La consultation préconceptionnelle (CPC) et l’entretien prénatal précoce (EPP) sont deux temps essentiels pour l’anticipation et la prise en charge optimales d’une grossesse.
Ces deux dispositifs sont complémentaires : le premier est une consultation réalisée avant la grossesse, qui permet de la programmer et d’anticiper d’éventuelles difficultés pouvant survenir (prise médicamenteuse tératogène, précautions, voire contre-indications dans certaines situations de pathologies maternelles graves, etc.) ; le second permet de répondre aux nombreuses questions et de repérer les vulnérabilités psycho­sociales du couple ou de la patiente. Les médecins généralistes ont un rôle majeur à jouer, dans l’un comme dans l’autre.

Consultation préconceptionnelle : quelles modalités ?

La visite et le certificat prénuptiaux obligatoires pour les deux conjoints, instaurés en 1942 afin de prévenir et éduquer les couples sur l’hygiène de vie, les maladies sexuellement transmissibles et la contraception, ont été supprimés en 2007. Avant cette disparition, le concept de consultation préconceptionnelle (CPC) avait été défendu par de nombreuses sociétés savantes telles que l’Académie de médecine1 et le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF).2 Dès 2007, la Haute Autorité de santé (HAS), dans ses recommandations professionnelles sur « le suivi et l’orientation des femmes enceintes en fonction des situations à risques identifiées »3, préconise de réaliser une CPC afin que « le risque d’une grossesse future soit apprécié le plus précocement possible, idéalement avant la grossesse ». L’Assurance maladie se fait, en 2022, le relais de la CPC, avec des informations à destination du grand public : « Consulter avant d’avoir un enfant : la consultation préconceptionnelle ».4

Pour qui et par qui ?

La CPC s’adresse à toute patiente ou tout couple qui programme une grossesse dans un avenir proche. La plupart des couples sont sans antécédent notable ou sans pathologie. Ils trouvent là l’occasion de faire un bilan de santé et se voient proposer des mesures adaptées au bon déroulement de la future grossesse.
La connaissance d’un projet de vie conjugale ou de mariage peut être l’occasion de réaliser cette consultation. Un projet de grossesse peut aussi être discuté lors d’un arrêt de contraception, d’un questionnement sur des troubles de la fertilité.
La CPC s’adresse également à toute patiente ayant eu une complication au cours d’une grossesse, d’un accouchement précédent, avec un enfant atteint d’une pathologie sévère ou décédé. De même, tout couple dont l’un des membres a des antécédents personnels ou familiaux de maladie génétique (mucoviscidose, hémophilie, myopathie…) peut en bénéficier : une consultation génétique est alors proposée afin d’évaluer le risque de récurrence de la pathologie et envisager un diagnostic anténatal.
La CPC peut être réalisée par tout membre du personnel médical impliqué dans la périnatalité : un médecin généraliste, une sage-femme, un gynécologue médical ou un gynécologue-obstétricien.
Le médecin généraliste a de multiples occasions de sensibiliser ses patientes sur l’importance de planifier une grossesse ; il a toute légitimité à réaliser la CPC, étant le professionnel connaissant le mieux la patiente et ses antécédents.5

Informer et identifier les risques

La visite préconceptionnelle est un moment privilégié pour faire le point avec la patiente ou les futurs parents sur leur état de santé, l’intérêt d’adopter des comportements hygiénodiététiques en accord avec la future grossesse et acquérir des connaissances sur les conduites à risque à éviter en cours de grossesse. Il ne s’agit pas de médicaliser une future grossesse dont le déroulement est généralement simple, mais d’anticiper des événements pouvant être délétères lors de la grossesse, qui méritent une réelle attention et une prise en charge adaptée.
 

Tenir compte des antécédents

Comme toute consultation, celle-ci comporte un interrogatoire de la patiente sur ses antécédents personnels et familiaux, la recherche de facteurs de risques individuels, de prise médicamenteuse, de pathologie en cours pouvant impacter l’évolution d’une future grossesse (diabète, hypertension artérielle, épilepsie, antécédents de phlébites, pathologie thyroïdienne, séropositivité pour le VIH…).
L’interrogatoire est également orienté sur d’éventuels antécédents obstétricaux (accouchement prématuré, prééclampsie, mort fœtale in utero, etc. ;  tableau 1).
La CPC permet de faire le point sur une pathologie maternelle préexistante à la grossesse, d’anticiper son retentissement sur celle-ci, et inversement. Une prise en charge pluridisciplinaire, sur un plateau technique adapté, peut être organisée, ainsi que le recueil des comptes rendus et éléments d’iconographie permettant l’obtention d’un dossier complet. La CPC permet de dispenser une information loyale à la patiente et au couple sur les risques liés à une grossesse, avec parfois la nécessité de parfaitement la planifier, ou de clairement la déconseiller après avis et consultation auprès des spécialistes concernés.
C’est aussi l’occasion de faire le point sur les sérologies. La connaissance des sérologies pour la toxoplasmose et la rubéole – obligatoires en préconceptionnel – permet, en cas de négativité, d’informer sur les mesures de prévention à adopter. La sérologie syphilitique est également obligatoire, en début de grossesse, et celle du VIH est à proposer selon les risques. Celle de l’hépatite C n’est réalisée, de même, qu’en cas de facteurs de risque. Enfin, bien qu’elle ne soit pas obligatoire, la sérologie pour le cytomégalovirus est proposée d’office dans certains établissements : cela permet d’avoir une sérologie de référence en cas de doute sur une séroconversion en début de grossesse.
Les données de l’interrogatoire servent aussi à orienter vers une pathologie de l’hémostase et indiquer un dosage du taux de prothrombine (TP) et la mesure du temps de céphaline kaolin (TCK).
La prévention du risque médicamenteux est essentielle, en identifiant tout traitement pris avant la grossesse et en réévaluant la balance bénéfices-risques de sa poursuite avec le spécialiste impliqué.
Enfin, la CPC permet d’évaluer et de prévenir les risques toxiques liés à la consommation de tabac, d’alcool, de cannabis et autres drogues.
 

Examen clinique de rigueur

Cette consultation comporte un examen clinique avec prise systématique de la pression artérielle, permettant le dépistage d’une hypertension artérielle inconnue ou négligée.
Les mesures du poids et de la taille de la patiente avec calcul de l’indice de masse corporelle permettent de dépister une obésité (IMC ≥ 30) ou une dénutrition (IMC ≤ 18) et d’orienter éventuellement vers un spécialiste.
L’examen gynécologique comprend un examen des deux seins et des aires ganglionnaires, la pose d’un spéculum pouvant révéler des anomalies cervico-­vaginales et permettant la réalisation d’un frottis cervico-vaginal si besoin, ainsi qu’une inspection vulvaire à la recherche des mutilations génitales (encadré 1).
 

Vérifier le statut vaccinal

Avant la grossesse, il convient de s’assurer que les schémas vaccinaux sont complets (tableau 2) :
- la vaccination contre la coqueluche est mise à jour pour la patiente et conseillée pour tous les membres de l’entourage familial en contact avec le futur enfant ;
- les vaccinations contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite, la rougeole, les oreillons et la rubéole doivent être à jour ;
- une vaccination contre la varicelle est conseillée aux patientes sans antécédent clinique de varicelle (un contrôle sérologique préalable peut être pratiqué) ;
- la sérologie de l’hépatite B est également utile (si elle est négative, la vaccination peut être proposée) ;
- la vaccination contre le SARS-CoV-2 est à proposer avant même la conception.
 

Prévention des carences

La CPC est l’occasion de prévenir le risque carentiel par la prescription systématique d’acide folique trois mois avant la grossesse et durant les douze premières semaines (400 µg/j, ou 5 mg/j en cas d’antécédents d’anomalie de fermeture du tube neural ou de chirurgie bariatrique).
Une prescription de supplémentation martiale est également possible en cas d’anémie ferriprive identifiée ou de régime carencé.

Entretien prénatal précoce :un précieux temps d’échange

Inscrit dans le plan de périnatalité 2005-2007, l’entretien prénatal précoce (EPP) est un moment d’échange entre les futurs parents et un professionnel de santé impliqué dans le suivi de la grossesse : médecin généraliste, sage-femme, gynécologue médical ou gynécologue-obstétricien.

Informer et repérer les vulnérabilités

Ce rendez-vous sert surtout à identifier les besoins du couple en matière d’informations, apprécier leur environnement social, leur santé psychique et les éventuels points de vulnérabilité. Le couple peut se renseigner sur les séances de préparation à l’accouchement, évoquer le projet de naissance et la manière dont il se projette dans sa parentalité. L’EPP est aussi l’occasion de faire le point sur l’état de santé de la femme enceinte, d’organiser le suivi de grossesse en orientant si nécessaire la patiente vers un praticien adapté.6

Quand et comment se déroule-t-il ?

L’EPP peut avoir lieu à n’importe quel stade de la grossesse. Dans les faits, il se déroule le plus souvent au début du deuxième trimestre lorsque le risque de fausse couche a diminué. Cet entretien est un temps d’échange d’une durée de quarante-cinq minutes à une heure ; il permet de préciser plusieurs éléments sur les ressentis de la patiente (encadré 2).
Depuis le 1er mai 2020, l’EPP est obligatoire et intègre le parcours de grossesse avec les sept examens prénataux. Il est remboursé à 100 % par la Sécurité sociale et l’importance de sa généralisation est inscrite dans le rapport sur les 1 000 premiers jours de vie produit par une commission scientifique pluridisciplinaire.7 Il s’agit d’une occasion de dépister tôt dans la grossesse un risque de dépression pour la femme – dépistage précoce d’autant plus important que le suicide est actuellement la deuxième cause de décès maternel.8
Seules 28,5 % des femmes déclaraient avoir bénéficié d’un EPP lors de l’enquête nationale périnatale réalisée en 2016 ; il concernait préférentiellement des popu­lations de bon niveau socio-économique, alors qu’un de ses rôles est de permettre le repérage des patientes ayant des vulnérabilités psychologiques ou sociales.9 Le médecin généraliste est en première ligne pour réaliser cet EPP ou s’assurer que ses patientes enceintes en ont bien bénéficié. 
Informer toute patiente ayant un désir de grossesse de l’importance de bénéficier d’une consultation préconceptionnelle. Plus d’informations sont disponibles sur le site de l’Assurance maladie : https://bit.ly/3CpP08u
Expliquer à toute femme enceinte que l’entretien prénatal précoce est une consultation obligatoire, dès le 4e mois de grossesse, que son contenu est informatif et qu’il permet le dépistage de vulnérabilités éventuelles. Plus d’informations sont disponibles sur le site de l’Assurance maladie : https://bit.ly/3BUUh6E
• Pression artérielle
• Taille, poids
• Examen des deux seins et aires ganglionnaires
• Examen gynécologique (vulve, vagin et col utérin) avec pose de spéculum et toucher vaginal
• Comment vous sentez-vous physiquement ?
• Comment vivez-vous les modifications de votre corps ?
• Quelle est votre prise de poids et quelles sont vos habitudes alimentaires ?
• Êtes-vous heureuse de cette grossesse ?
• Comment vivez-vous votre grossesse ?
• Dormez-vous bien ?
• Comment se passe votre vie professionnelle ?
• Comment se passe votre vie conjugale ?
• Comment se projette votre conjoint dans cette paternité ?
• Comment envisagez-vous l’accouchement ?
• Comment vous projetez-vous face à la péridurale et à la douleur ?
• Comment envisagez-vous de vous préparer à l’arrivée de l’enfant ?
• Quelles sont vos préoccupations ?
• Qu’attendez-vous de la préparation à la naissance ?
• Quel est votre projet alimentaire pour le bébé ?
• Avez-vous réfléchi à un mode de garde pour l’enfant après votre congé maternité ?
La consultation préconceptionnelle et l’entretien prénatal précoce sont deux temps essentiels d’information des femmes et des couples, et de repérage des vulnérabilités.
La consultation préconceptionnelle permet d’anticiper le bon déroulement de la grossesse en évaluant le retentissement de pathologies existantes, de prises médicamenteuses ou de comportements hygiénodiététiques.
L’entretien prénatal précoce, obligatoire et remboursé à 100 % par l’Assurance maladie, permet d’informer les couples, de repérer les vulnérabilités psychosociales et les patientes à risque de dépression en cours de la grossesse ou dans le post-partum.
Encadre

Que dire à vos patientes ?

Informer toute patiente ayant un désir de grossesse de l’importance de bénéficier d’une consultation préconceptionnelle. Plus d’informations sont disponibles sur le site de l’Assurance maladie : https://bit.ly/3CpP08u

Expliquer à toute femme enceinte que l’entretien prénatal précoce est une consultation obligatoire, dès le 4e mois de grossesse, que son contenu est informatif et qu’il permet le dépistage de vulnérabilités éventuelles. Plus d’informations sont disponibles sur le site de l’Assurance maladie : https://bit.ly/3BUUh6E

Encadre

1. Examen clinique lors de la consultation préconceptionnelle

• Pression artérielle

• Taille, poids

• Examen des deux seins et aires ganglionnaires

• Examen gynécologique (vulve, vagin et col utérin) avec pose de spéculum et toucher vaginal

Encadre

2. Questions à poser lors de l’entretien prénatal précoce

• Comment vous sentez-vous physiquement ?

• Comment vivez-vous les modifications de votre corps ?

• Quelle est votre prise de poids et quelles sont vos habitudes alimentaires ?

• Êtes-vous heureuse de cette grossesse ?

• Comment vivez-vous votre grossesse ?

• Dormez-vous bien ?

• Comment se passe votre vie professionnelle ?

• Comment se passe votre vie conjugale ?

• Comment se projette votre conjoint dans cette paternité ?

• Comment envisagez-vous l’accouchement ?

• Comment vous projetez-vous face à la péridurale et à la douleur ?

• Comment envisagez-vous de vous préparer à l’arrivée de l’enfant ?

• Quelles sont vos préoccupations ?

• Qu’attendez-vous de la préparation à la naissance ?

• Quel est votre projet alimentaire pour le bébé ?

• Avez-vous réfléchi à un mode de garde pour l’enfant après votre congé maternité ?

Références
1. Dreux C, Crépin G. Prévention des risques pour l’enfant à naître. Nécessité d’une information bien avant la grossesse. Bull Acad Nat Med 2006;190(3):713-23.
2. Luton D. Plaidoyer pour une consultation préconceptionnelle. Brèves de Collège, CNGOF, 14 décembre 2007.
3. HAS. Projet de grossesse : informations, messages de prévention, examens à proposer. 2009.
4. Assurance maladie. Consulter avant d’avoir un enfant : la consultation préconceptionnelle [en ligne]. Septembre 2022 [consulté en mai 2022]. Disponible sur https://bit.ly/3CpP08u
5. Valin MS. État des lieux et freins de la consultation préconceptionnelle chez les médecins haut-normands en 2017 [thèse pour le doctorat en médecine]. Faculté mixte de Rouen, UFR de médecine et de pharmacie, 2018.
6. Molenat F. Le tournant du plan périnatalité 2005-2007. Contraste 2007;1(26):127-35.
7. Ministère des Solidarités et de la Santé. Rapport de la commission des 1 000 premiers jours. Septembre 2020.
8. Inserm, Santé publique France. Les morts maternelles en France : mieux comprendre pour mieux prévenir. 6e rapport de l’Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM) 2013-2015. 2021, 237 p.
9. Blondel B (Inserm), Gonzalez L, Raynaud P. (dir.), et al. Enquête nationale périnatale 2016. Les naissances et les établissements, situation et évolution depuis 2010. Drees, rapport, octobre 2017.

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La consultation préconceptionnelle et l’entretien prénatal précoce sont deux temps essentiels d’information des femmes et des couples, et de repérage des vulnérabilités.

La consultation préconceptionnelle permet d’anticiper le bon déroulement de la grossesse en évaluant le retentissement de pathologies existantes, de prises médicamenteuses ou de comportements hygiénodiététiques.

L’entretien prénatal précoce, obligatoire et remboursé à 100 % par l’Assurance maladie, permet d’informer les couples, de repérer les vulnérabilités psychosociales et les patientes à risque de dépression en cours de la grossesse ou dans le post-partum.