Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents.
Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
Définition
Selon les critères internationaux (critères de Rome IV,
Les difficultés pour exonérer peuvent se traduire par des efforts de poussée, des selles dures ou fragmentées, une sensation d’évacuation incomplète, une sensation de blocage ano-rectal ou encore par la nécessité de manœuvres digitales pouvant permettre d’obtenir une vacuité rectale.
À noter également que l’émission de selles liquides peut être associée à une constipation. La fausse diarrhée du constipé correspond à des selles liquides soit dans les suites d’une période sans selles, soit suite à l’émission d’un bouchon de selles dures.
Épidémiologie
Physiopathologie
Après élimination d’une cause secondaire à la constipation, le diagnostic de constipation idiopathique peut être posé. La constipation idiopathique peut être due à un ralentissement du transit ou à des troubles de l’évacuation rectale (dyschésie). La compréhension de la physiopathologie de la constipation idiopathique est essentielle pour guider la prise en charge de la constipation (
Diagnostic
Interrogatoire
- confirmer le diagnostic de constipation et son caractère chronique :
. ancienneté ;
. caractère continu ou intermittent ;
. durée et profil évolutif des symptômes (alternance diarrhée/constipation) ;
. forme et consistance des selles (Bristol 1 et 2 selon l’échelle de Bristol,
. aspect des selles (rectorragies, glaires) ;
. symptômes associés : douleurs, ballonnements.
- orientation vers le type de constipation :
. constipation d’évacuation : efforts de poussée, sensation d’évacuation incomplète, sensation de blocage anorectal, nécessité de manœuvres digitales, absence de besoin exonérateur.
• Évaluer le retentissement sur la qualité de vie.
• Recherche de facteurs de risque (sédentarité, régime pauvre en fibres).
• Traitements déjà entrepris et observance du patient.
• Recherche des éléments en faveur d’une cause organique (
- antécédents personnels et familiaux :
digestifs ;
maladie métabolique, générale ou neurologique ;
- recherche d’une grossesse, date des dernières règles ;
- prise médicamenteuse (
tableau 3 ) ;
- signes d’alarme devant faire éliminer une cause organique :
. douleurs abdominales et leur caractère (soulagée par les selles), ballonnement abdominal, nausée, vomissement ;
. présence de rectorragies ou d’émission de glaires ;
. présence d’un syndrome rectal.
Examen physique
• Recherche de signes de constipation secondaire :
- examen général : signes de dénutrition, signes d’anémie ;
- fièvre ;
- palpation des aires ganglionnaires (adénopathie de Troisier) ;
- examen neurologique complet si une cause neurologique est suspectée incluant l’étude du réflexe anal et la recherche d’un déficit sensitif périnéal ;
- examen abdominal : palpation, percussion, recherche d’une masse palpable, hépatomégalie, ascite, douleur localisée, cicatrices, orifices herniaires ;
- examen de la thyroïde : palpation à la recherche de nodules, d’un goitre.
Il permet de déterminer le mécanisme à l’origine de la constipation. Il permet d’apprécier la présence et la consistance des selles dans l’ampoule rectale, la présence de sang, d’une tumeur palpable, d’une douleur localisée, le tonus sphinctérien au repos et la relaxation des muscles du plancher pelvien lors de la poussée ou une contraction paradoxale du sphincter anal lors des efforts de poussée (caractéristique de la dyssynergie rectosphinctérienne).
Les temps de cet examen comprennent : une inspection de la marge anale au repos et en poussée : béance anale, sténose anale, fissure anale, prolapsus rectal, souillure anale.
Un examen du périnée : rectocèle, colpocèle.
Une exploration du tonus du canal anal et du contenu rectal avec un toucher rectal.
Examens complémentaires
Explorations biologiques :
Elles ne sont pas recommandées en première intention chez tout patient consultant pour constipation chronique pour la première fois. En revanche, des examens biologiques seront recommandés si la constipation persiste malgré un traitement adapté et bien suivi, lorsque l’examen clinique a montré des signes en faveur d’une cause secondaire et en présence de signes d’alarme. Ce bilan doit comprendre NFS, créatininémie, calcémie, glycémie, TSH, protéine C réactive.Explorations morphologiques coliques
Elles ont pour but de rechercher une cause organique, notamment une lésion sténosante colique. Elles ne sont pas recommandées en première intention chez tout patient consultant pour la première fois pour constipation. En revanche, elles sont recommandées :- si les symptômes sont apparus à un âge supérieur à 50 ans ;
- devant la présence de signes d’alarme à l’examen clinique (altération de l’état général, dénutrition, signes d’anémie, rectorragies, émissions glaireuses...) ;
- en cas de suspicion de cause secondaire à l’interrogatoire ou à l’examen clinique.
Examens complémentaires visant à déterminer le mécanisme physiopathologique d’une constipation idiopathique
Temps de transit colique des marqueurs radio-opaques
Il s’agit d’un examen simple et reproductible permettant d’obtenir une mesure objective du temps de transit colique. Le temps de transit colique devra être réalisé sans prise concomitante de traitements laxatifs. Il consiste en l’ingestion par le patient pendant 6 jours consécutifs de marqueurs radio-opaques (10 marqueurs par jour) puis en la réalisation au 7e jour d’une radiographie de l’abdomen sans préparation. Le nombre de marqueurs résiduels présents sur le cliché d’abdomen sans préparation permettra de calculer le temps de transit, à la fois total et segmentaire (côlon droit, côlon transverse, côlon gauche et sigmoïde). Il pourra ainsi être distingué deux types de constipation, à savoir la constipation distale lorsqu’on objectivera une stagnation des marqueurs radio-opaques au niveau du recto-sigmoïde (fManométrie anorectale
La manométrie anorectale permet l’évaluation des fonctions sphinctériennes (sphincter anal interne et externe), des réflexes recto-anaux et de la sensibilité rectale. Elle est réalisée au moyen d’une sonde qui enregistre la pression dans la partie haute (sphincter anal interne) et basse (sphincter anal externe) du canal anal et dans l’ampoule rectale. Les mesures sont réalisées au repos, lors de la contraction volontaire, lors d’un effort de poussée exonératrice (La défécographie ou déféco-IRM :
Cet examen permet, après une opacification du rectum par un mélange contenant de la baryte, une étude à la fois anatomique et dynamique de la région anorectale lors de la simulation d’une défécation en position assise. La technique peut être intégrée au sein d’une colpo-cysto-défécographie avec opacification simultanée du grêle (recherche de cystocèle, d’entérocèle). Cet examen est réalisé lorsque des anomalies de la statique pelvienne sont retrouvés à l’examen clinique.On peut ainsi étudier les variations de position du rectum au cours de la défécation et détecter les anomalies et les troubles de la statique pelvienne qui peuvent entraîner une constipation distale. Cet examen permettra principalement de diagnostiquer un rectocèle, une procidence rectale interne, un prolapsus rectal.
Manométrie colique
Cet examen reste exceptionnel et sera réalisé en cas de suspicion d’inertie colique. La sonde de manométrie colique est posée au cours d’une coloscopie totale et permet un enregistrement de la motricité colique sur 24 heures.Conclusion
À l’issue des examens complémentaires, la constipation sera qualifiée de :- constipation de transit en cas de transit colique ralenti au temps de transit colique des marqueurs radio-opaques ;
- associé à une manométrie anorectale normale ;
- constipation distale en cas de ralentissement rectosigmoïdien sur le transit colique des marqueurs radio-opaques et d’anomalies sur la manométrie anorectale et/ou la défécographie.
Conduite à tenir
Attention ! En cas de temps de transit colique normal sur le cliché, soit il s’agit d’un trouble de la motricité anorectale ou de la statique rectale qui n’a pas encore impacté le transit colique, soit il s’agit d’une fausse constipation (bénéfice secondaire), et le patient devra alors être évalué sur le plan psychologique.
Traitement
En l’absence de signes d’alarme, un traitement médical est instauré en première intention, avant la réalisation d’examens complémentaires. Il comprend la prise de laxatifs et la correction des apports en fibres.
Après échec du traitement médical de première intention, le traitement peut alors être guidé par les résultats des examens complémentaires qui précisent le mécanisme de la constipation.
Règles hygiénodiététiques
L’intérêt d’une augmentation des apports hydriques journaliers >1,5 L n’a pas été prouvé en dehors des cas de déshydratation ou chez les personnes ayant une consommation hydrique faible (moins de 0,5 L par jour).
Traitements laxatifs
Colokinétiques
Rééducation périnéale
Prise en charge psychologique
Traitement chirurgical ou endoscopique
Conclusion
POINTS FORTS À RETENIR
Une constipation récente ou d’aggravation brutale et/ou la présence de signes d’alarme doit faire rechercher une cause secondaire de constipation à l’aide d’une biologie et d’une coloscopie totale (sténose colique d’origine tumorale).
Penser à rechercher les prises médicamenteuses (opiacés, antidépresseurs...).
Le toucher rectal est un temps indispensable de l’examen clinique.
Les deux mécanismes de constipation sont la constipation de transit et la constipation distale. Le temps de transit des marqueurs et la manométrie anorectale peuvent aider à la compréhension et orienter la thérapeutique.
Les laxatifs osmotiques sont le traitement de première intention de la constipation idiopathique.
Message de l'auteur
La constipation est un symptôme fréquent qui se prête bien à des dossiers transversaux dans lesquels la constipation pourrait être le symptôme inaugural d’une pathologie digestive (cancer colorectal), extradigestive (hypothyroïdie) ou médicamenteuse (opiacés). Un dossier pourrait débuter avec la prise en charge d’une constipation idiopathique chez un patient jeune sans signe de gravité pour pouvoir évaluer la prise en charge thérapeutique qui est à connaître dans cet item.
Au cours du dossier, le patient pourrait avoir une aggravation de sa constipation ou la présence d’un signe d’alarme. Il faudrait alors argumenter la réalisation d’une coloscopie totale pour éliminer une étiologie cancéreuse. Il faut parfaitement connaître les signes d’alarme à rechercher à l’interrogatoire et à l’examen clinique. Le dossier peut alors rebondir sur l’annonce d’un diagnostic grave et la prise en charge étiologique de cette constipation organique.
Un autre dossier qui semblerait intéressant pourrait être la prise en charge d’une pathologie douloureuse (douleur rhumatologique par exemple), avec la prescription d’opioïdes qui peut engendrer une constipation. Cette pathologie étant un vrai problème de santé publique, elle est d’actualité et peut concerner tous les types de dossiers transversaux nécessitant des antalgiques au long cours.
Recommandations pour la pratique clinique de la prise en charge de la constipation. SNFCP, GFNG, SNFGE 2017.
Wald A. Constipation: advances in diagnosis and treatment. JAMA 2016;315:185-91.
American Gastroenterological Association. Medical position statement on constipation. Gastroenterology 2013;14:211-7.
Tack J, Müller-Lissner S, Stanghellini V, Boeckxstaens G, Kamm MA, Simren M, et al. Diagnosis and treatment of chronic constipation – a european perspective. Neurogastroenterol Motil 2011;23:697-710.