Évolutions techniques depuis les débuts de la fécondation in vitro
De nombreux changements techniques et cliniques ont fait évoluer les pratiques depuis 1978. La mise au point, en 1992, de l’ICSI a permis de résoudre les cas d’infertilité quand le nombre ou la qualité des spermatozoïdes ne permet pas à la fertilité masculine de s’exprimer, que ce soit naturellement, par insémination artificielle ou par FIV classique. Par ailleurs, et bien que l’ICSI ne soit pas plus efficace que la FIV en l’absence d’infertilité masculine, cette méthode de fécondation est de plus en plus souvent pratiquée, comme en témoignent les données de l’Agence de la biomédecine (ABM) [
La congélation embryonnaire par vitrification s’est révélée très efficace et a favorisé la réduction progressive du nombre d’embryons transférés. En 2007, en France, seulement 20 % des transferts ont été faits avec un seul embryon non congelé et 20 % des naissances ont été multiples. En 2019, 60 % des transferts ont été faits avec un seul embryon, le taux d’accouchements global est resté inchangé et le taux de naissances multiples a été divisé par deux (
Difficile évaluation de l’assistance médicale à la procréation
En France, l’ABM, depuis sa création en 2005, a pour mission d’évaluer les conséquences éventuelles de l’assistance médicale à la procréation (AMP) sur la santé des personnes qui y ont recours et sur celle des enfants qui en sont issus. Par ailleurs, des études épidémiologiques sont en cours soit au sein de cohortes comme la cohorte ELFE, soit à partir des données du Système national des données de santé (SNDS) et de registres spécialisés pour évaluer l’incidence de pathologies spécifiques, comme les cancers pédiatriques (étude EPI-PHARE). L’Académie nationale de médecine a abordé ce sujet depuis longtemps et a créé, en 2022, un groupe de travail pour faire le point sur les différents troubles de santé observés à moyen et long termes chez les enfants et pour identifier les facteurs responsables et leurs mécanismes d’action.1
De quels troubles peuvent être atteints les enfants ?
Troubles de la croissance et du métabolisme
Troubles cardiovasculaires
Troubles liés aux gènes soumis à l’empreinte génomique et modifications épigénétiques
Cancers pédiatriques
Troubles du neurodéveloppement
Altérations de la fertilité
Quelle responsabilité peut avoir la méthode dans l’apparition de troubles chez l’enfant ?
La méthode de fécondation elle-même ne semble pas être en cause, la plupart des études ne trouvant pas de différence entre la FIV standard et l’ICSI. En revanche, les traitements hormonaux utilisés pour obtenir le nombre d’ovocytes désirés pour la FIV, les conditions de la culture embryonnaire et la congélation des embryons sont plus souvent suspectés d’être à l’origine des troubles observés (
Quand des altérations sont observées, sont-elles imputables à la FIV ou à des facteurs parentaux ?
Poursuivre les investigations pour disposer de données plus solides
L’Académie nationale de médecine a formulé des recommandations pour le suivi des enfants conçus par FIV (
Quelles soient épidémiologiques, cliniques ou fondamentales, les recherches devraient s’attacher à préciser la responsabilité des différentes procédures utilisées et leurs mécanismes d’action. Elles devraient aussi tenir compte des facteurs parentaux ou environnementaux susceptibles de jouer un rôle sans ignorer que l’incidence de certains troubles observés chez les enfants peut être en partie attribuée à un biais cognitif de surinvestigation difficile à mesurer.
Quoi qu’il en soit, les recherches menées sur cette population particulière d’enfants permettront de mieux connaître les conséquences à moyen et long termes des événements se produisant autour de la conception. Elles seront utiles à tous les enfants.
Principales recommandations de l’Académie nationale de médecine
Considérer le suivi des enfants et des adultes qui sont nés grâce à une fécondation in vitro comme une priorité de santé publique.
Pour les études épidémiologiques, mieux exploiter les possibilités de croisement des bases de données existantes, qu’elles soient générales ou spécifiques.
Développer intensément des projets de recherche fondamentale menés sur des modèles animaux mais aussi sur des embryons humains donnés à la science.
Accorder les moyens nécessaires à l’Agence de la biomédecine pour qu’elle puisse accomplir la mission qui lui a été confiée dès sa création en 2005 : évaluer « les conséquences éventuelles de l’assistance médicale à la procréation sur la santé des enfants qui en sont issus » (CSP, art. L1418-1).
Informer de manière aussi claire, objective et précise que possible, les personnes ayant recours à la fécondation in vitro sur l’absence de risque authentifié mais aussi sur les conséquences et les risques de cette méthode pour la santé à moyen et à long termes des enfants qui naîtront.
Sensibiliser les futurs parents à l’importance d’informer leurs enfants sur leur mode de conception pour qu’ils puissent bénéficier du suivi médical personnalisé le mieux adapté à leur situation quand nécessaire et participer aux études menées dans le domaine.
2. Ceelen M, Van Weissenbruch MM, Prein J, Smit JJ, Vermeiden JPW, Spreeuwenberg M, et al. Growth during infancy and early childhood in relation to blood pressure and body fat measures at age 8-18 years of IVF chilldren and spontaneously conceived controls born to subfertile parents. Hum Reprod 2009;24(11):2788-95.
3. Guo XY, Liu XM, Jin L, Wang TT, Ullah K, Sheng JZ, et al. Cardiovascular and metabolic profiles of offspring conceived by assisted reproductive technologies: A systematic review and meta-analysis. Fertil Steril 2017;107(3):622-31.
4. Odom LN, Segars J. Imprinting disorders and assisted reproductive technology. Curr Opin Endocrinol Diabetes Obes 2010;17(6):517-22.
5. Gilboa D, Koren G, Barer Y, Katz R, Rotem R, Lunenfeld E, et al. Assisted reproductive technology and the risk of pediatric cancer: A population based study and a systematic review and meta analysis. Cancer Epidemiol 2019;63:101613.
6. Sargisian N, Lannering B, Petzold M, Opdahl S, Gissler M, Pinborg A, et al. Cancer in children born after frozen-thawed embryo transfer: A cohort study. PLoS Med 2022;19(9):e1004078.
7. Middelburg KJ, Heinemann MJ, Bos AF, Hadders-Algra M. Neuromotor, cognitive, language and behavioural outcome in children born following IVF or ICSI: A systematic review. Hum Reprod Update 2008;14(3):219-31.
8. Golin AP, Yuen W, Flannigan R. The effects of Y chromosome microdeletions on in vitro fertilization outcomes, health abnormalities in offspring and recurrent pregnancy loss. Transl Androl Urol 2021;10(3):1457-66.
9. Wale PR, Gardner DK. The effects of chemical and physical factors on mammalian embryo culture and their importance for the practice of assisted human reproduction. Hum Reprod 2016;22(1):2-22.
10. Reik W, Walter J. Genomic imprinting: Parental influence on the genome. Nat Rev Genet 2001;2(1):21-32.
11. Grafodatskaya D, Cytrynbaum C, Weksberg R. The health risks of ART. EMBO Rep 2013;14(2):129-35.
Dans cet article
- Évolutions techniques depuis les débuts de la fécondation in vitro
- Difficile évaluation de l’assistance médicale à la procréation
- De quels troubles peuvent être atteints les enfants ?
- Quelle responsabilité peut avoir la méthode dans l’apparition de troubles chez l’enfant ?
- Quand des altérations sont observées, sont-elles imputables à la FIV ou à des facteurs parentaux ?
- Poursuivre les investigations pour disposer de données plus solides