Recommandé chez les femmes enceintes depuis 2012, le vaccin contre la grippe peine cependant à se généraliser : la couverture vaccinale dans cette population n’atteindrait que 7,4 % dans la saison 2015-16, d’après une étude de Béatrice Blondel (Inserm) et Odile Launay (hôpital Cochin, AP-HP). En cause ? Principalement la méconnaissance et la suspicion à l’égard de la vaccination…
Pourtant, la tolérance et la sécurité des vaccins antigrippaux inactivés est bonne à tous les stades de la grossesse : selon une étude de cohorte menée aux États-Unis sur plus de 50 000 nourrissons dont la mère a été vaccinée au 1er trimestre, ceux-ci n’avaient pas de risque accru d’anomalies congénitales (comparés à plus de 300 000 dont la mère n’a pas été vaccinée).
Par ailleurs, son efficacité est équivalente chez les femmes enceintes et non enceintes, et plusieurs essais randomisés (au Bangladesh, en Afrique du Sud, au Mali et au Népal) confirment son immunogénicité et le passage des anticorps chez le fœtus ainsi que leur persistance jusqu’à 4 mois chez le nouveau-né. Ce vaccin réduirait ainsi de 36 % les maladies respiratoires avec fièvre chez la mère et de 63 % l’infection grippale avérée chez le nourrisson de moins de 6 mois. D’autres études prospectives ont montré une efficacité de 40 % dans la prévention des hospitalisations associées à la grippe pendant la grossesse, de 71 % pour la prévention de la grippe infantile et de 64 % pour la prévention de l’hospitalisation du nouveau-né.
Quant au vaccin contre la coqueluche, sa recommandation chez les femmes enceintes en France ne concerne actuellement que le département de Mayotte, bien que cette maladie soit la première cause de mort par infection bactérienne communautaire chez les nourrissons de moins de 3 mois.
En effet, la stratégie se limite aujourd’hui à la vaccination des nouveau-nés à 2 mois, 4 mois et 11 mois (avec des rappels à 6 ans et à 11-13 ans) et au « cocooning »(vaccination des adultes ayant un projet parental, de l’entourage de la femme enceinte, et de la mère après l'accouchement si elle n’a pas été vaccinée avant). Cette dernière stratégie a, de plus, montré un succès mitigé malgré une abondante campagne d’information.
Or l’expérience au Royaume-Uni, où un programme de vaccination des femmes enceintes contre la coqueluche a été mis en place après qu’un pic épidémique en 2012 a entraîné de nombreux décès chez les nourrissons de moins de 3 mois, a montré une efficacité supérieure à 90 % contre la coqueluche confirmée en laboratoire pendant les 3 années qui ont suivi la mesure, et une efficacité de 95 % contre la mortalité infantile due à cette maladie.
De plus, ce vaccin est bien toléré dans cette population : une revue des études de suivi conduites sur plus de 1 400 000 femmes vaccinées au cours de la grossesse ne montre pas d’augmentation significative des événements indésirables, tant chez les mères que chez les nourrissons.
C’est pourquoi l’Académie de médecine appelle à proposer systématiquement ces vaccins lors de la première visite prénatale, et particulièrement à élargir la recommandation du vaccin contre la coqueluche à la France entière – sans que cela implique de négliger les rappels chez l’adolescent et l’adulte. Concernant ce dernier, elle appelle également à favoriser la mise sur le marché de vaccins anticoquelucheux acellulaires recombinants, la formulation monovalente étant particulièrement indiquée chez les femmes enceintes afin d’éviter d’éventuels effets de « sur-vaccination » chez les multipares.
Si les contre-indications concernant les vaccins vivants (rougeole, rubéole, oreillons, varicelle et BCG) doivent être maintenues et rappelées, les données qui s’accumulent depuis plusieurs années, provenant de divers pays, permettent en effet de lever les objections théoriques quant à l’efficacité et à l’innocuité de vaccins contre la grippe et contre la coqueluche.
Les médecins généralistes et les sages-femmes sont des relais essentiels dans la mise en œuvre de ces recommandations vaccinales. Selon l’étude citée plus haut concernant la vaccination antigrippale en France, les femmes dont le médecin principal pendant la grossesse était un généraliste avaient un taux de couverture vaccinale plus important. Quant aux sages-femmes, autorisées depuis 2016 à prescrire des vaccins chez la mère, l’enfant et leur entourage, une enquête de 2017 a pourtant montré que seulement 10 % prescrivaient systématiquement le vaccin, alors que, par exemple en Australie, un programme d’immunisation contre la grippe et la coqueluche par des sages-femmes a permis une hausse importante de la couverture vaccinale des femmes enceintes (76 % et 81 % respectivement). L’Académie recommande ainsi que les campagnes d’information sur ces vaccinations ciblent les médecins généralistes et les sages-femmes, aussi bien que les gynécologues-obstétriciens et les services de consultation prénatale.
Pour en savoir plus
Académie nationale de médecine. Rapport – Il faut vacciner les femmes enceintes contre la grippe et la coqueluche. 2 mars 2021.
L.M.A., La Revue du Praticien