’une cicatrice large.
Tumeurs sur tatouage ?
Un grain de beauté ou une lésion déjà suspecte peuvent être « encrés » accidentellement. La migration des pigments dans les ganglions lymphatiques régionaux les colorent en noir faisant parfois poser à tort le diagnostic de métastase ganglionnaire de mélanome. Un tatouage doit toujours être mentionné en cas d’analyse de biopsie ou de curage ganglionnaire.
Complications diverses
La prévalence des réactions sur tatouage (encadré) va augmenter ces prochaines années avec le nombre croissant de tatoués au sein de la jeune génération. Le médecin doit donc connaître les diagnostics « classiques » à évoquer. Une relation de con-fiance et de respect entre le dermatologue et le patient tatoué est indispensable pour une prise en charge optimale. En cas de réaction chronique, une biopsie cutanée est proposée systématiquement. Une fois l’infection éliminée, un traitement local par dermocorticoïdes de forte activité peut être initié.
L’auteur déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour AbbVie Finland, Galderma, Bayer.
• À germes pyogéniques : folliculite, abcès, furonculose, érysipèle, fasciite nécrosante, gangrène
• À germes atypiques : mycobactériose atypique, tuberculose cutanée, lèpre, syphilis (historique), tétanos
• Virales : verrues, Molluscum contagiosum, herpès
• Mycosiques et parasitaires : dermatophyties, leishmaniose...
• Hépatite C, VIH
• Germes inhabituels en cas d’immunosuppression (Vibrio vulnificus…)
• Endocardite bactérienne
• Septicémie
• Eczématiforme, lympho-histiocytaire, lichénoïde, granulomateuse à corps étrangers, pseudo-lymphomateuse
• Malignes : mélanome, carcinome basocellulaire, épidermoïde...
• À malignité intermédiaire/réactionnelle : hyperplasie pseudo-carcinomateuse, kérato-acanthome
• Bénignes : kératoses séborrhéiques, histiocytofibromes...
• Psoriasis, lichen plan, vitiligo, lupus cutané…
• Dermatoscopie difficile
• Artefacts radiologiques
• Picotements/fourmillements, voire brûlure durant une IRM
• Fausse positivité au TEP-scanner
• Pseudo-calcifications axillaires sur mammographie
• Adénopathies de drainage palpables de façon transitoire après tatouage ou chroniques
• Ganglions noirs macroscopiquement
• Brûlures si épilation laser
• Dysfonction des montres connectées
• Déception, regrets : tatouage impulsif ou sous influence (alcool...)
• Tatouage non désiré ou ne répondant plus aux attentes du client
Bien réflechir au motif, aller chez un tatoueur professionel, et respecter les soins conseillés.
@alixecooper
➜ La principale complication est avant tout le regret, un tatouage raté.
➜ Les infections cutanées sont précoces et liées à un manque d’asepsie et d’hygiène pendant la séance ou la cicatrisation.
➜ Les réactions allergiques encore imprévisibles surviennent surtout sur le rouge.
➜ Une éruption cutanée sur un tatouage, principalement noir, peut révéler une sarcoïdose systémique.
➜ En cas de dermatose chronique, un phénomène de Koebner est possible.
Complications possibles après tatouage et maquillage permanent (liste non exhaustive)
Infections cutanées
• À germes pyogéniques : folliculite, abcès, furonculose, érysipèle, fasciite nécrosante, gangrène
• À germes atypiques : mycobactériose atypique, tuberculose cutanée, lèpre, syphilis (historique), tétanos
• Virales : verrues, Molluscum contagiosum, herpès
• Mycosiques et parasitaires : dermatophyties, leishmaniose...
Infections systémiques
• Hépatite C, VIH
• Germes inhabituels en cas d’immunosuppression (Vibrio vulnificus…)
• Endocardite bactérienne
• Septicémie
Réactions d’hypersensibilité à une couleur
• Eczématiforme, lympho-histiocytaire, lichénoïde, granulomateuse à corps étrangers, pseudo-lymphomateuse
Tumeurs cutanées
• Malignes : mélanome, carcinome basocellulaire, épidermoïde...
• À malignité intermédiaire/réactionnelle : hyperplasie pseudo-carcinomateuse, kérato-acanthome
• Bénignes : kératoses séborrhéiques, histiocytofibromes...
Dermatoses chroniques (phénomène de Koebner)
• Psoriasis, lichen plan, vitiligo, lupus cutané…
Perturbations de l’imagerie et autres
• Dermatoscopie difficile
• Artefacts radiologiques
• Picotements/fourmillements, voire brûlure durant une IRM
• Fausse positivité au TEP-scanner
• Pseudo-calcifications axillaires sur mammographie
• Adénopathies de drainage palpables de façon transitoire après tatouage ou chroniques
• Ganglions noirs macroscopiquement
• Brûlures si épilation laser
• Dysfonction des montres connectées
• Déception, regrets : tatouage impulsif ou sous influence (alcool...)
• Tatouage non désiré ou ne répondant plus aux attentes du client
2. Kluger N. Acute complications of tattooing presenting in the ED. Am J Emerg Med 2012;30:2055-63.
3. Kluger N. Cutaneous and systemic complications associated with tattooing. Presse Med 2016; 45(6 Pt1):567-76.
4. Kluger N. Réactions dites « allergiques » aux tatouages : prise en charge et algorithme thérapeutique. Ann Dermatol Venereol 2016;143:436-45.
5. Kluger N, Koljonen V. Tattoos, inks, and cancer. Lancet Oncol 2012;13:e161-8.