Malgré les difficultés, surtout en termes d’organisation et de moyens, et un recours croissant aux différents temps de l’annonce, le dispositif, plébiscité par les patients, s’est généralisé et pourrait être un modèle pour d’autres maladies chroniques.
Àla suite des premiers États généraux de la Ligue contre le cancer en novembre 1998, une expérimentation du dispositif d’annonce est mise en place dans 58 établissements de santé. Celle-ci, confirmant les bénéfices attendus, conduit à la circulaire n° DHOS/SDO/2005/101 du 22 février 20051 puis au décret n° 2007-388 du 21 mars 20072 relatif aux conditions d’implantation applicables à l’activité de soins de traitement du cancer et modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires). Dès lors, la mise en place du dispositif d’annonce s’impose aux établissements de santé souhaitant obtenir une autorisation d’exercer en cancérologie.

Des difficultés…

Depuis notre présentation du dispositif d’annonce dans cette même revue en 2006,3 où notre enquête interne révélait la satisfaction de 95 % des patients, celui-ci s’est progressivement généralisé, sous la pression des patients, la motivation des médecins et soignants et… la contrainte réglementaire ! Pourtant, force est de constater que cette généralisation n’est pas réelle.
Ainsi, en 2011, l’enquête de l’Institut national du cancer (INCa)4 met en évidence les disparités existant en fonction des catégories socio-professionnelles, du sexe, de la localisation géographique (au détriment de l’Île-de-France*). Cependant, le dispositif confirme son utilité et une satisfaction globale des patients. Certes, quelques rares patients ne souhaitent pas en bénéficier. Mais il s’agit là d’une situation exceptionnelle…

Difficultés organisationnelles et financières

Les difficultés peuvent d’abord venir du corps médical. Certains confrères estiment en effet qu’ils annoncent le diagnostic parfaitement bien, depuis longtemps et que ni eux ni leurs patients n’ont donc besoin d’un tel dispositif « et de sa lourdeur ». D’autres considèrent tout simplement qu’ils n’ont pas le temps nécessaire… L’expérience a pourtant montré que le temps investi dans ces consultations initiales bien conduites permettait de gagner beaucoup de temps ensuite.
S’il existe donc une part d’application dépendant du médecin, les principales difficultés de la mise en œuvre du dispositif d’annonce sont d’ordre organisationnel et financier. Ainsi, la diversité des activités, chirurgicales, radiothérapiques, oncologiques, hématologiques, médicales peut rendre très délicates la généralisation et l’homogénéisation de ce dispositif au sein d’un seul établissement, et plus encore s’il existe une activité médicale multisites, le praticien référent étant par définition absent régulièrement. Ces difficultés retentissent quasi systématiquement sur la qualité des organisations, des soins, de la transmission des informations. Le patient et ses proches s’en trouvent aussi potentiellement fragilisés, avec parfois une perte de confiance (« mon médecin n’est jamais là quand on a une question ou un problème »).
De multiples problèmes sont directement liés aux difficultés de financement. En effet, nombre d’établissements, publics ou privés, doivent sans cesse faire plus, tout en diminuant leur masse salariale. Ainsi, les moyens humains initialement alloués n’ont que rarement été adaptés à l’augmentation d’une activité liée à un nombre accru de nouveaux cas annuels de cancer mais aussi à l’allongement de la durée de vie, y compris en phase avancée, du fait de l’augmentation des lignes de traitement, permettant de plus en plus de considérer la maladie avancée ou métastatique comme chronique.

Multiplication des temps d’annonce

Ces nouvelles possibilités thérapeutiques combinées avec la prise en charge pluridisciplinaire multiplient les temps d’annonce : annonce initiale du cancer, annonce de la stratégie thérapeutique (avec par exemple dans le cancer du sein localisé des temps différents pour la chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie, l’hormono­thérapie, la reconstruction, l’après-cancer) et dans certains cas, malheureusement, annonce d’une rechute (ou d’un deuxième cancer) avec l’annonce des changements de traitement, puis de l’arrêt des traitements spécifiques anticancéreux pour débuter une prise en charge uniquement palliative. Ces différents temps s’écoulent en semaines, mois, années ou dizaines d’années selon les situations. L’accroissement de la population concernée et des temps d’annonce ne s’est donc que fort rarement accompagnée de l’adaptation nécessaire des effectifs médicaux et paramédicaux (infirmières, secrétaires, manipulateurs radio…) pour que tous ces temps soient respectés dans la pratique quotidienne. Il est donc certain que l’intégralité des malades ne bénéficient pas systématiquement et à chaque étape du traitement du dispositif d’annonce. Il est vraisemblable que dans certains établissements, que l’on souhaite rares, la mise en place du dispositif corresponde plus à un affichage qu’à une réalité. À la décharge des établissements de santé, le nombre exponentiel de demandes administratives diverses et variées de la part des autorités de tutelle peut contribuer à faire perdre de vue des objectifs importants, comme le maintien et la pérennisation du dispositif d’annonce ! En outre, la lenteur et les retards au déploiement d’outils comme le dossier médical partagé ou le dossier communicant de cancérologie ne facilitent pas la communication entre les divers professionnels de santé impliqués.
Enfin, il convient de retenir également l’absence de mise en place du dispositif d’annonce auprès des médecins libéraux exerçant en cabinet (médecin traitant, spécialiste d’organes, radiologue).

… mais une généralisation progressive

La première évolution reste quand même, malgré ce qui a été annoncé ci-dessus, la généralisation progressive du dispositif d’annonce au cours des années, ainsi que son appropriation par la majorité des médecins et personnels soignants concernés. Cette extension a aussi été rendue possible par la création de formations adaptées.
La mise en place du dispositif a très souvent été à l’origine de la mise en place de véritables organisations de soins oncologiques de support.1 Selon les établissements, il peut s’agir de consultations ou de places dédiées en hôpital de jour, d’équipes mobiles de soins de support, d’un département interdisciplinaire des soins de support pour le patient en oncologie. Ces équipes de soins de support peuvent émaner des équipes mobiles de soins palliatifs qui, parfois, se sont rebaptisées « équipe mobile de soins de confort ». Cela permet en plus d’intégrer plus précocement dans le parcours de soins la notion de soins palliatifs, au plus grand bénéfice des patients en phase avancée de la maladie cancéreuse.5
Une autre évolution majeure est l’apparition d’infirmières de coordination en cancérologie (IDEC). Il s’agit souvent d’une infirmière ayant participé à un dispositif d’annonce, dont le rôle s’est naturellement élargi. Ainsi, devenue infirmière référente du parcours de soins du patient dès le temps d’annonce, elle évalue la situation clinique, les besoins en soins de support, coordonne les différents intervenants, conforte le lien ville-établis­sement de santé. Elle réalise des suivis téléphoniques planifiés, oriente si besoin le patient en cas de complication, trace ses interventions. Son rôle est naturellement appelé à se renforcer dans l’avenir compte tenu des besoins existants. En outre, une possibilité sera aussi de voir les infirmières de coordination en cancérologie se former pour devenir des infirmières de pratique avancée (IPA). La réussite de ces nouvelles organisations dépendra en partie du bon vouloir des établissements de santé : il faudra en effet trouver les financements pour les inscriptions en master et prévoir le remplacement des infirmières pendant leurs années de formation… et ajuster les organisations pour que « nouvelles » infirmières (IDE, IDEC, IPA) et médecins fonctionnent en harmonie, avec des rôles et compétences bien définis.

À étendre à d’autres maladies chroniques ?

En conclusion, le dispositif d’annonce s’est globalement généralisé, au profit des patients et des équipes soignantes. Il est souvent à l’origine d’une meilleure organisation des soins oncologiques de support et évolue souvent en un dispositif d’annonce et de coordination du parcours de soins. La logique, vu son succès et son utilité, serait de l’étendre à de nombreuses maladies chroniques non cancéreuses. 
* En Île-de-France, en 2011, un quart des patients était plus critiques par rapport au temps de discussion avec leur médecin, par rapport à l’ensemble des personnes malades.
Remerciements à Mmes Creff, Jaffry, Morvan, Poujoulat, infirmières du dispositif d’annonce et de coordination en cancérologie ; Mme Hasz, cadre de santé de l’unité de soins oncologiques de support, hôpital André-Mignot, Le Chesnay.
Références
1. Circulaire DHOS/SDO no 2005-101 du 22 février 2005 relative à l’organisation des soins en cancérologie. https://bit.ly/3bhOOrC
2. Décret n° 2007-388 du 21 mars 2007 relatif aux conditions d’implantation applicables à l’activité de soins de traitement du cancer et modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires). https://bit.ly/3bhOOrC
3. Mayeur D, Ghez S, Deau B, et al. Le dispositif d’annonce en cancérologie. Rev Prat Med Gen 2006;20:1225-7.
4. Institut national du cancer. Étude sur l’annonce du diagnostic de cancer et le ressenti des malades en 2011. INCa 2012. https://bit.ly/3addH7J
5. Marchetti P, Voltz R, Rubio C, et al. Provision of palliative care and pain management services for oncology patients. J N Cancer Net 2013;11(Suppl.1):S17-S27.

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