Qui n’a jamais remis en doute la légitimité du permis d’un conducteur au comportement dangereux ? Ne nous sommes-nous pas chacun déjà demandé si tel ou tel conducteur était sain d’esprit – et de corps – pour avoir une telle conduite ? Actuellement, en France, aucun examen médical n’est requis pour obtenir son permis de conduire, sauf pour certaines personnes à capacité de mobilité réduite, exerçant certains métiers ou ayant une maladie incompatible avec la conduite.1,2 La liste de ces affections nécessitant un contrôle médical pour évaluer la compatibilité avec la conduite a récemment évolué.3 Elle distingue les maladies définitivement incompatibles avec la conduite (épilepsie, problèmes de vision importants...), celles compatibles temporairement ou définitivement et celles qui ne sont plus soumises au contrôle médical.3
La loi indique donc qu’un « conducteur atteint de certaines affections médicales est soumis à un contrôle médical ».3 Mais qui vérifie la tenue de cet examen ? Personne ! Car « il est […] du devoir de chaque conducteur d’être responsable de sa conduite en sachant s’évaluer, […] consulter un médecin ».4 Aucun contrôle, donc, si ce n’est lorsque le mal est fait : en cas d’accident léger sans victime (contrôle par l’assureur, qui refuse la prise en charge des réparations si l’examen médical imposé n’a pas été effectué) ; en cas de blessé(s) et/ou de mort(s) (contrôle par les instances judiciaires qui enquêtent et condamnent pour blessures et/ou homicides involontaires). Ne serait-ce pas un peu tard ?
Il faudrait donc que le médecin généraliste s’informe régulièrement – et informe ses patients – sur ces affections susceptibles de remettre en cause la conduite d’un véhicule, en plus des multiples recommandations médicales à intégrer à sa pratique quotidienne…
Or, même bien informé, le patient risque de se heurter à une procédure complexe pour bénéficier de cette visite médicale de contrôle : 1) trouver un médecin agréé, dans une liste disponible sur le site internet de la préfecture et qui doit être évidemment différent du médecin traitant ;5 2) se déplacer, parfois loin du domicile, notamment en zone rurale (en utilisant potentiellement la voiture) pour consulter le médecin agréé ; 3) se déplacer, à nouveau (peut- être encore en voiture !) pour effectuer les examens complémentaires demandés par le médecin agréé ;5 4) reconsulter le médecin agréé et attendre la décision. Et tout cela, en supposant que le patient soit prêt à remettre en question ses habitudes de vie et de déplacements.
Certes, certaines étapes ne peuvent être simplifiées. Mais pourquoi ne pas déjà alléger la charge du médecin traitant en permettant à l’Assurance maladie, qui dispose des données médicales des patients concernés (en ALD ou ayant été opérés pour les maladies listées comme étant incompatibles avec la conduite), de les inviter à effectuer cet examen médical, selon les mêmes modalités que l’envoi des bons de vaccination par courrier ? L’Assurance maladie pourrait également fournir la liste de médecins agréés du département de résidence du patient afin de faciliter ses démarches et favoriser son adhésion.
Et ne faudrait-il pas, à la source, revoir la procédure même d’obtention du permis, à l’instar de nos voisins européens, en intégrant systématiquement un examen médical, voire plusieurs, tout au long de la vie du conducteur, sans conditions ? En Hongrie depuis 2002, en Roumanie depuis 2013, en Belgique depuis 2014, le renouvellement du permis se fait tous les dix ans et comprend un certificat d’aptitude à la conduite validé par un médecin ; au Portugal, depuis 2017, le certificat médical est obligatoire à partir de 40 ans et à réitérer à 50, 65 et 75 ans, puis tous les deux ans. Autant d’exemples que la France pourrait suivre.
Le 20 juillet dernier, l’Assemblée nationale avait enregistré une proposition de loi visant à mettre en place une visite médicale de contrôle pour les conducteurs de 75 ans et plus,4 rejetée depuis. La France échoue donc encore une fois à l’examen… de bonne conduite !
2. Articles R221-9 à R221-13 du code de la route.
3. Arrêté du 28 mars 2022 fixant la liste des affections médicales incompatibles ou compatibles pour l’obtention, le renouvellement ou le maintien du permis de conduire. JORF n° 0079 du 3 avril 2022.
4. Proposition de loi n°1592 visant à mettre en place une visite médicale de contrôle à la conduite pour les conducteurs de soixante-quinze ans et plus. Juillet 2023.
5. Mémento pour le médecin d’un patient conducteur. Avril 2022. https://bit.ly/47N0TlR