objectifs
Connaître les facteurs de risque, prévention, dépistage des troubles psychiques de l’enfant à la personne âgée.

Introduction

Avec le vieillissement de la population et le développement des sciences épidémiologiques, la maladie psychiatrique, longtemps inscrite dans le champ d’une clinique singulière, est aujourd’hui considérée par les autorités sanitaires comme une maladie chronique, invalidante, et responsable d’un handicap physique et psychique. Les politiques publiques font de la santé mentale un enjeu majeur.
La santé mentale est définie par l’OMS comme « un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté ».
En psychiatrie, les troubles psychiques recouvrent un panel de situations cliniques très diverses allant du mal-être jusqu’au trouble psychiatrique avéré (schizophrénie, trouble bipolaire, dépression). Connaître les facteurs de risque, la prévention et le dépistage des troubles psychiques de l’enfant à la personne âgée, c’est savoir cartographier les vulnérabilités psychiques propres à chaque tranche d’âge à partir des données épidémiologiques pour comprendre la logique qui sous-tend la mise en place des dispositifs de santé publique.

Base de l’épidémiologie en psychiatrie

Importance de l’épidémiologie en psychiatrie

L’épidémiologie est au cœur de la définition de la maladie psychiatrique. Aujourd’hui, ce n’est pas le modèle anatomo-clinique mais les résultats des grandes études épidémiologiques menées aux États-Unis (DSM)[1] ou en Europe (CIM 10) qui catégorisent les maladies psychiatriques.

Trois types d’épidémiologie

L’épidémiologie descriptive a pour but de décrire dans une population donnée l’importance d’un trouble via l’incidence et la prévalence.
L’épidémiologie analytique étudie le rôle de l’exposition à des facteurs de vulnérabilité psychique dans l’apparition d’un trouble psychiatrique.
L’épidémiologie d’intervention a pour but d’évaluer les différentes interventions thérapeutiques ou de prévention sur l’incidence, la prévalence ou le retentissement d’une maladie psychiatrique dans une population donnée.

Trois types de prévention

La prévention primaire concerne l’ensemble des actes qui visent à réduire les risques d’apparition de nouveaux cas d’incidence dans une population donnée. Elle comprend les actions générales de santé publique, comme les campagnes de prévention, l’éducation à la santé, l’amélioration de la qualité de vie et des conduites de travail des populations, la lutte contre l’isolement social, etc.
La prévention secondaire se situe à l’échelle individuelle et comprend les situations de dépistage précoce.
La prévention tertiaire s’adresse aux populations souffrant d’un trouble psychiatrique afin de diminuer le retentissement fonctionnel de ce trouble. Elle vise à diminuer le nombre d’hospitalisations par une meilleure organisation des soins, notamment en améliorant la conscience du trouble par l’éducation thérapeutique, en favorisant l’adaptation professionnelle des patients... l’ensemble de ces mesures s’inscrit dans ce qu’on appelle aujourd’hui « l’empowerment » ou autonomisation/responsabili­sation.

Facteurs de risque en psychiatrie

En psychiatrie, on distingue trois types de facteurs de risque :
  • les facteurs de risque sociaux et environnementaux : comme la précarité, la maltraitance, l’isolement ;
  • les facteurs de risque psychologiques : c’est-à-dire les dimensions psychologiques en lien avec la personnalité ;
  • les facteurs de risque biologiques : comme les facteurs génétiques et certaines pathologies médicales non psychiatriques.

Période de l’enfance (3-12 ans) : une réflexion centrée sur les apprentissages

Enjeux spécifiques

Les enjeux majeurs pour l’enfant durant cette période sont la scolarisation et les apprentissages. Trois grands types d’anomalie sont importants à savoir repérer chez l’enfant entre 3 et 12 ans : les entraves au développement (trouble du spectre autistique, retard mental), les troubles du comportement (trouble déficitaire de l’attention, trouble positionnel avec provocation, angoisse de séparation) et les troubles somatoformes.
L’école est au cœur du repérage précoce des enfants en difficulté. Cette place prépondérante implique une collaboration étroite entre le monde médical et le monde enseignant.

Facteurs de risque spécifiques

Facteurs de risque environnementaux : traumatisme, séparation, deuil, maltraitance, négligence, carence affective, troubles psychiatriques parentaux.
Facteurs de risque biologiques : sexe de l’enfant (la prévalence des troubles psychiques est plus forte chez les garçons que chez les filles), maladie organique chronique.

Politiques de prévention


Prévention primaire

On peut citer les campagnes d’information sur l’exposition aux écrans chez les enfants.

Prévention secondaire

Le dépistage d’un trouble des apprentissages, ou d’un trouble du spectre autistique, notamment par les psychologues scolaires, fait partie des politiques de prévention secondaire. La mise en place de programmation de prévention secondaire dans cette population nécessite beaucoup de prudence afin d’éviter certains phénomènes induits, comme notamment un risque de surmédicalisation des comportements infantiles et une stigmatisation des enfants concernés par le dépistage précoce.

Prévention tertiaire

Les politiques d’insertion des enfants présentant un trouble du spectre autistique, un trouble des apprentissages ou un trouble du comportement, au sein des classes intégratives (ULIS) ou des établissements spécialisés (les IME, les SESSAD ou les ITEP), font partie des politiques de prévention tertiaire.

Période de l’adolescence et du jeune adulte

Enjeux spécifiques

Cette période a une importance majeure, car elle correspond à l’apparition des troubles psychiatriques. Les troubles psychiatriques apparaissant durant cette période sont notamment la schizophrénie et le trouble bipolaire. Par ailleurs, la mortalité par suicide est élevée dans cette population. Elle fait donc l’objet d’une attention particulière des autorités publiques.

Facteurs de risque spécifiques

Facteurs de risque environnementaux : précarité, malnutrition, échecs scolaires, exclusions.
Facteurs de risque biologiques : pathologie médicale non psychiatrique, prise de toxiques.
Facteurs de risque psychologiques : antécédents psychiatriques familiaux.

Politiques de prévention


Prévention primaire

On peut citer les politiques nationales de santé mentale, d’information et de lutte contre la consommation de cannabis.

Prévention secondaire

Depuis une dizaine d’années se développent des centres ressources qui s’intéressent au dépistage précoce et à l’identification des sujets à haut ou très haut risque de transition psychotique. On définit les patients à haut risque comme ceux qui, de par des facteurs de risque environnementaux et génétiques familiaux, ont une probabilité plus élevée que dans la population générale de faire un premier épisode psychotique. On définit les patients présentant un état à très haut risque de transition psychotique à partir de l’identification de symptômes cliniques prodromiques et aspécifiques. Dans cette population, la probabilité de faire un premier épisode psychotique dans l’année est de 33 %[2].

Prévention tertiaire

Afin de favoriser l’insertion des patients atteints de maladie psychiatrique, des campagnes d’information sont construites pour lutter contre la stigmatisation et faire évoluer les représentations sociales associées au trouble psychiatrique. Par ailleurs, les programmes de psycho-éducation, qui ont pour but d’améliorer la connaissance d’un individu sur sa maladie (mieux savoir reconnaître les symptômes annonciateurs de rechute, savoir diminuer les facteurs de stress), font partie des programmes de prévention tertiaire. Aujourd’hui se développent aussi des groupes de pairs aidants, groupes de soutien animés par d’autres patients, ayant pour objectif une amélioration de la connaissance de leur maladie.

Chez l’adulte (de 25 à 65 ans)

Enjeux spécifiques

Le trouble psychique ayant la plus forte prévalence dans cette catégorie d’âge est le syndrome dépressif majeur. Par ailleurs, on voit apparaître de plus en plus de troubles psychiques en lien avec le milieu professionnel, favorisés par la précarisation de l’ensemble des couches sociales. Ainsi, selon la HAS, « l’évolution des conditions et des organisations de travail est associée à une prévalence croissante de facteurs de risque psycho-sociaux susceptibles de porter atteinte à la santé à la fois physique et mentale »[3]. En France, le coût social du stress au travail (dépense de soins, absentéisme, cessation d’activité, décès prématuré) a été estimé, à 2007, par l’INRS entre 2 à 3 milliards d’euros.

Facteurs de risque spécifiques

Facteurs de risque biologiques : pathologies médicales somatiques, consommation de toxiques.
Facteurs de risque sociaux et environnementaux : la précarité, définie comme une situation d’instabilité sociale en lien avec les mutations socio-économiques, peut toucher n’importe quelle classe sociale.
Facteurs de risque psychosociaux  : un risque psychosocial se définit comme le risque de nuire au bien-être psychologique ou physique d’un travailleur, découlant de l’interaction entre la conception et la gestion du travail dans un contexte organisationnel et social. Il existe six catégories de facteurs psychosociaux : intensité et organisation du travail (surcharge), exigence émotionnelle importante avec confrontation à la mort, à la souffrance et dissonance émotionnelle, autonomie et marge de manœuvre, mauvaises relations de travail, conflit de valeurs, insécurité de l’emploi.

Politiques de prévention


Prévention primaire

On peut citer les interventions visant à favoriser le bien-être sur le lieu de travail.

Prévention secondaire

Le repérage des syndromes d’épuisement professionnel se fait par le médecin du travail ou le médecin traitant et fait partie de la prévention secondaire. Depuis 2017, le médecin du travail doit faire une évaluation systématique du stress et de ses conséquences sur la santé mentale du salarié. Il peut s’aider du Maslach Burnout Inventory.

Prévention tertiaire

Des politiques de prévention tertiaire sont mises en place pour favoriser l’insertion professionnelle des patients souffrant de troubles psychiatriques, promouvoir leurs droits et lutter contre la stigmatisation.

Chez les seniors (après 65 ans)

Enjeux spécifiques

La population des seniors est en constante augmentation, cependant l’évaluation de la santé mentale dans cette population a longtemps été négligée. En France, les travaux épidémiologiques montrent une prévalence plus élevée dans cette population de l’épisode dépressif caractérisé. L’équipe de Ritchie a évalué la prévalence de pathologies psychiatriques sur un échantillon de 1 873 sujets non institutionnalisés à 14,2 %[4]. La France présente certaines spécificités par rapport aux autres pays, notamment européens, avec le plus fort taux de consommation de psychotropes ou encore un taux de suicide élevé, notamment chez les hommes de plus de 85 ans (130/100 000).
Un dernier problème concernant les connaissances épidémio­logiques sur la santé psychique de cette population est la probable sous-estimation de la prévalence de l’épisode dépressif en lien avec les spécificités cliniques inhérentes à cette population.

Facteurs de risque spécifiques

Facteurs de risque biologiques : dénutrition, pathologie somatique d’évolution chronique, maladie neurodégénérative, iatrogénie (polymédication).
Facteurs de risque sociaux et environnementaux : isolement social et familial, maltraitance, institutionnalisation.
Facteurs de risque psychologiques : antécédents de troubles psychiques.

Politiques de prévention


Prévention primaire

Les campagnes d’information sur les conséquences de la dénutrition ou l’importance d’une activité physique régulière chez les seniors sont des politiques de prévention primaire de santé mentale dans cette population.

Prévention secondaire

Chez les seniors, un processus neurodégénératif peut prendre la forme d’un tableau psychiatrique. Les spécifiés cliniques de la dépression chez les seniors (présentation somatiques, tableau pseudo-confusionnel, hostilité) entraînent un sous-diagnostic des épisodes dépressifs. Ainsi, aujourd’hui, des échelles spécifiques aux symptômes dépressifs dans cette population sont en train de se développer.

Prévention tertiaire

L’un des problèmes majeurs de santé publique dans cette population est l’iatrogénie induite par la polymédication chez le sujet de plus de 65 ans. En effet, les prescriptions de psychotropes augmentent avec l’âge, qui est un facteur de vulnérabilité aux effets secondaires. Par ailleurs, les études épidémiologiques montrent que les antipsychotiques augmentent le risque de mortalité, d’accident vasculaire cérébral et de chute.

Conclusion

La santé mentale est aujourd’hui au cœur des préoccupations des pouvoirs publics. Identifier les différents enjeux en fonction de chaque tranche d’âge permet de mieux comprendre les politiques de prévention primaire, secondaire et tertiaire.
Pour l’étudiant en médecine, plusieurs sujets de cet item peuvent faire l’objet d’un dossier aux ECN, probablement traité de façon transversale. Il faut avoir particulièrement à l’esprit les facteurs de risque psychosociaux, la définition d’une politique de prévention primaire, secondaire et tertiaire. On peut imaginer une épreuve sur un syndrome d’épuisement professionnel, notamment chez un soignant.•
Points forts

Connaître les facteurs de risque, prévention, dépistage des troubles psychiques de l’enfant à la personne âgée

La prévention primaire est l’ensemble des politiques visant à diminuer l’incidence d’une maladie psychiatrique.

La prévention secondaire est l’ensemble des mesures visant à diminuer la prévalence d’une maladie psychiatrique.

La prévention tertiaire est l’ensemble des mesures visant à améliorer la qualité de vie des malades atteints d’une maladie psychiatrique.

La maladie psychiatrique ayant la plus forte prévalence est la dépression.

Les politiques de prévention secondaire comprennent les politiques de dépistage précoce.

Message auteur

Message de l'auteur

Cet item s’insérera particulièrement bien dans des cas cliniques transversaux.

La question du syndrome d’épuisement professionnel est particulièrement dans l’air du temps, notamment chez les soignants. Un cas clinique demandant à l’étudiant de différencier les mesures de prévention primaire, secondaire et tertiaires pour cette maladie peut être tout à fait envisageable. Enfin, les facteurs de risque d’épuisement professionnel (intensité et organisation du travail [surcharge], exigence émotionnelle importante avec confrontation à la mort, à la souffrance et dissonance émotionnelle, autonomie et marge de manœuvre, mauvaises relations de travail, conflit de valeurs, insécurité de l’emploi) sont à connaître par cœur.

Un cas clinique sur le diagnostic précoce de schizophrénie peut tout à fait faire l’objet d’un cas clinique à l’examen classant national, et sera très discriminant.

Références
1. A.P. Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders (DSM-5), 2013.
2. Yung AR, Yuen HP, Mcgorry PD, et al. Mapping the Onset of Psychosis: The Comprehensive Assessment of At-Risk Mental States. Aust New Zeal J Psychiatry 2005;39(11-12):964-71.
3. Repérage et prise en charge cliniques du syndrome d’épuisement professionnel ou burnout. HAS, 2017.
4. Ancelin ML, Artero S, Beluche I, et al. Le projet Esprit: une étude longitudinale en population générale des troubles psychiatriques en France chez des sujets de plus de 65 ans. Encephale 2006;32(4):615-21.