Les patients sont souvent réticents à porter des articles de compression lorsqu’il fait chaud. Pourtant, la plainte de jambes lourdes est particulièrement importante l’été, et la prévalence de thromboses, embolies et ulcères est accrue dans cette période et au retour de voyage. Quels arguments pour convaincre les patients ? Quelles astuces pour mieux supporter la compression et quelles mesures y associer l’été ? Entretien avec le Dr Matthieu Josnin, médecin vasculaire et président de la Société française de phlébologie.

La chaleur a-t-elle une influence sur l’insuffisance veineuse ?

Oui, la chaleur exerce une très forte influence sur l’insuffisance veineuse : elle augmente l’œdème veineux, qui s’aggrave au cours de la journée. Les veines ont une action de régulation thermique ; en cas de défaillance, le corps trouve un autre moyen de contrôler sa température, ce qui provoque œdème et insuffisance veineuse.

Quels symptômes sont accrus par les fortes chaleurs ?

Outre l’œdème vespéral, toute la panoplie des autres signes est observée : lourdeur et pesanteur dans les jambes, crampes, impression de fatigue…

On constate également un plus grand nombre de thromboses veineuses profondes, embolies et ulcères, pendant l’été et au retour de voyage.

Quels sont les traitements préconisés pour l’insuffisance veineuse estivale ?

Été comme hiver, la compression médicale est le premier traitement.

On peut y associer des cures épisodiques de veinotoniques pendant quelques semaines en cas de signes accrus, en raison de forts différentiels de températures par exemple. Ils ne sont plus remboursés, depuis 2008, en raison d’un service médical rendu (SMR) estimé insuffisant par la Commission de la transparence de la HAS et d’une surprescription. Pourtant, ils sont recommandés au niveau européen dans des indications précises : œdèmes, signes inflammatoires, phlébalgies, douleurs sur le trajet veineux…

Il est également utile de rappeler les règles hygiénodiététiques : hydratation, alimentation riche en fruits et légumes, lutte contre la constipation et les efforts de poussée… et la marche.

Mais le premier traitement reste bien lacompression médicale de classe 2 (15-20 mmHg ou 20,1-20,7 hPa), voire 3 en cas d’inefficacité.

La HAS recommande le port d’une compression médicale au long cours en particulier dans les situations à risque, en traitement préventif et curatif : présence de varices, thrombose veineuse profonde, grossesse et post-partum... ainsi que lors de voyages en position assise prolongée. Mais une prise en charge précoce, dès l’apparition des signes d’insuffisance veineuse, me paraît indispensable pour soulager les patients.

Les patients sont peu enclins à porter une compression médicale en plein été, quels sont vos arguments pour les convaincre ?

Les patients très symptomatiques l’acceptent facilement, d’autant plus s’ils en constatent rapidement les bénéfices ! Il s’agit surtout de favoriser le port dès le matin puis aussi longtemps que possible, mais pas la nuit bien sûr. J’explique à mes patients que la compression médicale est comme une « tenue de travail », on se l’impose en cas de symptômes et tant que c’est acceptable.

Quel modèle de compression médicale indiquez-vous sur l’ordonnance ?

Une notion est fondamentale à rappeler : comme indiqué dans les recommandations de la HAS, chaussettes, bas et collants ont la même efficacité. Le patient peut choisir le modèle qui lui convient le mieux. Il est possible de prescrire 6 à 8 paires par an, puis le pharmacien ou l’orthopédiste guide le patient parmi les nombreuses marques.

Les fabricants ont fait des progrès énormes en matière de fibres et de tissage et proposent des collections été et hiver, dans toutes les formes : chaussettes, bas auto-fixants et collants. Les dispositifs médicaux en coton, lin ou bambou apportent une respirabilité et une thermorégulation qui accroissent la tolérance. Des articles avec pied ouvert laissant les orteils libres permettent le port de sandales. Le dispositif de compression doit toutefois envelopper le cou-de-pied et le talon.

Quelle classe prescrire ?                  

Les recommandations françaises préconisent la classe 2 ou 3, à adapter en fonction de la catégorie de la classification CEAP (clinique, étiologique, anatomique et physiopathologique) à laquelle correspondent les lésions. La France est un pays où la classe 2 est la plus utilisée, avec une recommandation de haut grade. Si elle n’est pas assez efficace, il faut passer à une classe 3. Toutefois l’enfilage et la tolérance en sont difficiles. L’essentiel est de favoriser l’observance et il vaut mieux une classe 2 portée que rien !

Des semelles ont-elles un intérêt pour favoriser le retour veineux ?

L’intérêt du port de semelles orthopédiques est systématiquement évalué dans le cadre d’une consultation vasculaire. Un bilan podologique recherche des troubles de la statique. Le port éventuel de semelles vise à favoriser le retour veineux car il nécessite un bon appui plantaire et un déroulé du pas qui écrase la semelle de Lejars (NDLR : réseau veineux qui tapisse le dessous du pied, première étape du retour veineux).

Un dernier conseil ?

Outre les conseils hygiénodiététiques, il convient d’inciter les patients, en particulier âgés, à sortir le matin à la fraîche et à continuer de marcher.

L’insuffisance veineuse est très souvent associée à une sécheresse cutanée qui peut aller jusqu’à l’eczéma. Le médecin peut conseiller à tous les patients souffrant de « jambes lourdes » de pratiquer un drainage manuel tous les soirs tout simplement en appliquant une crème hydratante, conservée au réfrigérateur, par légers massages de la cheville vers le genou.

Pour en savoir plus
HAS. La compression médicale dans les affections veineuses chroniques. Décembre 2010.
HAS. La compression médicale en prévention de la thrombose veineuse. Décembre 2010.
Galanaud JP, Quéré I. Insuffisance veineuse chronique. Rev Prat Med Gen 2015;29(934):53-54.
Galanaud JP, Le Collen L, Quéré I. Item 227 (ancien 225). Insuffisance veineuse chronique. Varices.  Rev Prat 2019;69(6):e183-e190.
Santé publique France. Bulletin épidémiologique hebdomadaire n° Hors-série Recommandations sanitaires pour les voyageurs 2022 (à l'attention des professionnels de santé). 8 juin 2022.
Barbat V. Voyages de longue durée : gare aux thromboses !  Rev Prat (en ligne) 14 août 2021.