En dépassant le seuil des 20 millions de personnes en France ayant reçu au moins une dose vaccinale et compte tenu du nombre de celles déjà contaminées par le SARS-CoV-2, on peut espérer enfin, comme ailleurs en Europe, une sortie de la crise sanitaire, sauf retour de bâton lié à un trop rapide relâchement des gestes barrières ou à l’émergence d’un variant résistant au vaccin.
La première vague épidémique avait créé la stupeur ; la deuxième était crainte ; la troisième a été vécue avec résignation, mais admettre la possibilité d’une quatrième semble être de l’ordre du déni. Si médecins et scientifiques, en ordre dispersé, pèsent « le pour et le contre » de l’allègement des contraintes, en opposant risques liés au virus et ceux sur la santé mentale dus au confinement ou à la crise économique, l’exécutif, soumis à d’autres échéances, entend bien tourner la page, même si son discours veut paraître plus nuancé. C’est ce que réclame de toute évidence la population (les soignants en font partie), qui n’a plus qu’une hâte, celle de retrouver « la vie d’avant ».
Plusieurs indices suggèrent cependant que « la vie d’après » n’en sera pas la simple continuité, ainsi de l’essor du télétravail ou du moindre attrait pour la vie dans les mégalopoles. Pour autant, ce sont surtout les économistes puis les sociologues puis les historiens qui nous diront quelle césure aura entraîné cette crise. On peut craindre toutefois que ne perdure cette tendance si enracinée en nous d’oublier le malheur et le risque. Il y a tout juste 40 ans, la publication de cas inhabituels de pneumocystose pulmonaire chez de jeunes Américains sonnait l’apparition de l’épidémie de sida qui terrifia la population, fit des millions de morts dans le monde et continue d’en faire. L’avènement en 1996 des trithérapies antirétrovirales contenant une antiprotéase découpla le pronostic de l’infection entre habitants du Nord, ayant les médicaments, et ceux du Sud (principalement d’Afrique subsaharienne), qui n’en disposent pas pour l’intégralité de leur population. En France, avant cette date, ce sont plusieurs dizaines de milliers de jeunes adultes qui sont morts dans d’incroyables souffrances. Qui s’en souvient, sinon leurs proches ? Notre société a littéralement « digéré » ce drame et aussi ce qu’il prophétisait : le risque de nouvelles pandémies, après la période d’euphorie qui concluait à la victoire sur les maladies infectieuses, après l’apparition des antibiotiques et la disparition de la variole. Même les populations les plus exposées au virus ont du mal à saisir ce que fut cette tragédie. En témoigne la sidération de ceux qui virent, en 2017, le film choc « 120 battements par minute » sur les années Act Up. Quant à notre capacité à nous émouvoir d’une des plus criantes inégalités de santé existant au monde, à savoir l’accès à un traitement antirétroviral efficace, c’est un euphémisme de dire qu’elle est très émoussée… En sera-t-il de même vis-à-vis des victimes de la Covid-19, de leurs proches malmenés par les conditions des obsèques ou de ceux qui en gardent des séquelles ? Lorsque la barre des 100 000 décès a été franchie en France, il y a bien eu quelques tentatives pour leur rendre hommage, mais on peut craindre que le retour à « la vie d’avant » se fasse en les oubliant, en « digérant » une nouvelle fois la catastrophe, comme nous en digérons d’autres, par exemple les 70 000 morts annuels du tabagisme. À son tour, que deviendra la perception du risque pandémique après les années Covid ?
La première vague épidémique avait créé la stupeur ; la deuxième était crainte ; la troisième a été vécue avec résignation, mais admettre la possibilité d’une quatrième semble être de l’ordre du déni. Si médecins et scientifiques, en ordre dispersé, pèsent « le pour et le contre » de l’allègement des contraintes, en opposant risques liés au virus et ceux sur la santé mentale dus au confinement ou à la crise économique, l’exécutif, soumis à d’autres échéances, entend bien tourner la page, même si son discours veut paraître plus nuancé. C’est ce que réclame de toute évidence la population (les soignants en font partie), qui n’a plus qu’une hâte, celle de retrouver « la vie d’avant ».
Plusieurs indices suggèrent cependant que « la vie d’après » n’en sera pas la simple continuité, ainsi de l’essor du télétravail ou du moindre attrait pour la vie dans les mégalopoles. Pour autant, ce sont surtout les économistes puis les sociologues puis les historiens qui nous diront quelle césure aura entraîné cette crise. On peut craindre toutefois que ne perdure cette tendance si enracinée en nous d’oublier le malheur et le risque. Il y a tout juste 40 ans, la publication de cas inhabituels de pneumocystose pulmonaire chez de jeunes Américains sonnait l’apparition de l’épidémie de sida qui terrifia la population, fit des millions de morts dans le monde et continue d’en faire. L’avènement en 1996 des trithérapies antirétrovirales contenant une antiprotéase découpla le pronostic de l’infection entre habitants du Nord, ayant les médicaments, et ceux du Sud (principalement d’Afrique subsaharienne), qui n’en disposent pas pour l’intégralité de leur population. En France, avant cette date, ce sont plusieurs dizaines de milliers de jeunes adultes qui sont morts dans d’incroyables souffrances. Qui s’en souvient, sinon leurs proches ? Notre société a littéralement « digéré » ce drame et aussi ce qu’il prophétisait : le risque de nouvelles pandémies, après la période d’euphorie qui concluait à la victoire sur les maladies infectieuses, après l’apparition des antibiotiques et la disparition de la variole. Même les populations les plus exposées au virus ont du mal à saisir ce que fut cette tragédie. En témoigne la sidération de ceux qui virent, en 2017, le film choc « 120 battements par minute » sur les années Act Up. Quant à notre capacité à nous émouvoir d’une des plus criantes inégalités de santé existant au monde, à savoir l’accès à un traitement antirétroviral efficace, c’est un euphémisme de dire qu’elle est très émoussée… En sera-t-il de même vis-à-vis des victimes de la Covid-19, de leurs proches malmenés par les conditions des obsèques ou de ceux qui en gardent des séquelles ? Lorsque la barre des 100 000 décès a été franchie en France, il y a bien eu quelques tentatives pour leur rendre hommage, mais on peut craindre que le retour à « la vie d’avant » se fasse en les oubliant, en « digérant » une nouvelle fois la catastrophe, comme nous en digérons d’autres, par exemple les 70 000 morts annuels du tabagisme. À son tour, que deviendra la perception du risque pandémique après les années Covid ?