Des motifs écologiques, mais aussi économiques, poussent de plus en plus de femmes à recourir à la coupe menstruelle. Ce réceptacle, fabriqué le plus souvent en silicone médical, est inséré dans le vagin pour recueillir le sang (avec une capacité entre 10 et 38 mL de sang, soit davantage qu’un tampon ou une serviette hygiénique). Lavable et réutilisable, la coupe a une durée de vie de plusieurs années ; elle doit être stérilisée avant et/ou après les menstruations.
Selon un rapport de l’Anses (2019), 9 % des femmes interrogées utilisaient ce type de protection intime, notamment celles âgées de 25 à 34 ans ; par ailleurs, au cours des 12 mois précédant l’enquête, 13 % des répondantes avaient changé de type de protection, principalement pour utiliser une coupe.
Dans un article récemment paru dans JAMA Insights , les auteures incitaient les professionnels de santé à mieux faire connaître ces produits réutilisables, dans la mesure où ils ont l’avantage de réduire les déchets et simplifier l’hygiène menstruelle, et peuvent être particulièrement utiles dans des contextes de précarité. Toutefois, de nombreuses interrogations concernant leur sûreté demeurent, car ce produit, bien qu’existant depuis près d’un siècle, ne se popularise que depuis quelques années. Qu’en sait-on aujourd’hui ?
Avantages, inconvénients, effets indésirables…
Dans une méta-analyse parue dans le Lancet en 2019, les chercheurs se sont intéressés à l’acceptabilité et la sécurité d’utilisation de la coupe menstruelle, recensant les résultats de 43 études internationales, sur un total de 3 319 femmes. Parmi elles, 5 ont rapporté des douleurs vaginales sévères ou des plaies vaginales, 6 des allergies ou un rash, 9 des troubles des voies urinaires et 5 un syndrome de choc toxique suivant l’utilisation d’une coupe.
Cette méta-analyse suggérait en outre que l’utilisation d’une coupe menstruelle ne semble pas provoquer des modifications de la flore vaginale, certaines données indiquant même qu’elle pourrait être associée à une moindre fréquence d’infections urogénitales (dont vaginose bactérienne), comparée aux tampons et serviettes hygiéniques.
Les fuites étaient un effet indésirable plus fréquent, rapportées par 2 à 13 % des femmes, mais dans les études ayant comparé les coupes aux tampons, les taux de fuites étaient similaires, voire inférieurs pour les coupes. Ces fuites peuvent être dues, le plus souvent, à des menstruations particulièrement abondantes, des variations anatomiques, un mauvais positionnement ou une mauvaise taille de la coupe. Enfin, 2 femmes rapportaient avoir eu besoin de l’assistance d’un professionnel de santé pour l’enlever.
Les auteurs de cette étude ont estimé que globalement les coupes sont une option sûre et acceptable (taux de satisfaction > 70 % dans cette méta-analyse), tout en appelant à réaliser davantage d’études.
Enfin, les bénéfices en matière de réduction des déchets qu’offre ce dispositif, dont la vie utile peut durer plusieurs années, sont sans doute l’un des principaux atouts recherchés par des femmes souvent jeunes : en effet, chaque année, plus de 45 milliards de produits d’hygiène menstruelle à usage unique sont jetés dans le monde…
Un risque accru de choc toxique ?
Le syndrome de choc toxique menstruel (SCT) est une maladie aiguë infectieuse causée par la libération dans le sang d’une toxine bactérienne, la TSST- 1, produite par le Staphylococcus aureus. Il est favorisé par de mauvaises conditions d’utilisation des protections intimes internes, donc tampons et coupes – les protections externes (serviettes, protège-slips) n’ont jamais été impliquées. Les premiers symptômes, apparaissant dans un délai de 3 à 5 jours, sont non spécifiques, ce qui rend difficile l’identification du SCT : forte fièvre (> 39 °C), syndrome pseudogrippal (douleurs musculaires, maux de gorge) ou gastroentérite (vomissements, diarrhée…), éruption cutanée ressemblant à un coup de soleil. En l’absence de prise en charge médicale, des défaillances multi-organes peuvent survenir en quelques jours et aboutir à des complications rares mais graves (amputation, par exemple) voire au décès.
En France, une vingtaine de cas par an de SCT sont recensés par le Centre national de référence (CNR) des staphylocoques, mais, s’agissant de déclarations spontanées, ce chiffre peut être sous-estimé.
Peu de travaux ont comparé l’utilisation des coupes et des tampons vis-à-vis de ce risque. Si une étude de laboratoire a, par exemple, trouvé que le S. aureus se développait plus rapidement et produisait plus de TSST- 1 dans les coupes (probablement en raison de l’air qui y reste enfermé), des données issues des États-Unis suggèrent que le risque de SCT est similaire quel que soit le produit (environ 1 sur 100 000 utilisatrices).
In fine , ces sont les conditions d’utilisation qui sont principalement en cause : le risque de développer un SCT augmente avec la durée de port des protections internes. Ainsi, celles dont la capacité d’absorption est plus forte que nécessaire majorent mécaniquement ce risque, car elles augmentent de manière excessive la durée de port. L’Anses a récemment émis une alerte à cet égard et rappelé les bonnes pratiques pour les patientes (encadré). En effet, selon l’enquête qu’elle a menée, les recommandations de durée de port figurant dans les notices d’utilisation (4 à 6 heures maximum) sont peu ou mal suivies par la majorité des femmes : 79 % d’entre elles déclaraient garder leur tampon toute la nuit sans le changer, et près de 30 % déclaraient ne pas changer de coupe menstruelle durant toute une journée (2 % pour les tampons).
Coupe et DIU
Un autre risque craint par les patientes est celui d’un éventuel déplacement ou expulsion du dispositif intra-utérin (DIU), potentiellement lié au mécanisme de ventouse généré lors du retrait de la coupe et/ou à un blocage des fils sur les parois de celle-ci. Toutefois, peu de travaux ont évalué précisément ce risque, souvent avec des résultats contradictoires.
La méta-analyse du Lancet recensait 13 utilisatrices de la coupe menstruelle ayant rapporté une expulsion du DIU (8 dans des rapports de cas, 5 dans une étude), dans des délais allant de 1 semaine à 13 mois après la pose du DIU, mais le risque global n’est pas clairement établi. Une revue systématique plus récente (2023), mais comprenant seulement 7 études, fait état de taux d’expulsion très variables chez les utilisatrices de la coupe, allant de 4 % à 19 % ; certains travaux trouvaient une association significative, par rapport à la non-utilisation ou à l’utilisation de tampons, tandis que d’autres ne trouvaient pas de différence. Les auteurs soulignaient ainsi que les résultats étant discordants sur l’existence d’une association statistiquement significative entre l’utilisation de la coupe menstruelle et l’expulsion du DIU, davantage d’études sont nécessaires pour étudier ce risque – en particulier des essais randomisés évaluant l’effet de facteurs tels que l’âge, la technique de retrait de la coupe, l’anatomie pelvienne, le type de DIU, et des mesures comme le raccourcissement des fils ou le report de l’utilisation de la coupe pendant une certaine période après l’insertion du DIU.
Il n’y a donc pas suffisamment de données pour déconseiller l’utilisation d’une coupe menstruelle aux patientes portant un DIU : le Collège national des gynécologues et obstétriciens français n’y voit d’ailleurs aucun inconvénient, tant que les conditions d’hygiène sont respectées (fiche patientes, 2017).
En pratique, certaines précautions sont cependant recommandées dans d’autres pays (NHS au Royaume-Uni, planning familial australien…), en particulier :
- durant les 3 premiers mois suivant la pose d’un DIU (qui correspondent à la période où le risque d’expulsion est le plus élevé), envisager l’utilisation d’autres produits d’hygiène menstruelle, par précaution ;
- lors de l’insertion de la coupe : vérifier que les fils du DIU ne sont pas « piégés » par les parois de la coupe ; ne pas placer cette dernière trop haut dans le vagin, afin d’éviter ce risque ;
- lors du retrait de la coupe : relâcher l’effet de succion avant de la retirer, en plaçant un doigt sur le côté de la coupe, en direction du bord, et en pressant doucement (elle peut alors être retirée en biais).
Prévention du syndrome du choc toxique menstruel : les bonnes pratiques
- Respecter les recommandations d’utilisation, en particulier celles sur le temps de port des protections intimes internes (tampons, coupes menstruelles…) :
- 6 heures maximum ;
- une protection à la fois et uniquement pendant les règles ;
- pour la nuit, privilégier des protections externes comme les serviettes hygiéniques.
- Se laver les mains avant et après le changement de protections intimes.
- Choisir sa protection avec un pouvoir absorbant adapté à son flux menstruel et la changer régulièrement.
- En cas d’antécédent de SCT, éviter d’utiliser des protections intimes internes.
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