Les enfants conçus par fécondation in vitro sont-ils sujets à des atteintes particulières de leur santé ? De nombreuses études se sont penchées sur la question. Si des troubles sont possibles, aucun ne semble prédominer. Leur incidence est relativement modérée et les mécanismes impliqués sont encore mal connus.
Louise Brown, premier enfant conçu par fécondation in vitro (FIV), est née en 1978 au Royaume-Uni, et Amandine dans les mêmes circonstances quatre ans plus tard en France. Plus de 8 millions d’enfants conçus de la même manière sont nés depuis dans le monde. En France, ils représentent environ 3 % des naissances actuellement. Les plus âgés atteignent maintenant la quarantaine. Comment vont-ils ?

Évolutions techniques depuis les débuts de la fécondation in vitro

Un cycle de traitement de l’infertilité par FIV implique un enchaînement très précis d’actes cliniques et biologiques : stimulation hormonale afin d’obtenir plusieurs ovocytes matures (10 en moyenne), fécondation par mise en présence de spermatozoïdes ou par micro-injection d’un seul spermatozoïde dans l’ovocyte (intracytoplasmic sperm injection [ICSI]), culture des embryons avant leur transfert dans l’utérus ou leur congélation pour un éventuel transfert ultérieur (fig. 1).
De nombreux changements techniques et cliniques ont fait évoluer les pratiques depuis 1978. La mise au point, en 1992, de l’ICSI a permis de résoudre les cas d’infertilité quand le nombre ou la qualité des spermatozoïdes ne permet pas à la fertilité masculine de s’exprimer, que ce soit naturellement, par insémination artificielle ou par FIV classique. Par ailleurs, et bien que l’ICSI ne soit pas plus efficace que la FIV en l’absence d’infertilité masculine, cette méthode de fécondation est de plus en plus souvent pratiquée, comme en témoignent les données de l’Agence de la biomédecine (ABM) [tableau].
La congélation embryonnaire par vitrification s’est révélée très efficace et a favorisé la réduction progressive du nombre d’embryons transférés. En 2007, en France, seulement 20 % des transferts ont été faits avec un seul embryon non congelé et 20 % des naissances ont été multiples. En 2019, 60 % des transferts ont été faits avec un seul embryon, le taux d’accouchements global est resté inchangé et le taux de naissances multiples a été divisé par deux (tableau). Cette stratégie a permis la diminution de la morbidité maternelle et néonatale liée aux grossesses multiples et l’augmentation considérable du nombre d’enfants naissant après transfert d’embryons congelés (TEC) [tableau].

Difficile évaluation de l’assistance médicale à la procréation

Depuis le début, le devenir des enfants a préoccupé les équipes médicales pratiquant la FIV. De nombreuses études ont été menées partout dans le monde. Elles rassemblent les données sur l’ensemble des enfants nés dans un pays, une région ou un centre ou portent sur des cohortes établies pour étudier spécifiquement une technique particulière, comme l’ICSI, la congélation embryonnaire ou un type de pathologie. Les effectifs sont très variables d’une étude à l’autre et la comparaison à des groupes contrôles n’est pas toujours pertinente, voire absente. Les résultats publiés sont parfois contradictoires. Toutes ces raisons expli­quent pourquoi il est difficile de formuler des conclusions incontestables.
En France, l’ABM, depuis sa création en 2005, a pour mission d’évaluer les conséquences éventuelles de l’assistance médicale à la procréation (AMP) sur la santé des personnes qui y ont recours et sur celle des enfants qui en sont issus. Par ailleurs, des études épidémiologiques sont en cours soit au sein de cohortes comme la cohorte ELFE, soit à partir des données du Système national des données de santé (SNDS) et de registres spécialisés pour évaluer l’incidence de pathologies spécifiques, comme les cancers pédiatriques (étude EPI-PHARE). L’Académie nationale de médecine a abordé ce sujet depuis longtemps et a créé, en 2022, un groupe de travail pour faire le point sur les différents troubles de santé observés à moyen et long termes chez les enfants et pour identifier les facteurs responsables et leurs mécanismes d’action.1

De quels troubles peuvent être atteints les enfants ?

Dans cet article, seule est présentée une brève synthèse des connaissances acquises sur la santé à moyen et long termes des enfants conçus par FIV ou ICSI et à leurs compléments (culture et congélation embryonnaire), à l’exclusion des AMP avec dons de gamètes.

Troubles de la croissance et du métabolisme

Une croissance staturo-pondérale légèrement plus faible a parfois été observée au cours des premiers mois chez les enfants conçus par FIV par rapport à ceux conçus naturellement ; la différence s’estompe néanmoins par la suite ou à l’adolescence.2 Si des différences du même type ont aussi été observées pour les marqueurs cliniques (adiposité) et biologiques des fonctions métaboliques, les résultats des études effectuées chez les enfants sont plutôt rassurants. Cependant, un suivi prolongé est indispensable, car certaines pathologies ne pourraient se révéler qu’au cours de la vie adulte.

Troubles cardiovasculaires

Les résultats de plusieurs études suggèrent que les enfants et jeunes adultes nés de FIV ou d’ICSI ont un risque modéré d’hypertension arté­rielle et une fonction endothéliale vasculaire altérée. L’attention portée à ce type de risque a été d’autant plus importante qu’une altération identique des fonctions cardiovasculaires a été montrée chez la souris, liée à un stress oxydant pouvant être responsable de modifications épigénétiques régulant la fonction endothéliale.3 Il faut cependant souligner les limites des études menées chez l’humain : les résultats sont variables et discordants, les effectifs analysés sont en général de petite taille, les populations hétérogènes et insuffisamment décrites, notamment celles des groupes contrôles.

Troubles liés aux gènes soumis à l’empreinte génomique et modifications épigénétiques

Une prévalence anormalement élevée de conceptions par FIV a été notée chez les enfants présentant un syndrome de croissance excessive tel le syndrome de Beckwith-Wiedemann et son miroir clinique, le syndrome de Silver-Russell ; tous deux sont liés à des anomalies épigénétiques et/ou d’empreinte génomique.4 Il est actuellement difficile de pouvoir trancher entre les procédures de l’AMP et l’état de santé parental comme facteurs causant ces anomalies tant les études sont réalisées le plus souvent sur de petites séries avec des informations manquantes, notamment sur les données parentales ou sur le détail de techniques utilisées. Des études épidémiologiques à plus large échelle sont nécessaires compte tenu de la rareté de ces pathologies.

Cancers pédiatriques

Les résultats des études menées jusqu’à présent suggèrent qu’il n’y a probablement pas de lien entre la survenue d’un cancer chez l’enfant et le fait qu’il ait été conçu par FIV.5 Une fréquence plus élevée de certains types de cancers, comme les leucémies après transfert d’embryons congelés (TEC),6 a été rapportée occasionnellement ; cependant, les types de cancers concernés n’étaient pas toujours les mêmes dans les différentes publications et, le plus souvent, les différences n’ont pas été confirmées.

Troubles du neurodéveloppement

La conception par FIV ou ICSI ne semble pas avoir d’effet délétère sur le développement neurologique et cognitif des enfants.7 Certains des troubles décrits sont plutôt associés aux grossesses multiples et à la prématurité. Cependant, d’autres recherches de haute qualité méthodologique devraient être entreprises chez les enfants au-delà de l’âge préscolaire pour détecter d’éventuels troubles du neurodéveloppement apparaissant plus tardivement, en sachant que le contexte socio-familial doit être clairement pris en compte dans ce type d’études.

Altérations de la fertilité

Il est encore trop tôt pour apprécier précisément les conséquences de l’AMP sur la fertilité de jeunes adultes. Il est cependant possible de prévoir que des cas d’altération de la fertilité se manifesteront chez les garçons conçus par une ICSI réalisée pour résoudre le problème de stérilité de leur père quand elle est d’origine génétique, par exemple en cas de microdélétion du chromosome Y.8

Quelle responsabilité peut avoir la méthode dans l’apparition de troubles chez l’enfant ?

Si un lien était établi chez des individus nés de FIV entre ce mode de conception et les troubles ultérieurs de leur santé, il serait important de déterminer quelles sont les procédures les plus à risque.
La méthode de fécondation elle-même ne semble pas être en cause, la plupart des études ne trouvant pas de différence entre la FIV standard et l’ICSI. En revanche, les trai­­tements hormonaux utilisés pour obtenir le nombre d’ovocytes désirés pour la FIV, les conditions de la culture embryonnaire et la congélation des embryons sont plus souvent suspectés d’être à l’origine des troubles observés (fig. 1). Les risques de stress auxquels un embryon peut être exposé in vitro, avant son transfert dans l’utérus, sont nombreux.9 Ils sont susceptibles d’avoir des effets à long terme. Plusieurs études ont cherché à évaluer l’impact éventuel du milieu de culture embryonnaire sur la croissance fœtale et au cours de l’enfance, mais leurs résultats sont discordants. Néanmoins, que ce soit in vivo ou in vitro, la période périconceptionnelle est marquée par une série d’événements épigénétiques touchant les gamètes et les embryons, dont la dérégulation peut entraîner des perturbations du développement à court terme (fig. 2) et des conséquences à plus long terme après la naissance. Il serait donc nécessaire que les procédures utilisées soient précisément documentées, ce qui est rarement le cas dans les études publiées.

Quand des altérations sont observées, sont-elles imputables à la FIV ou à des facteurs parentaux ?

Un certain nombre d’études menées chez les couples infertiles suggèrent que ceux-ci sont plus à risque d’avoir des enfants présentant des altérations de santé, qu’il s’agisse de troubles métaboliques, pulmonaires, cardiovasculaires ou autres, pouvant être transmis à leurs enfants. D’autres facteurs environnementaux agissant pendant la période périconceptionnelle sont aussi parfois évoqués. Les responsabilités respectives de ces différents facteurs ne sont pas faciles à mettre en évidence, surtout dans des études rétrospectives. Seule certitude, les enfants nés à la suite d’une ICSI faite pour un homme dont l’infertilité est d’origine génétique, notamment les microdélétions du chromosome Y ou les déficits de spermatogenèse dus à une altération monogénique, ont une forte probabilité d’être stériles comme leur père.

Poursuivre les investigations pour disposer de données plus solides

Les enfants qui ont été conçus par FIV peuvent être atteints de troubles de la santé et de pathologies les plus diverses, sans que l’un ne domine particulièrement. Leur incidence est relativement modérée et, quand la différence est significative, elle n’est pas beaucoup plus importante que chez les enfants conçus naturellement. Il serait nécessaire, cependant, de poursuivre des études épidémiologiques bien codifiées quant au recueil des données clinico-­biologiques sur la santé des enfants et menées aussi à un âge plus avancé de la vie.
L’Académie nationale de médecine a formulé des recommandations pour le suivi des enfants conçus par FIV (encadré).1
Quelles soient épidémiologiques, cliniques ou fondamentales, les recherches devraient s’attacher à préciser la responsabilité des différentes procédures utilisées et leurs mécanismes d’action. Elles devraient aussi tenir compte des facteurs parentaux ou environnementaux susceptibles de jouer un rôle sans ignorer que l’incidence de certains troubles observés chez les enfants peut être en partie attribuée à un biais cognitif de surinvestigation difficile à mesurer.
Quoi qu’il en soit, les recherches menées sur cette population particulière d’enfants permettront de mieux connaître les conséquences à moyen et long termes des événements se produisant autour de la conception. Elles seront utiles à tous les enfants. 
Encadre

Principales recommandations de l’Académie nationale de médecine

Considérer le suivi des enfants et des adultes qui sont nés grâce à une fécondation in vitro comme une priorité de santé publique.

Pour les études épidémiologiques, mieux exploiter les possibilités de croisement des bases de données existantes, qu’elles soient générales ou spécifiques.

Développer intensément des projets de recherche fondamentale menés sur des modèles animaux mais aussi sur des embryons humains donnés à la science.

Accorder les moyens nécessaires à l’Agence de la biomédecine pour qu’elle puisse accomplir la mission qui lui a été confiée dès sa création en 2005 : évaluer « les conséquences éventuelles de l’assistance médicale à la procréation sur la santé des enfants qui en sont issus » (CSP, art. L1418-1).

Informer de manière aussi claire, objective et précise que possible, les personnes ayant recours à la fécondation in vitro sur l’absence de risque authentifié mais aussi sur les conséquences et les risques de cette méthode pour la santé à moyen et à long termes des enfants qui naîtront.

Sensibiliser les futurs parents à l’importance d’informer leurs enfants sur leur mode de conception pour qu’ils puissent bénéficier du suivi médical personnalisé le mieux adapté à leur situation quand nécessaire et participer aux études menées dans le domaine.

Références
1. Jouannet P, Claris O, Le Bouc Y. Rapport 23-07. Santé à moyen et à long terme des enfants conçus par fécondation in vitro (FIV). Bull Acad Ntle Med 2023;207:695-705.
2. Ceelen M, Van Weissenbruch MM, Prein J, Smit JJ, Vermeiden JPW, Spreeuwenberg M, et al. Growth during infancy and early childhood in relation to blood pressure and body fat measures at age 8-18 years of IVF chilldren and spontaneously conceived controls born to subfertile parents. Hum Reprod 2009;24(11):2788-95.
3. Guo XY, Liu XM, Jin L, Wang TT, Ullah K, Sheng JZ, et al. Cardiovascular and metabolic profiles of offspring conceived by assisted reproductive technologies: A systematic review and meta-analysis. Fertil Steril 2017;107(3):622-31.
4. Odom LN, Segars J. Imprinting disorders and assisted reproductive technology. Curr Opin Endocrinol Diabetes Obes 2010;17(6):517-22.
5. Gilboa D, Koren G, Barer Y, Katz R, Rotem R, Lunenfeld E, et al. Assisted reproductive technology and the risk of pediatric cancer: A population based study and a systematic review and meta analysis. Cancer Epidemiol 2019;63:101613.
6. Sargisian N, Lannering B, Petzold M, Opdahl S, Gissler M, Pinborg A, et al. Cancer in children born after frozen-thawed embryo transfer: A cohort study. PLoS Med 2022;19(9):e1004078.
7. Middelburg KJ, Heinemann MJ, Bos AF, Hadders-Algra M. Neuromotor, cognitive, language and behavioural outcome in children born following IVF or ICSI: A systematic review. Hum Reprod Update 2008;14(3):219-31.
8. Golin AP, Yuen W, Flannigan R. The effects of Y chromosome microdeletions on in vitro fertilization outcomes, health abnormalities in offspring and recurrent pregnancy loss. Transl Androl Urol 2021;10(3):1457-66.
9. Wale PR, Gardner DK. The effects of chemical and physical factors on mammalian embryo culture and their importance for the practice of assisted human reproduction. Hum Reprod 2016;22(1):2-22.
10. Reik W, Walter J. Genomic imprinting: Parental influence on the genome. Nat Rev Genet 2001;2(1):21-32.
11. Grafodatskaya D, Cytrynbaum C, Weksberg R. The health risks of ART. EMBO Rep 2013;14(2):129-35.

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Résumé

De nombreuses études ont été menées chez les enfants conçus par fécondation in vitro (FIV), s’intéressant à la survenue de différentes altérations de leur santé. Il en ressort que si les enfants peuvent être parfois atteints de troubles de la santé, sans qu’un type particulier prédomine, leur incidence est néanmoins relativement modérée et pas beaucoup plus importante que chez les enfants conçus naturellement. Les altérations observées chez les enfants ne sont pas forcément imputables à la FIV dans la mesure où les couples infertiles peuvent être plus à risque de transmettre à leurs enfants des facteurs responsables de perturbations de santé. Les mécanismes impliqués dans la survenue des altérations observées sont mal connus. Si des perturbations de régulations épigénétiques sont le plus souvent évoquées, des recherches sont encore nécessaires pour les préciser.