Devant une plainte mnésique, la première consultation a quatre objectifs :
– reconnaître les signes de gravité ;
– objectiver un trouble de la mémoire ;
– rechercher des signes associés ;
– dépister les causes évidentes, fréquentes et curables.
Cette consultation se déroule en deux temps.
Recueil des éléments de gravité et d’orientation étiologique
Antécédents
Il faut recueillir la liste des traitements pris – actuellement ou durant les dernières années –, notamment à la recherche de psychotropes pouvant interférer avec les performances cognitives. Il est particulièrement utile de relever les molécules ayant une action anticholinergique (traitements de l’hyperactivité vésicale, antidépresseurs tricycliques, neuroleptiques…)3 et les narcotiques (benzodiazépines, morphiniques…).4
Analyse de la plainte mnésique
En premier lieu, la plainte peut être limitée par une méconnaissance ou une sous-estimation de la part du patient, ce qui est fréquent dans les maladies de la mémoire. La présence d’un proche fiable est cruciale pour compléter l’anamnèse.
De nombreux indices doivent faire considérer une plainte mnésique comme inquiétante (
L’apparition concomitante de troubles de l’humeur, anxieux ou du sommeil peut fournir une orientation étiologique.
Enfin, l’évaluation des activités instrumentales de la vie quotidienne (à interpréter comparativement à l’état antérieur) est un élément clé pour quantifier la gravité du trouble.7 Cet entretien est aussi l’occasion d’évaluer le mode de vie et l’entourage du patient.
Recherche de signes associés
Les troubles d’installation rapide (quelques heures à quelques jours) et récents, associés à des fluctuations attentionnelles entrent dans le cadre des syndromes confusionnels, urgence médicale nécessitant une prise en charge spécifique, que nous ne traiterons pas ici. Enfin, une plainte mnésique d’évolution subaiguë (quelques semaines à quelques mois) associée à des signes neurologiques (épilepsie, troubles du mouvement, troubles de la marche…) et éventuellement à une altération de l’état général doit faire évoquer les rares cas d’encéphalites auto-immunes, par exemple paranéoplasiques ou thyroïdiennes, ou de maladie de Creutzfeldt-Jakob, et justifie une prise en charge spécialisée urgente.
Recherche de causes non neurologiques
Examen physique
Évaluation cognitive grâce à des tests
Interrogatoire de l’accompagnant complémentaire
Examen somatique, à la recherche de signes neurologiques
Quelle orientation à la fin de l’examen ?
– le premier est celui d’une plainte mnésique sans signe de gravité, sans trouble cognitif objectivé aux tests et avec un examen neurologique normal. Le patient peut légitimement être rassuré dans un premier temps, en prévoyant une réévaluation, à six mois ou un an en l’absence de fait nouveau, ou sans délai en cas d’aggravation subite ;
– le deuxième cas est celui d’une plainte mnésique explicable par une cause extraneurologique. Il s’agit alors typiquement d’un « trouble cognitif léger » (c’est-à-dire sans perte d’autonomie), associé soit à un trouble de l’humeur ou anxieux (lui-même non atypique), soit à un syndrome d’apnées du sommeil, soit à une cause iatrogène crédible. Dans ce dernier cas, une prise en charge spécifique est proposée, suivie d’une réévaluation cognitive à distance si la plainte persiste ;
– dans tous les autres cas, il est nécessaire de poursuivre les investigations : plainte ayant un caractère inquiétant, même en l’absence de trouble cognitif objectif associé (notamment chez des patients de haut niveau socioculturel), trouble neurocognitif objectif sans facteur explicatif évident, ou encore présence de signes neurologiques associés. Un bilan type « HAS » doit alors être réalisé : imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale et bilan biologique à la recherche d’un désordre endocrinologique ou métabolique. En cas d’anomalie (lésion cérébrale à l’IRM, trouble métabolique, carentiel ou endocrinien, par exemple), une prise en charge spécifique est mise en œuvre. En l’absence d’explication au terme des examens paracliniques, le patient est adressé au spécialiste (consultation mémoire, neurologue…).
Dans le cas particulier, peu fréquent, d’une plainte mnésique d’apparition brusque, même transitoire, la prise en charge doit être celle de tout trouble neurologique aigu : adressage de préférence au service d’accueil des urgences ou, à défaut, au spécialiste dans des délais rapides (à adapter selon le temps écoulé depuis le début des symptômes et/ou son caractère réversible), le plus souvent associé à une imagerie cérébrale en urgence.
Gravité très variable des causes des troubles mnésiques
Toutes les plaintes ne sont pas à adresser en consultation mémoire (
- Persistante
- Évolutive
- Déclin par rapport à l’état antérieur
- Confirmation de l’entourage
- Inquiétude associée à la plainte
- Déclin évoluant depuis les cinq dernières années
- Déclin ayant débuté après l’âge de 60 ans
- Oublis d’événements récents pertinents malgré indiçage
- Anosognosie
- Troubles du langage (manque du mot évolutif…)
- Troubles du comportement (apathie, troubles du comportement alimentaire…)
- Troubles de l’utilisation d’objets
- Trouble de l’humeur ou anxieux atypique (premier épisode, résistance au traitement…)
- Hallucinations, troubles de la marche, troubles moteurs, agitation dans le sommeil (troubles du comportement moteur en sommeil paradoxal)
- Désorientation temporelle et/ou spatiale
- Impact sur l’autonomie
- (Installation rapide et récente, fluctuations attentionnelles ---> syndrome confusionnel)
- (Installation subaiguë, autres signes neurologiques +/- généraux ---> prise en charge spécialisée urgente)
Éléments inquiétants devant une plainte mnésique
Caractéristiques de la plainte
Persistante
Évolutive
Déclin par rapport à l’état antérieur
Confirmation de l’entourage
Inquiétude associée à la plainte
Déclin évoluant depuis les cinq dernières années
Déclin ayant débuté après l’âge de 60 ans
Signes associés
Oublis d’événements récents pertinents malgré indiçage
Anosognosie
Troubles du langage (manque du mot évolutif…)
Troubles du comportement (apathie, troubles du comportement alimentaire…)
Troubles de l’utilisation d’objets
Trouble de l’humeur ou anxieux atypique (premier épisode, résistance au traitement…)
Hallucinations, troubles de la marche, troubles moteurs, agitation dans le sommeil (troubles du comportement moteur en sommeil paradoxal)
Désorientation temporelle et/ou spatiale
Impact sur l’autonomie
(Installation rapide et récente, fluctuations attentionnelles ---> syndrome confusionnel)
(Installation subaiguë, autres signes neurologiques +/- généraux ---> prise en charge spécialisée urgente)
2. Krolak-Salmon P, Letrilliart L, Ceccaldi M, Andrieu S, Guérin O, Dubois B, et al. Vers une stratégie nationale de diagnostic des troubles cognitifs. Approche commune du Collège de médecine générale et des spécialistes des troubles neurocognitifs. Presse Médicale 2018;47(1):75-83.
3. Salahudeen MS, Duffull SB, Nishtala PS. Anticholinergic burden quantified by anticholinergic risk scales and adverse outcomes in older people: A systematic review. BMC Geriatr 2015;15:31.
4. Lapeyre-Mestre M. Impact des benzodiazépines sur les fonctions cognitives et le risque de démence. Revue des arguments de causalité issus des études observationnelles. Therapie 2019;74:407-19.
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13. Teunissen CE, Verberk IMW, Thijssen EH, Vermunt L, Hansson O, Zetterberg H, et al. Blood-based biomarkers for Alzheimer’s disease: Towards clinical implementation. Lancet Neurol 2022;21(1):66-77.
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