La constipation touche entre 15 et 20 % de la population générale. Quels signes d’alerte ? Quand prescrire des examens complémentaires ? Quelles nouveautés dans les traitements ? La conduite à tenir en MG, arbre décisionnel à l’appui.

La constipation est un symptôme fréquent (prévalence entre 15 et 20 % de la population générale), surtout chez les femmes et les sujets âgés. 

Elle correspond à l’émission de moins de 3 selles par semaine (à évaluer sur 15 jours) et/ou des selles dures et/ou des difficultés d’exonération (efforts de poussée, sensation de gêne lors de leur passage, évacuation incomplète, temps d’exonération allongé, manœuvres digitales).

On parle de constipation chronique si les troubles durent depuis plus de 6 mois.

La conduite à tenir est résumée dans la figure ci-contre.

Démarche diagnostique

Interrogatoire

Il caractérise la constipation et les selles :

  • mode d’installation (brutal ou progressif) ;
  • ancienneté ;
  • caractère continu ou intermittent ;
  • durée et profil évolutif des symptômes (alternance diarrhée/constipation) ;
  • forme et consistance des selles (Bristol 1 et 2 : dures et morcelées d’évacuation difficile ou dures, moulées en saucisse et bosselées) ;
  • aspect des selles (rectorragies, glaires) ;
  • symptômes associés : douleurs, ballonnements…
 

Moins de 3 selles par semaine avec des selles dures orientent vers une constipation de transit. Des efforts de poussée, une sensation d’évacuation incomplète, de blocage anorectal, la nécessité de manœuvres digitales et l’absence de besoin exonérateur orientent vers une constipation d’évacuation.

L’interrogatoire évalue aussi le retentissement sur la qualité de vie et recherche des facteurs de risque (sédentarité, régime pauvre en fibres) ainsi que les éventuels traitements déjà entrepris par le patient.

Exclure une pathologie organique 

La constipation peut être secondaire à une cause organique (tableau 1), qu’il convient toujours de rechercher en premier lieu, et qu’il est indispensable d’évoquer en cas de constipation récente ou d’aggravation récente d’une constipation préexistante.

Les éléments en faveur d’une cause organique ou médicamenteuse :

  • antécédents personnels et familiaux : alcoolo-tabagiques, digestifs, maladie métabolique, générale ou neurologique ;
  • grossesse ;
  • prise médicamenteuse (encadré 1) ;
 

Attention aux signes d’alarme :

  • rectorragies ou émission de glaires ;
  • signes généraux : asthénie, anorexie, amaigrissement, perte d’appétit, altération de l’état général ;
  • douleurs abdominales, ballonnement, nausée, vomissement ;
  • syndrome rectal.

Examen clinique et place des explorations

L’examen proctologique est crucial. L’examen de la marge anale recherche souillure, fissure (évocatrice d’une MICI), prolapsus, béance anale. Letoucher rectal, en décubitus latéral gauche, permet de déterminer le mécanisme à l’origine de la constipation, d’apprécier la présence et la consistance des selles dans l’ampoule rectale, la présence de sang, d’une tumeur palpable, d’une douleur localisée, le tonus sphinctérien au repos et la relaxation des muscles du plancher pelvien lors de la poussée ou une contraction paradoxale du sphincter anal lors des efforts de poussée.

Les explorations biologiques sont indiquées lorsque la constipation chronique persiste malgré un traitement adapté et bien suivi (v. ci-dessous) ou d’emblée en cas de suspicion d’une cause organique ou en présence de signes d’alarme : bilan biologique avec NFS, créatininémie, calcémie, glycémie, TSH, protéine C réactive (tableau 1). Les explorations morphologiques coliques sont préconisées si : symptômes apparus après 50 ans ; signes d’alarme à l’examen clinique ; suspicion de cause secondaire. Dans les autres situations, suivre les recos habituelles pour le dépistage du cancer colorectal.

Enfin, en cas de constipation idiopathique et d’échec du traitement de première intention (v. ci-dessous), certains examens complémentaires sont indiqués pour préciser le mécanisme de la constipation : temps de transit colique des marqueurs radio-opaques ; manométrie anorectale ; défécographie ou déféco-IRM ; manométrie colique.

Prise en charge d’une constipation idiopathique

Le traitement de la constipation secondaire est celui de la cause.

En cas de constipation idiopathique, en l’absence de signes d’alarme, un traitement médical est instauré en première intention, avant la réalisation d’examens complémentaires :

  • Règles hygiénodiététiques : augmentation progressive de l’apport quotidien en fibres, échelonnée sur deux semaines (afin d’éviter les effets indésirables de type ballonnements ou inconfort digestif) pour d’atteindre une dose de 15 à 40 g/j ; l’intérêt d’une augmentation des apports hydriques journaliers > 1,5 L n’a pas été prouvé en dehors des cas de déshydratation ou chez les personnes ayant une consommation hydrique faible (moins de 0,5 L par jour).
  • Traitements par laxatifs : les osmotiques ou de lest, bien tolérés, sont recommandés en 1re intention (privilégier les macrogols), en association aux mesures hygiénodiététiques ; les lubrifiants et stimulants ont une place en 2e intention (tableau 2). Effets indésirables : les laxatifs stimulants et les hydroxydes de magnésium exposent au risque de troubles électrolytiques, tandis que les laxatifs osmotiques à base de sucres non absorbables (mannitol, sorbitol, lactulose, lactitol, pentaérythritol) favorisent la survenue de ballonnements. En cas de constipation distale, les laxatifs par voie rectale sont indiqués. Enfin, si échec des laxatifs : recours possible aux colokinétiques comme le prucalopride.
 

Si le traitement médical de première intention échoue, la prise en charge est guidée par les résultats des examens complémentaires qui précisent le mécanisme – la compréhension de la physiopathologie de la constipation étant indispensable à l’efficacité du traitement. Par exemple, en cas de constipation distale avec dyssynergie rectosphinctérienne (anisme) prouvée sur la manométrie anorectale, une rééducation périnéale peut être proposée. D’autres traitements innovants et non invasifs comme l’électrostimulation sont actuellement à l’essai (encadré 2).

L’accompagnement psychologique est recommandé en cas de troubles psychiatriques, d’antécédent de maltraitance ou d’abus sexuels en lien avec la constipation.

Encadre

1. Classes médicamenteuses favorisant une constipation (en gras les plus fréquemment en cause)

Analgésiques (opiacés, codéine, tramadol)

Antiacides contenant du calcium ou de l’aluminium

Anticancéreux (carboplatine, gemcitabine, docétaxel, vincristine, exémestane) Anticholinergiques

Antidépresseurs (tricycliques, inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, duloxétine)

Antidiabétiques oraux (gliclazide, répaglinide)

Antiépileptiques (gabaline, prégabaline, carbamazépine)

Antihistaminiques

Antihypertenseurs (vérapamil, clonidine)

Anti-inflammatoires non stéroïdiens

Antinauséeux (sétrons)

Cholestyramine

Furosémide

Méthadone

Neuroleptiques

Ribavirine

Sels de fer (par voie orale)

Tacrolimus

Encadre

2. Électrostimulation : un nouveau traitement pour la constipation chronique ?

Une étude française dont les résultats viennent d’être publiés dans le United European Gastroenterolology Journal a évalué l’efficacité d’un nouveau traitement contre la constipation chronique, non médicamenteux et non invasif : la thérapie par courant interférentiel.

Dans cet essai randomisé, 185 patients ont reçu soit le traitement (N = 97) avec un dispositif délivrant une stimulation électrique pendant 1 heure par jour, tous les jours durant 8 semaines, soit une procédure témoin avec un dispositif ne délivrant pas de stimulation (N = 88).

Le critère de jugement principal était l’efficacité à la 8e semaine de traitement, définie comme le nombre de selles spontanées sur les 4 dernières semaines. Les critères de jugement secondaires incluaient l’amélioration des symptômes liés à la constipation (douleurs abdominales, symptômes rectaux, etc.) et de la qualité de vie, autoévaluées par les patients.

Si la proportion des participants répondant au traitement selon le critère principal (nombre de selles) n’était pas significativement différente entre les deux groupes (73,2 % dans le groupe traité versus 67,1 % dans le groupe contrôle), les scores d’autoévaluation des symptômes et de la qualité de vie étaient significativement améliorés par le traitement.

Les auteurs soulignent ainsi la nécessité de prendre en compte un plus vaste éventail de critères pour évaluer l’efficacité des traitements de la constipation, la pathologie elle-même impliquant une constellation de symptômes et d’inconforts vécus par les patients, au-delà du nombre de selles.

Pour en savoir plus : Vitton V, Mion F, Leroi AM, et al. Interferential therapy for chronic constipation in adults: The CON-COUR randomized controlled trial.  United European Gastroenterol J 2023;11(4):337-49.

D’après
Desprez C, Melchior C. Item 283 (ancien 280). Constipation chez l’enfant et l’adulte (avec le traitement) – partie adulte.  Rev Prat 2019;69(10);e351-7.
Pour en savoir plus :
Coffin B. Constipation et traitements laxatifs : l’EBM face aux idées reçues. Association française de formation médicale continue en hépato-gastroentérologie, 2022.
Mion F. Conseil de pratique. Constipation. Société nationale française de gastroentérologie, 2018.

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